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AMF-ACPR

Rétrospective 2024 ​ Assurance / Banque / Epargne​

Emanuela Azouzi-Popa
Consultante

L’étude conjointe menée par l’ACPR et l’AMF en 2024, s’inscrit dans une démarche de convergence des pratiques commerciales et de renforcement de la protection des investisseurs et souscripteurs.

L’objectif de cette étude vise à analyser l’évolution des pratiques de commercialisation sur 5 ans dans les secteurs assurantiel, bancaire et financier, en s’appuyant sur les contrôles réalisés dans le cadre de l’application des directives européennes DDA (Distribution en assurance), MIF2 (Marchés d’instruments financiers) et PRIIPs (Produits d’investissement packagés).

Le Pôle commun des 2 autorités (AMF et ACPR), qui exerce depuis 15 ans déjà, rappelle l’importance de sa mission de collaboration et d’échange d’informations concernant les thématiques d’intérêt commun :

  • l’épargne des particuliers
  • les risques d’arnaques et la protection de la clientèle
  • Mieux informer et devoir de conseil

L’épargne des particuliers

L’année 2024 confirme l’effort des ménages pour accroître leur épargne, malgré la prudence et la baisse de l’inflation.

En chiffres:

  • Le taux d’épargne s’élève à 18,2 % du revenu brut, contre 15% avant la crise sanitaire de 2020.
  • La collecte nette de l’assurance vie progresse à 22,8 Mds d’euros, un record depuis 10 ans, avec un encours d’environ 2000 Mds d’euros.

La retraite reste une motivation forte pour l’épargne. La stabilité des produits d’épargne règlementés assure un taux de rémunération confortable.

Des initiatives clé ont été mises en place pour la protection des épargnants : la vigilance des autorités, l’évolution du cadre règlementaire et l’accessibilité des produits et services financiers

Les produits structurés destinés aux investisseurs particuliers sont des produits complexes, et font l’objet d’une vigilance particulière de la part de l’AMF et de l’ACPR.

Les autorités financières ont réalisé un état des lieux du marché des produits dérivés entre 2021 et 2023 :

Entre 2021 et 2023, les autorités financières ont dressé un état des lieux du marché des produits dérivés. Il en ressort que deux tiers des produits comportent un risque de perte en capital, même si la part des produits offrant une protection totale du capital à échéance est en constante progression. Le rendement annuel moyen brut, hors frais et fiscalité, se situe entre 6 % et 7 %.

Les collectes annuelles ont fortement augmenté, passant de 23 milliards d’euros en 2021 à 42 milliards d’euros en 2023, dont 80 % ont été réalisés via des contrats d’assurance-vie. Par ailleurs, les principaux circuits de commercialisation confirment cette tendance : 79 % de l’encours investi provient de l’assurance-vie

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L’évolution du cadre réglementaire vise à rehausser les attentes en matière de liquidité et de diversification des risques.

Concernant la liquidité, la majorité des fonds sont ouverts aux rachats, mais disposent de très peu d’actifs liquides. Certains présentent même des mécanismes de gestion de liquidité atypiques, comme la possibilité d’allonger significativement le délai de règlement des rachats.

En ce qui concerne la diversification des risques, plusieurs fonds se caractérisent par une forte concentration dans un nombre limité d’actifs, ce qui accentue leur exposition à certains risques spécifiques.

La directive européenne Accessibilité du 17 avril 2019, transposée en mars 2023 en France, vise à harmoniser les exigences en matière d’accessibilité sur certains produits et services dans l’Union européenne, afin de faciliter leur libre circulation et de promouvoir une société plus inclusive.

Les objectifs principaux :

  • Améliorer l’accessibilité des produits et services pour les personnes handicapées et celles ayant des limitations fonctionnelles (personnes âgées, femmes enceintes, etc.);
  • Réduire les disparités nationales en matière d’accessibilité, qui freinent la concurrence et la mobilité au sein du marché intérieur;
  • Favoriser l’innovation en permettant aux entreprises de se concentrer sur le développement plutôt que sur l’adaptation aux législations nationales divergentes.

Les produits et services concernés :

  • Les ordinateurs et systèmes d’exploitation;
  • Les terminaux de paiement;
  • Les services bancaires;
  • Les livres numériques et logiciels spécialisés;
  • Les services de transport;
  • Les sites web et applications mobiles des services publics et privés

Pour l’ACPR, les exigences d’accessibilité s’appliquent :

  • à l’information précontractuelle,
  • aux offres et contrats de crédit à la consommation et immobilier,
  • aux facilités de découvert en compte et dépassement

Pour l’AMF, les exigences d’accessibilité s’appliquent à certains services d’investissement et services connexes :

  • la réception/transmission d’ordres ,
  • l’exécution des ordres,
  • la gestion sous mandat, le conseil,
  • l’octroi de crédits ou de prêts pour réaliser des transactions,
  • la recherche en investissements et l’analyse financière

La mise en œuvre de cette directive (application au 28 juin 2025) a pu être réalisée grâce à la coordination ACPR-AMF sur les enjeux bancaires et financiers et avec le concours des groupes de travail initiés par les associations professionnelles.

Les risques d’arnaques et la protection de la clientèle

La vigilance de l’AMF et l’ACPR reste indispensable pour garantir la protection des épargnants, sensibiliser sur les risques et encadrer les pratiques commerciales, dans un contexte de recrudescence des escroqueries financières.

En chiffres :

  • Près de 1 050 cas d’usurpation d’identité détectés (+ 8,5% en un an);

1 460 noms de sites ou d’acteurs non autorisés ajoutés sur les 6 listes noires disponibles sur le site internet des autorités (8% de plus qu’en 2023).

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Mieux informer et devoir de conseil

Plusieurs actions ont été mises en place afin de renforcer la protection des épargnants et d’améliorer les pratiques du secteur financier.

Des informations pédagogiques sur les produits bancaires, assurantiels et les placements financiers sont désormais disponibles sur le site ABE InfoService (Assurance Banque Épargne), accompagnées de conseils destinés aux épargnants et investisseurs. Parallèlement, une analyse de 2 200 offres commerciales, diffusées sur des médias traditionnels et digitaux, a été menée afin d’évaluer la qualité et la transparence des communications.

Les travaux sur les réseaux sociaux et la veille publicitaire ont également été renforcés, tandis que de nouvelles priorités de contrôle ont été définies, portant sur les processus de commercialisation — notamment la collecte d’informations relatives à la connaissance et aux besoins des clients — ainsi que sur la qualité de l’information délivrée.

Enfin, la création d’un groupe de travail vise à identifier les difficultés d’application des textes et à améliorer les pratiques, en particulier dans le domaine de la finance durable.

Les principaux enjeux européens 2025 / 2026

Depuis le 19 mars 2025, la Commission Européenne souhaite

  • orienter l’épargne des Européens vers le financement de l’économie européenne sur le long terme, afin de financer les transitions climatique et numérique et la défense européenne;
  • replacer l’investisseur au centre des attentions.

Il est primordial de renforcer la confiance des clients particuliers dans l’investissement sur les marchés de capitaux, de simplifier le parcours client tout en maintenant un bon niveau de protection du consommateur, et de développer une stratégie d’éducation financière.

Ces éléments alimentent les réflexions dans le cadre de la stratégie d’investissement de détail de la Commission européenne, visant à harmoniser les règles de protection des investisseurs particuliers à l’échelle de l’UE.

Si les pratiques ont globalement progressé pour mieux répondre aux exigences réglementaires, notamment en matière de conseil, d’information précontractuelle et de gouvernance des produits, des points d’amélioration subsistent, notamment:

  • La gouvernance des produits (ciblage, suivi, adaptation aux besoins des clients).
  • Le devoir de conseil, encore trop souvent formel ou insuffisamment personnalisé.
  • La gestion des conflits d’intérêts, en particulier liés aux rémunérations et incitations commerciales

Les priorités 2025/2025 pour l’ACPR et l’AFM seront la lutte contre les arnaques et la protection des épargnants en poursuivant les travaux sur la commercialisation des supports d’épargne assurancielle ou d’investissement.

Fort de son expérience notre cabinet de conseil a un rôle stratégique à jouer en accompagnant les acteurs du secteur dans l’évolution et la mise en conformité des parcours de vente.

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L’évolution du virement bancaire à travers les Directives européennes sur les Services de Paiement 1, 2 et 3

ALCOUFFE Céline
Céline Alcouffe
Consultante Senior

 

Les moyens de paiement (espèces, chèques, cartes bancaires, virements ou prélèvements) sont régulés au sein de l’Espace Economique Européen (EEE) par une réglementation qui tente d’évoluer au rythme des changements technologiques, digitaux et comportementaux.

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Une fois adoptée au niveau européen, les États membres disposent d’un délai de 18 à 24 mois pour transposer la directive dans leur législation nationale.

Directive : Loi adoptée au niveau européen fixant des règles que les Etats membres doivent inclure dans leur système normatif interne. Les Etats disposent d’une certaine latitude de moyens d’intégration dans le système normatif national.

Le mécanisme d’un virement bancaire ponctuel domestique

Le titulaire du compte à débiter donne l’ordre à sa banque (via une application mobile, en ligne, en agence bancaire ou par téléphone) d’effectuer un transfert de fonds avec les informations du bénéficiaire.

L’établissement financier du donneur d’ordre réalise ensuite des vérifications (compte suffisamment provisionné ou autorisation de découvert ainsi que la conformité des coordonnées bancaires du bénéficiaire), débite le compte de l’émetteur et achemine les fonds via un réseau sécurisé.

En France, lors d’un virement entre deux comptes détenus dans des établissements bancaires différents, le système de compensation et de règlement est utilisé pour acheminer l’argent via des plateformes sécurisées. Les opérateurs de compensation, à qui les banques transmettent les ordres de virement, valident les opérations et équilibrent les flux d’argent entre établissements bancaires en fonction des montants et des directions des transactions. Ce système normé, dans lequel les établissements bancaires sont régulés, permet de garantir la traçabilité des opérations.

Enfin, la banque du bénéficiaire crédite le compte concerné (le délai dépend des banques et des types de virement). La personne physique ou morale bénéficiaire, qui a été identifiée par l’émetteur via ses coordonnées bancaires, reçoit alors les fonds.

Les grands axes des directives DSP1, DSP2 et DSP3 qui ont fait évolué le virement bancaire*

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Ouvrir le marché

DSP1
Suppression du monopole des banques en France avec l’introduction de nouveaux acteurs : les établissements de paiement, qui peuvent fournir des services de paiement liés à un compte de paiement (différences avec un compte de dépôts : pas de chéquiers, découverts impossibles et restrictions sur les crédits).
Ces établissements de paiement ont des obligations allégées par rapport aux banques (par exemple, ils ne sont pas adhérents du fonds de garantie, qui garantit les dépôts de la clientèle à hauteur de 100 000 € en cas de faillite d’un établissement bancaire).

DSP2
Extension de la réglementation à de nouveaux prestataires de services de paiement (PSP tiers) avec la création de deux nouveaux statuts :

  • Prestataire de services d’information sur les comptes (PSIC) : pour fournir des services d’agrégation d’informations.

  • Prestataire de services d’initiation de paiement (PSIP) : pour fournir de nouveaux types de services de paiement, pour traiter et faciliter les transactions entre un e-commerçant et la banque de l’acheteur par exemple.

Ce n’est plus le client qui donne l’ordre à sa banque de payer son créancier (un commerçant, une entreprise, un particulier…). C’est l’intermédiaire qui initie le paiement, directement depuis le compte bancaire de son client et à sa demande, le plus souvent sous forme de virement (exemple : SlimPay, Linxo).
Ces prestataires doivent répondre à des exigences prudentielles et être couverts par une assurance responsabilité civile professionnelle.

DSP3
Intégration des établissements de monnaie électronique (EME) en tant que sous-catégorie des établissements de paiement (EP), unifiant ainsi les cadres réglementaires auparavant distincts.

 Protéger les consommateurs

DSP1
– Allongement de la durée de contestation des opérations : 13 mois pour les opérations réalisées sans l’accord du client (au lieu d’un délai compris entre 70 et 120 jours selon les contrats), 8 semaines pour les paiements « en blanc ».
– Diminution du délai de notification au client de la modification de sa convention de compte ou de contrat-cadre : 2 mois avant l’application de la nouvelle tarification (au lieu de 3).

DSP2
Généralisation de l’authentification forte (validation reposant sur deux facteurs ou éléments de sécurité, au lieu d’un seul) pour trois types d’opération :
– l’accès au compte de paiement en ligne,
– une opération de paiement électronique (virement ou paiement par carte),
– une action exécutée à distance présentant un risque élevé de fraude (ex. : enregistrer un nouveau bénéficiaire).

DSP3
Les banques et les fournisseurs de comptes de paiement devront fournir aux consommateurs un tableau de bord des consentements, leur permettant d’avoir la vision et le contrôle des entreprises qui ont accès à leurs données et de pouvoir les révoquer facilement.

Renforcer la sécurité du système

DSP2
Obligation pour les banques de partager, via des interfaces sécurisées (API), les données des comptes bancaires de leurs clients avec les PSP tiers, sous réserve de leur accord (révocable à tout moment).
La banque et le PSP tiers doivent s’identifier à l’aide d’identifiants spécifiques, permettant de recueillir uniquement les données autorisées par le client.

DSP3
– Encourage une coopération accrue entre les PSP pour détecter et prévenir la fraude, à travers le partage d’informations.
– Améliore la qualité des APIs et standardise les interfaces entre acteurs pour renforcer l’interopérabilité.
– Met en place une vérification de la concordance entre le numéro du compte (IBAN) du bénéficiaire et son identité (nom et prénom) avant la confirmation d’un virement.

La Vérification du Bénéficiaire (Verification of Payee – VoP)

Depuis le 9 octobre 2025, toutes les banques ont l’obligation de proposer un service de Vérification du Bénéficiaire (VoP) pour les virements SEPA classiques (SCT) et les virements SEPA instantanés (SCT inst) initiés.

La banque de l’émetteur envoie une demande VoP en temps réel à la banque du bénéficiaire pour vérifier l’IBAN et l’identifiant du bénéficiaire. En cinq secondes maximum, la banque du bénéficiaire exécute son propre algorithme de correspondance et fournit au demandeur VoP l’un des quatre résultats possibles :
Match : les données sont correctes.
Close match : les données sont similaires à celles du titulaire de compte.
No match : les données sont erronées.
No answer : aucune vérification n’a pu être effectuée (données incorrectes ou problème technique).

Si le résultat est différent de « Match », l’émetteur peut choisir de confirmer ou d’annuler le paiement. En cas de confirmation, le paiement suit alors le processus classique d’exécution.

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À partir de Novembre 2025 : L’euro numérique dans une période charnière de son projet

ALCOUFFE Céline
Céline Alcouffe
Consultante Senior

 

Il y a 4 ans, la Banque Centrale Européenne (BCE) démarrait la phase d’investigation de son projet de l’euro numérique, dont Florence nous a partagé les esquisses, les ambitions et les enjeux.

Voici la suite du feuilleton de cette entreprise titanesque !

Un projet européen d’une ampleur inédite : rappel des objectifs, des principes et des principales caractéristiques envisagées

L’euro numérique est une initiative de l’Eurosystème, mais il s’agit également d’un projet européen commun impliquant un ensemble très diversifié de parties prenantes.

Le concept n’est pas de remplacer l’argent liquide mais de le compléter, en permettant à la monnaie de banque centrale, c’est-à-dire la monnaie publique, d’être également utilisée sous forme numérique.

L’objectif est de préserver la souveraineté monétaire de l’Europe dans un contexte d’incertitude géopolitique et de numérisation rapide, en renforçant l’autonomie stratégique et la compétitivité de l’Europe via l’innovation dans le domaine des paiements numériques.

L’euro numérique permettrait ainsi de réduire la dépendance vis-à-vis des grands fournisseurs de services de paiement privés non européens, qui dominent actuellement le paysage européen.

*  Concernant les principes, quatre fondamentaux ont été posés par l’Eurosystème concernant le mode de rémunération :

  • En tant que bien public, un euro numérique devrait être gratuit pour une utilisation de base et accessible de la même manière dans tous les pays de la zone euro.
  • Les prestataires de services de paiement factureraient aux commerçants des frais liés à la fourniture de services, afin de compenser les coûts opérationnels de la distribution, comme c’est déjà le cas pour d’autres moyens de paiement numériques. Ils pourraient également développer des services supplémentaires en euros numériques, au-delà de ceux requis pour l’usage de base.
  • Des mesures de protection législatives devraient empêcher toute surfacturation des commerçants par les prestataires.
  • Enfin, l’Eurosystème prendrait en charge les coûts d’émission, comme il le fait déjà pour la production des billets.
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Source : Progress on the preparation phase of a digital euro (rapport n°1)

 

Parmi les caractéristiques envisagées et non exhaustives de l’euro numérique ;

  • L’euro numérique serait émis par l’Eurosystème.
  • Les avoirs en euros numériques des particuliers ne seraient pas rémunérés et seraient soumis à des limites de détention afin de limiter son utilisation comme forme d’investissement.
  • Les transactions effectuées en ligne seraient validées par un tiers, alors que celles réalisées hors ligne seraient validées de pair à pair.
  • La fonctionnalité hors ligne permettrait aux utilisateurs de payer sans connexion Internet, par exemple en cas de panne de courant ou de réseau, après avoir préfinancé leur compte en euros numériques via internet ou un distributeur automatique de billets.
  • Les utilisateurs auraient la possibilité de lier leur portefeuille numérique en euros à un compte bancaire commercial, ce qui leur permettrait d’effectuer des paiements via leur portefeuille sans avoir besoin de le précharger avec des fonds. Cette configuration rendrait possibles des paiements importants avec l’euro numérique, quel que soit le solde actuel du portefeuille.
  • Deux modes d’accès et d’utilisation seraient proposés :
    • Continuer d’utiliser les applications existantes des prestataires de services de paiement, sur lesquelles des services supplémentaires pourraient être développés,
    • Ou utiliser une application fournie par l’Eurosystème pour accéder facilement aux services de base de l’euro numérique. Cette application constituerait un point d’entrée uniforme, sans empiéter sur la relation entre les prestataires de services de paiement et leurs clients. Elle offrirait aussi un avantage pour les petits prestataires qui ne disposent pas des ressources nécessaires pour développer leurs propres solutions.
  • Par ailleurs, les résidents en dehors de la zone euro devraient avoir accès à l’euro numérique par l’intermédiaire de prestataires européens, qui seraient tenus d’effectuer des contrôles d’identité lors de l’intégration des utilisateurs.

Un planning qui s’étale sur plusieurs années
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Entre octobre 2021 et octobre 2023, la phase d’investigation avait pour objectif d’aborder des questions clés relatives à la conception et à la distribution d’un euro numérique.

A l’issue de cette phase d’enquête, le Conseil des gouverneurs de la BCE a approuvé le lancement de la deuxième étape : la phase préparatoire.

De novembre 2023 à octobre 2025, cette dernière visait principalement à : (i) finaliser le corpus réglementaire relatif à l’euro numérique, (ii)sélectionner des fournisseurs potentiels pour la plateforme et l’infrastructure, (iii) réaliser des expérimentations et des consultations des parties prenantes, ainsi qu’à (iv) approfondir l’analyse des aspects techniques, tels que la fonctionnalité hors ligne et le plan de test et de déploiement.

À partir de novembre 2025, le Conseil des gouverneurs devra statuer sur l’émission d’un euro numérique afin de lancer les prochaines étapes d’un potentiel développement et déploiement. Cette décision ne sera prise qu’une fois que le cadre législatif de l’Union européenne aura été adopté.

Un projet européen pour lequel fédérer les parties prenantes est un des enjeux principaux

L’organisation mise en place est à la hauteur de l’ambition de ce projet européen qui souhaite y associer l’ensemble des parties prenantes.

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L’Eurosystème est le pilier du projet : il est composé de la Banque Centrale Européenne (BCE) et des Banques Centrales Nationales (BCN) de la zone euro.

Le pilotage est assuré par la Task Force de haut niveau sur la monnaie numérique de banque centrale (HLTF-CBCDC), dont font partis des représentants de l’Eurosystème.

La Commission européenne, en lien avec la BCE qui lui apporte une contribution technique pour le processus législatif, propose le règlement visant à établir l’euro numérique, afin de le soumettre au Parlement européen et au Conseil des gouverneurs, qui ont tous deux, un rôle d’approbateur.

Les différentes instances européennes (Commission des affaires économiques et monétaires – ECON et les Ministres des Finances de la zone euro par l’intermédiaire de l’Eurogroupe) sont régulièrement informées de l’avancement du projet par la BCE.

Enfin, les prestataires de services et de paiement, les commerçants, le public et les associations de consommateurs sont consultés puisqu’ils participent aux ateliers de travail et de consultations, organisés par l’Euro Retail Payments Board (ERPB), qui a été créé pour promouvoir l’intégration, l’innovation et la compétitivité des paiements de détail en euros dans l’Union européenne.

Les prestataires de services de paiement (PSP) joueront un rôle central. Les critères d’accès au système pour ceux qui distribuent l’euro numérique seraient fondés sur la DSP2, en plus d’autres actes législatifs pertinents.

Les établissements de crédit, de monnaie électronique et de paiement seraient en mesure de distribuer l’euro numérique. Ils pourraient offrir des services de paiement et fournir des comptes en euros numériques, mettre à disposition des API pour ces comptes et proposer des services de base associés à l’euro numérique.

Les intermédiaires supervisés seraient responsables des rôles en contact direct avec les utilisateurs finaux : particuliers, commerçants et entreprises. Ils assureraient la gestion des utilisateurs et des transactions, ainsi que le financement et le définancement.

L’Eurosystème, de son côté, serait responsable de l’intégration et de la gestion des intermédiaires, ainsi que du règlement des opérations en euros numériques.

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Source : Progress on the investigation phase of a digital euro (rapport n°2)

 Les PSP devraient également effectuer des contrôles de la fraude, comme c’est déjà le cas pour les paiements numériques. Les données à caractère personnel et les données de transaction ne seraient accessibles aux intermédiaires qu’afin de respecter les exigences en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LBC-FT), ainsi que les dispositions pertinentes du droit européen.

Les services proposés pourraient être de base, comme l’ouverture ou la clôture d’un compte en euros numériques, les fonctionnalités d’intégration, de financement ou de définancement, tant pour les paiements en ligne comme hors ligne. Ces services de base seraient obligatoires pour les intermédiaires soumis à la surveillance prudentielle qui distribuent de l’euro numérique

Les prestataires pourraient aussi proposer des services facultatifs, comme les paiements récurrents, et à valeur ajoutée, comme le fractionnement des paiements de personne à personne, afin d’améliorer davantage l’expérience de l’utilisateur.

Enfin, la protection de la vie privée occupe une place essentielle pour gagner l’adhésion des futurs utilisateurs. L’euro numérique est conçu conformément à l’approche « privacy by design ».

Pour les paiements numériques en ligne, l’Eurosystème, en tant qu’émetteur et fournisseur d’infrastructure, ne pourrait pas établir de lien direct entre les transactions et des personnes spécifiques. Les solutions techniques envisagées incluent la pseudonymisation, le hachage et le chiffrement des messages échangés avec et entre les prestataires de services. Les données échangées entre les prestataires et l’Eurosystème seraient séparées.

Pour les paiements numériques hors ligne, seuls le payeur et le bénéficiaire connaîtraient les détails de la transaction, comme pour l’argent liquide, aussi bien dans le cadre de paiements entre particuliers que pour les paiements en magasins.

Enfin, l’Eurosystème serait supervisé par des autorités indépendantes de protection des données, qui veilleraient au respect des normes rigoureuses du Règlement sur la protection des données de l’Union européenne (RPUE) et du Règlement général sur la protection des données (RGPD), parmi les lois les plus strictes au monde en matière de confidentialité et de sécurité.

Si Novembre 2025 marque bien une étape charnière pour le projet européen de l’euro numérique, le suspense reste complet quant à l’issue de cette entreprise titanesque.

Nous ne manquerons pas de suivre ce feuilleton de près et de vous faire part de tous les rebondissements qu’il implique pour le monde, l’Europe et la France.

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Nouveau Fonds Défense : Bpifrance prépare le nouvel investissement vert… kaki

Thibault Chevalier
Directeur Associé

 

Peut-on encore considérer l’armement comme un tabou pour les placements “responsables” ? À la faveur du vaste plan de réarmement européen, la question se pose crûment : le dernier né de Bpifrance, permet à tout un chacun d’investir dans la défense, dès 500 euros. Pourquoi un tel fonds, quelles caractéristiques et quels rendements espérer ? Plongée dans les coulisses d’un nouveau virage politique et financier. 

Un tournant dans le financement de la défense ?

Depuis la guerre en Ukraine et suite au changement de doctrine américaine, la France et plusieurs pays européens se sont donné pour mot d’ordre de « réarmer » et de soutenir de manière accélérée le domaine de la défense, dont l’ensemble des entreprises est regroupé dans la Base Industrielle et Technologique de Défense (BITD). Le 20 mars dernier, Bpifrance a ainsi annoncé le lancement d’un fonds d’investissement dédié aux entreprises du secteur de la défense et de la cybersécurité, « Bpifrance Défense », dont l’ambition est de lever 450 millions d’euros auprès des particuliers et des institutionnels.

Pour autant, l’intention de renforcer l’accompagnement aux industries de défense n’est pas nouvelle, puisque deux autres fonds ont déjà été mis en place par Bpifrance : le fonds Bpifrance DefInfest (doté de 100 m€ en 2020) et le Fonds Innovation Défense (dotée de 400 m€ en 2021) ; avec la particularité, cette fois-ci, de s’adresser à des investisseurs particuliers et avec une thèse d’investissement plus large.

« Nous réunissons à Bercy les acteurs financiers et les acteurs industriels [et] nous voulons convaincre les Français qui le souhaitent […] d’investir dans notre économie de défense », a ainsi déclaré le ministre de l’Économie, Eric Lombard, en soulignant toutefois que « ce sera leur liberté » et qu’« il n’y aura pas de main basse sur l’épargne ». Dans ce contexte, les acteurs financiers – banques, assureurs, fonds de dette et de private equity – se disent désormais « 100 % engagés » pour répondre aux besoins d’un secteur qui, d’après l’Observatoire économique de la Défense, doit massivement moderniser ses infrastructures, augmenter ses capacités et sécuriser ses approvisionnements.

Les assureurs évoquent la possibilité de mobiliser l’assurance-vie ou les PER (Plan d’Epargne Retraite). « Nous sommes déjà investis dans la défense et nous allons continuer à l’être et à nous renforcer », a ainsi affirmé Nicolas Gomart, directeur général de la Matmut. Reste que, côté opinion, une part significative de Français demeure sceptique : seuls 44 % se disent prêts à investir dans un produit dédié à la défense s’il offre « un bon rendement » et garantit une « utilisation transparente des fonds », selon un sondage mené conjointement par l’Ifop et La France Mutualiste.

Un véhicule “evergreen” accessible dès 500  euros

Le fonds « Bpifrance Défense » adopte une forme de “private equity” : il pourra investir, sans limite de durée, dans des PME (Petite et Moyenne Entreprise) et ETI (Entreprise de Taille Intermédiaire) jugées stratégiques (aéronautique, imagerie spatiale, cybersécurité, etc.) pour le secteur de la défense. « C’est du capital d’entreprise. Et donc il faut que ces entreprises montent en régime, de façon à ce qu’au bout d’un moment, on puisse retrouver sa liquidité », a rappelé Eric Lombard pour justifier un blocage de cinq ans minimum. Le ticket d’entrée est fixé à 500  euros, sans avantage fiscal spécifique.

C’est un choix assumé : on vise un investissement de long terme, potentiellement risqué, mais offrant un rendement supérieur à celui des placements traditionnels. Selon les estimations de Bpifrance, l’objectif de performance pour ce type de fonds s’établit généralement dans une fourchette de 6 % à 10 % annuels, sans garantie.

Résumé des points clés pour l’épargnant :

  • Durée de blocage : cinq ans minimum (contre sept ou dix ans pour certains véhicules plus classiques), sans possibilité de retrait anticipé
  • Fiscalité : pas de régime de faveur ; les règles fiscales de l’enveloppe dans laquelle le fonds est souscrit s’appliqueront (assurance-vie, compte-titres, etc.)
  • Risque : le capital n’est pas garanti. Le succès du fonds dépendra donc entre autres du rythme des commandes publiques et de la bonne santé financière des entreprises financées

L’épargnant Français ayant dans son ensemble une appétence modérée au risque et un engouement naturel pour les dispositifs à incitation fiscale, on peut s’attendre à ce que l’enveloppe d’investissement soit vraiment déterminante, mais on sait déjà que le fonds ne sera pas éligible au PEA (Plan d’épargne en actions) ou PEA-PME (Plan d’épargne en action réservé au financement des PME).

L’investissement défense face aux critères Environnementaux, Sociétaux et de Gouvernance (ESG) : entre débat et opportunité

Jusqu’ici, beaucoup d’investisseurs « socialement responsables » excluaient la défense de leurs portefeuilles au même titre que le tabac ou les énergies fossiles. « Le secteur de la défense et de l’armement n’est en aucun cas compatible avec la finance durable », insiste Eric Simonnet de Triodos IM, spécialisé dans la finance à impact et cité par Les Echos. À l’inverse, le ministre de l’Économie a martelé : « Investir dans la défense est responsable : cela protège notre souveraineté et les principes que nous portons ».

En réalité, la réglementation européenne n’interdit nulle part d’investir dans l’armement. Certaines armes (mines antipersonnel, armes à sous-munitions), proscrites par les traités internationaux, se trouvent néanmoins exclues de facto.

Bercy semble vouloir faire bouger les lignes, estimant qu’« opposer défense et engagements responsables est une idée fausse ». Pour d’autres acteurs, c’est un “malentendu sérieux” : la défense, dit-on, protégerait la démocratie, donc la capacité même à bâtir un modèle durable. Reste à voir si les grands gérants d’actifs assoupliront leurs chartes ESG, les modifieront, ou s’ils se contenteront de proposer des fonds dédiés, hors label durable.

En conclusion

En lançant « Bpifrance Défense », l’État français et la Banque publique d’investissement franchissent un pas symbolique : permettre à chacun, dès 500 euros, de s’impliquer financièrement dans la BITD.
Beaucoup d’observateurs estiment que ce nouveau véhicule sera déterminant pour la modernisation industrielle et l’innovation du secteur. D’autres y voient un pari risqué, tant sur le plan moral que financier, dans une période où la question de l’acceptabilité sociétale des armes demeure vive.

S’il est encore trop tôt pour savoir si ce fonds séduira en masse (la mise en marché étant planifiée pour le second semestre 2025), il incarne déjà un nouveau chapitre : celui où l’épargnant se voit offrir la possibilité d’arbitrer, en conscience, entre rentabilité et souveraineté – ou, du moins, entre engagement patriotique et gestion prudente de ses avoirs. À l’heure où l’Europe réarme, ce choix, plus que jamais, revient au citoyen-investisseur. Reste à savoir si les politiques de durabilité procèdent de la sécurité extérieure et donc de la défense : si vis sustineri para bellum !

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L’AMLA : Une nouvelle autorité européenne pour renforcer la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme

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Maxime Minjoulat-Rey
Consultant

Contexte

Le Parlement européen a adopté, le 31 mai 2024, la création de l’Autorité européenne de lutte contre le blanchiment d’argent (AMLA pour Anti-Money Laundering Authority). Cette initiative s’inscrit dans un objectif d’unification et de renforcement des efforts de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT) au sein de l’Union européenne.

Organisation et déploiement de l’AMLA

L’AMLA sera basée à Francfort, aux côtés de la Banque Centrale Européenne. Sa structure organisationnelle comprendra un conseil d’administration, composé d’un président et de cinq membres, ainsi qu’un conseil exécutif divisé en deux branches : une branche « supervisory » regroupant les responsables des autorités publiques de supervision de la LCB-FT, et une branche « intelligence » comprenant les responsables des Financial Intelligence Units des États membres.

Le déploiement de l’AMLA se fera en plusieurs étapes. Dès 2025, le conseil d’administration sera constitué et les premières activités débuteront. La supervision directe, quant à elle, entrera en vigueur en 2028.

Les fonctions clés de l’AMLA

L’AMLA se voit confier un rôle central dans la supervision directe des entités financières présentant des profils de risque élevés, y compris les fournisseurs de services sur crypto-actifs. Elle sera habilitée à émettre des demandes d’informations et à mener des enquêtes approfondies, tant au niveau des groupes que des entités individuelles.

En parallèle, l’AMLA assurera la coordination entre les autorités nationales, qui lui transmettront leurs plans de contrôles. Elle pourra également formuler des recommandations à l’intention des autorités nationales et des cellules de renseignement financier des États membres.

L’AMLA aura également pour mission majeur la création d’une base de données centrale à l’échelle de l’UE, intégrant les informations déjà collectées par l’EBA (Eureca). Cette base de données facilitera les analyses de risques et renforcera la coopération entre les différents acteurs de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.

Afin de mener à bien ses missions,  l’AMLA disposera d’un pouvoir de sanctions, lui permettant d’imposer des mesures de police administrative et des sanctions pécuniaires pouvant atteindre jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires annuel total d’une entité.

Impacts sur les établissements financiers

L’adoption de l’AMLA va entraîner des changements significatifs pour les établissements financiers. L’harmonisation des méthodes de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme au niveau européen permettra de renforcer la conformité avec une intensification des diligences des  établissements sur les activités et les transactions, ce qui impactera leurs pratiques opérationnelles.

La surveillance sera également renforcée, avec des pouvoirs alignés au niveau européen pour les autorités nationales. L’interconnexion des fichiers des comptes bancaires facilitera l’accès des cellules de renseignement financier aux informations nécessaires. Enfin, la mise en place de la plateforme centralisée FIU.Net doit permettre d’optimiser la coopération internationale en partageant des données opérationnelles entre les cellules de renseignement financier.

Impacts sur les systèmes d’information

Ces nouvelles exigences impliquent une modernisation des systèmes d’information des établissements financiers En effet, les outils dédiés à la connaissance client, au filtrage des clients et des paiements, à la surveillance des transactions et à la détection des negative news génèrent un volume important de données à collecter et à analyser. La rapidité de détection, d’analyse et d’escalade seront des atouts clé dans la lutte contre les circuits criminels.

La sécurité des données sera également un enjeu majeur. La collecte et le traitement des informations sensibles devront respecter des normes strictes, et l’échange transfrontalier des données devra s’effectuer de manière sécurisée pour garantir leur intégrité et confidentialité.

Enfin, l’interopérabilité entre les pays et les parties prenantes sera essentielle pour faciliter l’intégration de l’Intelligence Artificielle et des traitements automatisés des données, conformément aux Regulatory Technical Standards qui définiront la typologie des données à transmettre à l’AMLA.

En conclusion, l’Autorité européenne de lutte contre le blanchiment d’argent (AMLA) représente une avancée significative dans la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme au sein de l’Union européenne. En centralisant et en harmonisant les efforts de supervision et de renseignement, l’AMLA permettra de renforcer la conformité et la sécurité des établissements financiers.

Par ailleurs, en créant un environnement financier plus sécurisé et transparent, cette nouvelle règlementation pourrait favoriser la confiance des clients et des investisseurs, tout en renforçant la réputation des établissements financiers au niveau mondial.

Pour les établissements financiers, il est crucial de se préparer aux nouvelles exigences imposées par l’AMLA. En adoptant des mesures proactives et en modernisant leurs systèmes d’information, ils pourront non seulement se conformer aux nouvelles réglementations, mais aussi améliorer leur efficacité opérationnelle et leur résilience face aux menaces financières.

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IRRBB : finalisation et reporting

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Stéphane Césaire-Gedeon
Consultant

Contexte

Après plusieurs années de taux bas, la fin de l’année 2022 marque le début d’une hausse des taux à la fois forte et rapide. En effet, l’Europe a connu pas moins de dix relèvements des taux directeurs par la Banque centrale européenne (BCE) entre juillet 2022 et septembre 2023 (cumul de +400 points de base sur les opérations principales de refinancement).

Outre-Atlantique, ce nouvel environnement de taux a largement contribué à une cascade de faillites de banques régionales américaines[1] qui auraient pu être évitées avec une surveillance d’indicateurs pertinents de mesure du risque. Cela dit, les impacts dans la zone euro sont restés limités et de courte durée (volatilité des marchés après le choc).

Contrairement aux Etats-Unis, toutes les banques de l’union européenne sont soumises aux standards prudentiels bâlois dans un cadre règlementaire stricte qui inclut le risque de taux dans le portefeuille bancaire dit IRRBB (le test réglementaire de mesure du risque de taux en valeur économique des fonds propres (EVE) prévu par cette règlementation aurait révélé une sensibilité excessive à la hausse des taux des banques défaillantes s’il avait été utilisé). Néanmoins, il a été utile d’en tirer un certain nombre de leçons indépendamment des spécificités de gestion des établissements en question afin d’anticiper les risques et challenges associés à cette nouvelle dynamique sur les taux d’intérêt et prévoir des ajustements adaptés. Dans ce contexte, un certain nombre d’évolutions ont été apportées au cadre règlementaire existant de l’IRRBB avec l’objectif clair de renforcer le dispositif sur la capacité des banques à mesurer le risque mais également permettre la surveillance et les contrôles par les régulateurs. Sur ce dernier point, des rapports dédiés à l’IRRBB seront intégrés au cadre de reporting COREP[2] et feront l’objet d’une première remise sur l’arrêté du 30 septembre 2024.

Pour rappel, le dispositif IRRBB se base sur les deux principales métriques suivantes dont la sensibilité aux taux d’intérêt est analysée à travers des scenarios de chocs de taux définis par la réglementation[3] :

  • Marge nette d’intérêt (MNI),
  • Valeur économique des fonds propres (EVE).

Mises à jour majeures

Le 20 octobre 2022, l’Autorité bancaire européenne (ABE) a publié un package contenant de nouvelles guidelines et des standards techniques autour de l’IRRBB et le risque de spread de crédit dans le portefeuille bancaire dit CSRBB.

Ce package comprend les éléments suivants :

  • Mise à jour des guidelines précédentes EBA/GL/2018/02 par une nouvelle guideline EBA/GL/2022/14 qui introduit CSRBB et quelques modifications mineures sur IRRBB.
  • Normes techniques réglementaires (RTS) pour introduire l’indicateur SOT (Standard Outlier Test) sur la MNI et une mise à jour sur le SOT EVE existant (EBA/RTS/2022/10, directive via 2024/856).
  • Normes techniques réglementaires (RTS) pour mettre en place des modèles standards pour la mesure de l’EVE et de la MNI (EBA/RTS/2022/09, directive via 2024/857).

Il s’accompagne également de normes techniques de mise en œuvre (ITS) qui définissent le reporting de ces éléments (ITS/2023/03, directive via 2024/855).

SOTs 

Le SOT permet d’identifier les institutions qui ont un risque de taux d’intérêt anormalement élevé sur la base des deux critères suivants :

  • SOT EVE : une variation d’EVE dans l’un des six scénarios de chocs de taux définis par l’EBA qui excède 15% des fonds propres de catégorie 1.
  • SOT MNI : une variation de la MNI dans les deux scénarios de chocs de taux et sur un horizon d’un an qui n’excède pas 5% des fonds propres de catégorie 1.

SOT MNI

Le SOT MNI est une nouveauté. Il est déterminé avec l’hypothèse d’un horizon d’un an et un bilan constant.

Il est probable qu’il n’y ai pas de conséquences immédiates au dépassement du nouveau SOT MNI car le régulateur n’exclut pas une recalibration régulière en fonction de l’évolution des taux d’intérêt (le seuil était précédemment fixé à 2.5%. Il a donc doublé pour tenir compte de l’évolution rapide des taux à la hausse). En revanche, le SOT EVE est lui plus ancien. Pour ce dernier, il n’y aura pas une période de transition similaire et un dépassement du seuil mènera rapidement à des sanctions.

SOT EVE

Le principal changement c’est que le seuil de 20% des fonds propres de catégorie 1 n’est plus applicable. Désormais, seul le seuil de 15% est retenu (ce dernier était précédemment uniquement un signal d’alerte).

Taux planchers sur les SOTs

Modification des planchers de taux d’intérêt après chocs de taux (applicable aussi bien pour le SOT EVE que le SOT MNI). Ces planchers démarrent à -150 points de base pour le taux overnight, augmentant linéairement de 3 points de base par an, pour atteindre 0% pour les maturités à partir de cinquante ans. Ils sont significativement inférieurs à ceux qui étaient applicables sur la précédente version.

Modèles IRRBB standards 

Les normes techniques décrivent une approche standard de l’IRRBB afin de mesurer l’EVE et la MNI.

Contrairement à certaines approches standards existantes sur d’autres périmètres règlementaires (ex : ratio de solvabilité), l’approche standard IRRBB n’a pas vocation à dispenser les banques de développer un modèle interne. En effet, ces modèles standards doivent être implémentés uniquement à la demande du régulateur qui va le préconiser s’il considère que le modèle interne de la banque est inefficace.

Le régulateur a également prévu des approches simplifiées pour les institutions qui sont jugées de petite taille et non complexes.

CSRBB  

Le régulateur introduit CSRBB qui permet de mesurer le risque sur l’EVE ou la MNI lié à des changements sur les spreads de crédit. Le règlement va lui associer des méthodes de mesure et une surveillance similaire à ce qui est déjà en place pour IRRBB.

Le risque est mesuré sous l’hypothèse du même niveau de solvabilité étant donné que les risques dit Idiosyncratiques ne sont généralement pas pris en compte (ils peuvent être inclus si cela donne des résultats qui sont plus prudents).

En termes de périmètre, les institutions doivent évaluer tous les éléments du bilan et hors bilan sensibles au spread de crédit et qui peuvent avoir un impact sur l’EVE et la MNI. Toute exclusion d’une position doit être à la fois documentée et justifiée. Toutefois, un périmètre minimum est spécifié dans le texte : il s’agit des actifs en juste valeur qui doivent dans tous les cas être considérés.

 Cap à 5 ans sur les dépôts non échéancés

Un plafond de cinq ans sur l’échéance moyenne pondérée pour la révision des taux d’intérêt est désormais introduit pour les dépôts non échéancés de détail et de gros (dans la version 2018, cette contrainte ne s’appliquait qu’au SOT EVE). Cette hypothèse comportementale vise un traitement prudent de ces dépôts qui s’avèrent être un élément important dans le calcul de l’impact des changements de taux d’intérêt.

[1] Silicon Valley Bank, la plus grande banque du lot a collecté une grande quantité de dépôts provenant en grande partie de start-ups de la tech dans une période de forte croissance du secteur. Ces dépôts ont été en grande partie investis dans des actifs à taux fixe et à long terme (bons du Trésor américain). Lorsque la croissance sur le secteur a baissé, certains ont commencé à retirer leurs dépôts et la banque a été obligé de vendre ces actifs à perte puisqu’ ils avaient perdu considérablement en valeur suite à la forte hausse des taux intérêts. Ces pertes ont mené à des retraits massifs de dépôts et la faillite.

 Obligation de reporting

Le reporting IRRBB dans le cadre du COREP se synthétise comme suit :

Modèles de repotring
Modèles de reporting

Le régulateur a prévu une classification des établissements en vertu du principe de proportionnalité : Grande taille, établissements de petite taille et non-complexe, autres établissements. Les deux derniers bénéficient de modèles de reporting simplifies sauf sur le premier modèle qui donne la vue globale sur les indicateurs.

Focus sur le premier modèle J 01.00 / Vue globale des indicateurs et de leurs sensibilités

Variation d’EVE et de MNI par choc de taux 

Les métriques que sont les variations d’EVE et de MNI en fonction des différents scenarios de stress règlementaires tiennent une place centrale et leurs variations doivent être renseignées pour chaque scenario de choc de taux (6 pour l’EVE, 2 pour la MNI).

SOTs 

Les SOTs sont renseignés sur les lignes mises en évidence en rouge sur les extraits du modèle ci-dessous.

Value of equity

Le remettant renseigne des ratios qui correspondent à la plus large variation d’EVE ou de MNI rapportée aux fonds propres de catégorie 1. Idéalement, le ratio affiché est inférieur aux plafonds fixés par le régulateur (15% des fonds propres de catégorie 1 pour le ratio EVE et 5% pour le ratio MNI).

Variation de juste valeur 

Durant la phase de consultation, il y’a eu une réflexion sur la définition de la MNI à utiliser pour les calculs. On parle de MNI au sens strict ou dans un sens plus large.

Dans le premier cas, la MNI est constituée uniquement des produits d’intérêt moins les charges d’intérêt. Dans l’autre cas, elle inclut également les variations de juste valeur.

Le régulateur a statué sur ce point et a retenu la MNI au sens strict et ce choix est justifié par le fait que cette méthode est plus adaptée pour faciliter la comparabilité entre les établissements.

Néanmoins, on peut constater que les variations de juste valeur apparaissent tout de même comme une métrique à part dans le rapport et sont donc considérées comme une composante importante de l’analyse même si elles ne sont pas directement intégrées à la MNI. Comme pour cette dernière, le remettant renseigne la valeur de la valorisation sur le scenario de base et les variations sur les deux scenarios de stress réglementaires.

Market value changes

Taille des chocs de taux pour les “autres devises” 

Pour certaines devises, le régulateur ne fournit pas directement la valeur des chocs de taux à appliquer mais plutôt une méthodologie permettant de réaliser une calibration. Ce processus permet d’obtenir les chocs pour les devises en question qui doivent être reportés en point de base dans le tableau ci-dessous.

Other currencies

[2] COREP (Common Reporting Framework) est un ensemble de reportings standardisés émis par l’Autorité bancaire européenne (ABE).

[3] Il s’agit précisément de six chocs de taux avec des variations parallèles de la courbe de taux (vers le haut/bas) et des déformations de la courbe de taux avec une hausse/baisse des taux courts, l’aplatissement et la pentification de la courbe. Pour la MNI, seuls les deux scénarios de variations parallèles sont utilisés.

Finance durable (1)

La finance durable : l’avenir des investissements français

Kevin Martins
Consultant

Les Français de plus en plus tournés vers les placements durables

On assiste aujourd’hui à une prise de conscience croissante des enjeux environnementaux et sociétaux. La problématique du réchauffement climatique est devenue centrale dans le discours médiatique. Dans cette perspective, les investisseurs sont de plus en plus sensibles à l’impact environnemental de leur épargne et souhaitent l’orienter vers des secteurs d’activités moins polluants, plus durables.

Les statistiques le confirment : selon Novethic[1], le marché des fonds durables en France représentait 896 milliards d’euros d’encours au 31 décembre 2021, soit + 94 % sur un an.

Une étude OpinionWay d’avril 2023[2] indique que 75 % des Français considèrent l’impact des placements sur l’environnement comme un sujet important et plus d’un Français sur deux déclare prendre en compte la problématique du développement durable dans l’orientation de son épargne. On constate un écart générationnel en la matière avec une plus forte proportion des moins de 35 à considérer les placements durables comme pertinents (33 % versus 25 % dans l’ensemble de la population).

L’offre du marché répond à cette prise de conscience

Pour faire face à ces nouveaux enjeux, les acteurs des marchés financiers intègrent de nouveaux fonds dits « durables » dans leurs enveloppes d’investissement. Il s’agit même d’une nouvelle obligation réglementaire. Ainsi, depuis le 1er janvier 2022, le Code des Assurances impose aux assureurs de proposer – pour chaque produit – au moins un support :

  • labellisé « ISR » (Investissement Socialement Responsable)
  • labellisé « Greenfin »
  • solidaire, labellisé « Finansol » par exemple

Les fonds ISR doivent prendre en compte des critères extra-financiers, dits « ESG » (Environnementaux, Sociaux et Gouvernance) en plus des critères financiers dans leurs choix d’investissement :

  • Le critère environnemental mesure l’impact de l’entreprise sur l’environnement (par exemple : les émissions de CO², le recyclage des déchets, …)
  • Le critère social montre la relation de l’entreprise vis-à-vis de ses parties prenantes (par exemple : la qualité du dialogue social, le respect des droits humains, …)
  • Le critère gouvernance porte sur la façon dont l’entreprise est dirigée, administrée et contrôlée (par exemple : la lutte contre la corruption, la transparence de la rémunération des dirigeants, …)

Le label Greenfin est attribué aux fonds investissant dans l’économie verte, c’est-à-dire qui participent à la transition énergétique et écologique. Il exclut les entreprises opérant dans le secteur nucléaire et les énergies fossiles. Ainsi, il est plus exigeant que le label ISR sur les critères environnementaux.

Quant aux fonds dédiés à l’économie sociale et solidaire (ESS), ils peuvent obtenir le label Finansol qui cible des activités à forte utilité sociale et / ou environnementale. Les secteurs d’activités financés sont principalement :

  • L’emploi et la création d’entreprise
  • Le logement social
  • Les activités écologiques
  • L’entreprenariat dans les pays en développement

Les fonds labellisés ISR sont les plus représentés, avec actuellement près de 1200 fonds ISR contre environ 200 fonds Finansol et une centaine de fonds Greenfin.

À ces labels s’ajoute une classification des fonds en matière d’investissement durable. Depuis le 10 mars 2021, le règlement européen SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation) impose une classification des fonds en trois articles :

  • Article 6 : fonds sans objectifs de durabilité
  • Article 8 : fonds avec objectifs de durabilité qui intègrent les critères ESG dans leur gestion et promeuvent des caractéristiques environnementales et (ou) sociales mais qui n’ont pas d’objectif d’investissement durable.
  • Article 9 : fonds avec un objectif d’investissement durable. Ils sont soumis à des obligations d’explication méthodologique, d’évaluation et d’amélioration de critères de transparence. C’est l’article le plus difficile à obtenir. Ces fonds sont également appelés « super verts » ou « dark green ».

Ces fonds durables se multiplient dans chaque enveloppe d’investissement : PEA, assurance-vie, PER, PEE, CTO, etc. répondant ainsi aux nouveaux besoins des investisseurs.

Pour cela, l’épargnant peut donc s’intéresser aux labels et à la classification SFDR qui répond à ses convictions. Il peut même combiner plusieurs labels en plus de l’article 9 pour obtenir une sélection de fonds renforcée en matière d’investissement durable. Il disposera ainsi d’une allocation patrimoniale responsable sur mesure puisque reposant sur ses propres valeurs.

Pour les personnes qui n’ont pas le temps et / ou les connaissances pour identifier des fonds durables, des gestions pilotées 100 % éco-responsables ont été créées par les acteurs financiers.

Ainsi, Yomoni et Nalo, deux Fintechs lancées en 2015 et 2017, proposent d’investir dans des assurances-vie responsables. Celles-ci sont en gestion pilotée, c’est-à-dire que la gestion de l’épargne est confiée à un professionnel qui sélectionne lui-même les fonds responsables en fonction du profil investisseur de l’épargnant. La société Goodvest, Fintech créée en 2020, présente un PER en gestion pilotée investissant dans des fonds respectant des critères environnementaux et éthiques stricts.

Une labellisation pas toujours si verte

Pour ceux qui souhaitent investir eux-mêmes dans des fonds responsables, il apparaît nécessaire d’examiner la composition des fonds dans les reportings pour vérifier si les sociétés présentes sont bien en accord avec les valeurs environnementales et sociétales de l’investisseur.

En effet, pour l’attribution du label ISR, il n’existe pas de critères standards qui définissent les activités durables d’une entreprise. Dès lors, la définition de la durabilité incombe aux gestionnaires des fonds. Ce label est ainsi souvent critiqué pour son manque d’homogénéité, sa souplesse dans les critères d’éligibilité (que l’on constate au vu du nombre de fonds labellisés ISR) et son déficit de transparence quant à la performance écologique et sociale des fonds labellisés.

Le label Greenfin est plus exigeant que le label ISR puisqu’il exclut les entreprises du secteur nucléaire et des énergies fossiles mais il ne garantit pas que le fonds investit à 100 % dans des éco-activités. En effet, un fonds peut très bien inclure une poche composée d’entreprises ne réalisant aucun ou très peu de chiffre d’affaires dans des éco-activités et être labellisé Greenfin.

Le label Finansol semble être le choix le plus restrictif puisqu’il offre une garantie de l’affectation de l’épargne au financement de l’économie sociale et solidaire et une transparence sur la composition du produit.

Quant à l’article 9, un consortium de journalistes dont Follow the Money et Le Monde a montré en 2022 dans une enquête intitulée The Great Green Investment Investigation que près de la moitié des fonds classés en article 9 investissaient dans des secteurs d’activités liés aux énergies fossiles et à l’aviation. En effet, la définition d’un investissement durable reste relativement floue à ce stade. Chaque gérant peut avoir sa propre interprétation et des fonds peuvent être classés en article 8 ou en article 9.

La Commission Européenne a d’ailleurs été sollicitée pour apporter des précisions sur les critères de durabilité permettant de définir un fonds article 9, mais elle a indiqué qu’elle n’apporterait pas de réponse à cette question et laisse ainsi au secteur financier la possibilité de choisir ce qu’il considère comme un actif durable.

Performance et durabilité apparaissent comme compatibles

Un fonds durable opère un filtre dans sa sélection de sociétés pour répondre à ses objectifs de durabilité, contrairement à un fonds classique qui a plus de liberté dans le choix de ses sociétés. Cette pratique entraîne une moindre diversification du portefeuille du fonds, et mathématiquement une dégradation théorique du couple rendement / risque.

Or, si l’on prend comme exemple l’indice MSCI World (indice qui représente le marché des actions internationales regroupant 23 pays développés avec environ 1500 sociétés), sa performance est plus faible que celle de son homologue ISR (qui se compose d’environ 400 sociétés) sur de longues périodes.

Entre 2009 et 2022, l’indice « MSCI World ISR » affiche une performance moyenne annualisée légèrement supérieure à celle de l’indice « MSCI World » avec une moindre volatilité (cf. graphique ci-dessous).

Le rapport rendement / risque est donc en faveur du « MSCI World ISR ».

Plusieurs facteurs expliqueraient cette meilleure performance des fonds durables :

  • Les entreprises éthiques et respectueuses des considérations ESG auraient une meilleure gestion des risques, des activités plus pérennes et des relations de qualité avec leurs parties prenantes
  • Ils détiendraient davantage de valeurs « value », c’est-à-dire sous-valorisées et offrant donc un potentiel de hausse plus intéressant
  • La présence d’écarts sectoriels (par exemple, l’indice ISR est sous-pondéré dans le secteur énergétique – avec l’exclusion des sociétés liées aux énergies fossiles). Lorsque ce dernier sous-performe les autres secteurs, l’indice ISR a tendance à surperformer son indice classique.

Investissement et considérations environnementales et sociétales ne sont donc pas nécessairement antinomiques. Néanmoins, selon la formule consacrée, les performances passées ne préjugent pas des performances futures et l’avenir nous dira si cette tendance se confirme.

En outre, les épargnants qui possèdent des fonds durables sont souvent prêts à accepter une moindre performance au profit d’un investissement correspondant à leurs convictions environnementales et sociétales. La recherche de la performance immédiate ne constitue pas la motivation première de ce type d’investisseur qui privilégie les sociétés de qualité et la croissance à long terme.

Dans tous les cas, l’investissement durable devrait connaître un regain d’intérêt dans l’allocation patrimoniale des Français en raison du rajeunissement des investisseurs. Un renforcement des critères d’attribution des labels et une clarification de la classification SFDR apparaissent dès lors comme nécessaires pour éviter tout soupçon d’écoblanchiment et poursuivre le processus d’acculturation à la durabilité.

[1] Fondée en 2001, Novethic est une filiale du Groupe Caisse des Dépôts. À la croisée des stratégies de finance durable et des pratiques de responsabilité sociétale des entreprises, Novethic déploie ses expertises – média, recherche, audit et formation – pour permettre aux professionnels de relever les défis de la transformation durable. Source : https://www.novethic.fr/

[2]https://www.amf-france.org/fr/actualites-publications/publications/rapports-etudes-et-analyses/les-francais-et-les-placements-responsables-opinionway-pour-lamf-juillet-2023

Spotify framework

Le Chapter Lead, un rôle agile à tester ?

Gabrielle Jullian-Legros
Consultante
Yvan Makembe
Consultant

Les cadres agiles sont un mode de gestion de produit qui repose sur un constat simple : il est contre-productif de définir et de planifier la totalité des fonctionnalités du produit, dans les moindres détails, avant de le développer. En effet, il est rare que tout se passe exactement comme prévu. Souvent, des aléas surviennent et obligent les parties prenantes à revoir la planification. De plus, les besoins évoluent parfois très vite et les fonctionnalités spécifiées plusieurs mois plus tôt peuvent devenir obsolètes. Enfin, les retours des utilisateurs vont permettre d’aiguiller le produit, et pas toujours dans la direction que l’on imaginait au départ.

L’agile se veut donc itératif, incrémental et adaptatif. Le développement du produit a lieu par “sprints” successifs amenant chacun de nouvelles évolutions. Ainsi, le produit peut être testé et amélioré en continu. Les premiers retours et les adaptations qui en découlent sont très rapides, contrairement au cycle en V.

Le grand parapluie agile abrite plusieurs modèles, tels que Scrum ou Kanban. Les rôles les plus connus sont le Product Owner, le Scrum Master et les membres de l’équipe. La famille agile s’est agrandie, notamment pour répondre à des problématiques de mise à l’échelle. C’est dans ce contexte que sont apparus d’autres cadres comme SAFe, Nexus, LeSS… L’entreprise Spotify a fait parler d’elle en expérimentant sa propre organisation d’agilité à l’échelle, au sein de laquelle elle a testé ses propres concepts et rôles, dont celui de Chapter Lead.

Spotify – Ceci n’est pas un modèle

Spotify est une entreprise de la tech suédoise qui domine le domaine du streaming musical dans le monde. En 2012, elle publie l’article « Scaling Agile @ Spotify », un arrêt sur image de son expérimentation agile à l’échelle. Aussitôt, le document est érigé au rang de modèle par ceux qui croient y déceler la recette magique du succès. Nombreux sont ceux qui l’ont implémenté sans le questionner, et nombreux sont ceux qui l’ont regretté puis âprement critiqué.

Pourtant l’avertissement en 1ère page était on ne peut plus clair :

Disclaimer: Spotify is (like any good agile company) evolving fast. This article is only a snapshot of our current way of working – a journey in progress, not a journey completed. By the time you read this, things have already changed.

Avertissement : Spotify (comme toute bonne entreprise agile) évolue rapidement. Cet article n’est qu’un instantané de notre manière actuelle de travailler – un cheminement en cours, pas un cheminement achevé. Lorsque vous lirez ceci, les choses auront déjà changé.

Qu’importe. Certains essaient toujours de l’implémenter tel quel. Et chez Spotify, on s’en désole :

The co-author of the Spotify model and multiple agile coaches who worked at Spotify have been telling people to not copy it for years. Unfortunately, truth doesn’t spread as quickly or as widely as an idea people want to believe in.

“Even at the time we wrote it, we weren’t doing it. It was part ambition, part approximation. People have really struggled to copy something that didn’t really exist.”

—Joakim Sundén, agile coach at Spotify 2011–2017

“It worries me when people look at what we do and think it’s a framework they can just copy and implement. […] We are really trying hard now to emphasize we have problems as well. It’s not all ‘shiny and everything works well and all our squads are super amazing’.”

—Anders Ivarsson, co-author of the Spotify whitepaper

https://www.jeremiahlee.com/posts/failed-squad-goals/

Le co-auteur du modèle Spotify et de multiples coachs agiles qui travaillaient chez Spotify ne cessent dire aux gens de ne pas le copier, depuis des années. Malheureusement, la vérité ne se répand pas aussi rapidement et aussi largement qu’une idée en laquelle les gens veulent croire.

“Même à l’époque où nous l’avons écrit, nous n’étions pas en train de le faire. C’était en partie de l’ambition et en partie de l’approximation. Les gens ont vraiment eu du mal à copier une chose qui n’existait pas réellement.”

—Joakim Sundén, coach agile chez Spotify 2011–2017

“Cela m’inquiète quand les gens regardent ce que nous faisons et pensent que c’est un cadre de travail qu’ils peuvent juste copier et implémenter. […] Maintenant, nous nous efforçons vraiment de souligner que nous avons des problèmes aussi. Tout n’est pas ‘tout beau et tout fonctionne bien et toutes nos squads sont incroyables’.”

—Anders Ivarsson, co-auteur du livre blanc the Spotify

https://www.jeremiahlee.com/posts/failed-squad-goals/

Alors, sans tomber dans l’écueil de croire en l’existence d’un modèle Spotify miraculeux et immuable, peut-on s’en inspirer ?

Bien sûr. En gardant à l’esprit le principe agile d’adaptation, toute expérimentation est possible. Si l’expérimentation n’est pas concluante, on en tirera les leçons pour trouver des manières de travailler plus adaptées à chaque contexte.

Voici les différents regroupements de collaborateurs introduits par Spotify.

  • Les “squads”

Les squads sont de petites équipes interfonctionnelles de 6 à 12 personnes qui sont responsables d’un produit ou d’une fonctionnalité spécifique. Chaque équipe est habilitée à prendre des décisions sur la façon dont elle travaille et sur ce qu’elle livre.

  • Les “chapters”

Les chapters sont des groupes de personnes travaillant au sein de la même discipline ou spécialité, comme des développeurs ou des recetteurs. Les chapters permettent de partager les connaissances et de collaborer avec d’autres personnes ayant des compétences similaires. Les membres d’un chapitre ont un supérieur hiérarchique appelé “Chapter Lead”, qui est responsable du développement de l’équipe et des événements qui se déroulent au sein du chapter.

  • Les “tribes”

Les tribes sont des ensembles de squads qui travaillent sur des produits ou des fonctionnalités connexes. Les tribes sont généralement composées de 100 à 150 personnes et sont dirigées par un “Tribe Lead” qui est chargé de coordonner le travail des squads au sein de la tribe.

  • Les guildes

Les guildes sont des communautés informelles qui traversent les tribes et les chapters. Les guildes permettent aux personnes de partager leurs connaissances et leurs meilleures pratiques de façon transverse, au sein de l’organisation.

De l’intérêt du Chapter Lead

Nous venons de le voir, le Chapter Lead est le coordinateur d’un chapter, soit une communauté d’experts de la même spécialité. Le principe de communautés d’experts n’est pas propre à Spotify. Mais ce qui est notable dans la description du Chapter Lead, c’est la notion de supérieur hiérarchique. Les modèles agiles donnent généralement peu d’indication sur l’organisation managériale. On sait que les rôles de Product Owner et de Scrum Master ne possèdent aucun pouvoir hiérarchique sur l’équipe. Et on sait par ailleurs qu’il existe des managers dans les entreprises. Le résultat peut donc aboutir à des aberrations du type :

Le Product Owner est en outre le supérieur hiérarchique des business analysts et le Scrum Master celui des développeurs. Parfois ils s’expriment dans le cadre de leur rôle, parfois dans le cadre de leur fonction. Mais ne vous inquiétez pas, tout le monde fait bien la part des choses…

On sombre dans une hybridation intenable. Par exemple, si je suis membre de l’équipe, et que mon Product Owner/manager me communique une vision du produit incohérente, dans quelle mesure puis-je m’y opposer ? Est-ce qu’il me parle en tant que Product Owner ou en tant que manager ? Est-ce que je risque ma carrière ?

Et si je suis Product Owner/manager, comment savoir si l’équipe challenge réellement les éléments que je lui apporte ? Est-ce que tout le monde est sciemment en train de me laisser faire route par peur de répercussions ?

Autrement dit, si on vient simplement plaquer des rôles sur une organisation hiérarchique pré-existante, on court le risque de passer totalement à côté des principes d’autonomie, d’auto-organisation et de prise de décision décentralisée.

Dans une transformation agile, les liens hiérarchiques doivent être repensés. L’intérêt du Chapter Lead est qu’il est un manager déporté. Il n’intervient pas dans la vie quotidienne de l’équipe. Elle peut donc prendre de façon autonome les décisions qu’elle juge les meilleures pour le client et le produit, sans pression ni interférence. Pour comprendre l’avantage d’un tel fonctionnement, il faut naturellement être convaincu que les meilleures décisions opérationnelles sont prises par ceux qui savent, et que ceux qui savent le mieux sont ceux qui font.

Déchargé du micro-management quotidien, le manager déporté peut se focaliser sur les tâches à valeur ajoutée : apporter son soutien, son assistance, accompagner le salarié dans son évolution professionnelle, le faire grandir. Autrement dit, on s’affranchit du manager de proximité qui dit “quoi faire” pour adopter celui qui aide sur le “comment faire”.

L’esprit du rôle de Chapter Lead est de soutenir le travail des experts de sa communauté, tant au niveau collectif qu’individuel. Au niveau individuel, il favorise l’acquisition des compétences. Au niveau collectif, il contribue à éliminer les obstacles en lien avec les autres chapter leads et les scrum masters. Il s’assure que tous les moyens sont mis à disposition pour favoriser l’efficacité et la productivité, au service de l’objectif commun de la tribu à laquelle il appartient lui aussi.

Pas besoin d’être Einstein

Cette proposition de donner la responsabilité hiérarchique au coordinateur d’une communauté d’experts est une des idées qu’il est possible d’expérimenter, en s’inspirant du livre blanc Spotify. Certains l’ont déjà fait avec succès. En tout cas, une chose est sûre : les hybridations du type Product Owner/manager ou Scrum Master/manager sont une approche catastrophique. Ce non-sens est même une des raisons principales de l’échec agile de nombreuses entreprises.

Albert Einstein n’a jamais dit : « La folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent ». Cette phrase est en réalité l’œuvre de Rita Mae Brown, écrivaine américaine de romans policiers, ce qui ne change en rien sa profondeur et sa pertinence.

Alors armons-nous des valeurs agiles de courage et d’ouverture : osons, tentons, testons.

Néo banques

Les néo-banques au pays des merveilles

Gabrielle Jullian-Legros
Consultante

Voilà une dizaine d’années que les premières néo-banques sont apparues dans le paysage financier : les résultats sont-ils au rendez-vous et quelles sont les dernières tendances ?

Avant-propos : Néo-banque ou banque en ligne ?

Au commencement, les néo-banques étaient des établissements de paiement, uniquement. C’est-à-dire qu’elles ne possédaient pas de licence bancaire, et n’étaient donc techniquement pas des “banques”. Elles ne pouvaient pas accorder de crédits. Aujourd’hui, nombre d’entre elles disposent d’une licence bancaire et n’usurpent plus leur nom. Les banques en ligne sont adossées à des banques traditionnelles, comme Boursorama à la Société Générale ou Fortuneo au Crédit Mutuel, et ont initialement commercialisé leurs produits sur le web, même si elles disposent maintenant d’applications mobiles. Les néo-banques sont généralement des établissements indépendants qui privilégient les applications mobiles comme support de commercialisation. Cependant, c’est un paysage mouvant dont les lignes ne sont pas toujours nettes. Par exemple, Revolut, quintessence de la néo-banque, se définit actuellement dans ses campagnes publicitaires comme une banque en ligne. Et Lydia, application emblématique du transfert d’argent entre amis, a dévoilé son ambition d’entrer au club des néo-banques.

***

Dans le livre de Lewis Caroll, la jeune Alice suit un lapin blanc au creux d’un terrier et se retrouve piégée dans une salle cerclée de portes closes. Elle finira par en sortir, après bien des mésaventures, et avoir testé toutes les portes.

Dans le monde réel, toutes les néo-banques ne connaissent pas d’issue heureuse, et nombreuses furent celles à périr au fond du terrier. RIP : Pumpkin, Morning, C-zam, Ferratum, Ditto Bank, Boon, Vybe, Xaalys, Paykrom et bien d’autres… La plupart des survivantes cherche encore la clé magique du Pays des Merveilles.

Le lapin blanc prend la forme de deux Directives européennes sur les Services de Paiement, adoptées en 2007 et 2015. Elles visent à garantir un accès équitable et ouvert aux marchés des paiements et à renforcer la protection des consommateurs. Les Fintechs y voient très vite l’opportunité de révolutionner la banque. Leurs services 100 % sur mobile seront simples, innovants et axés sur l’expérience utilisateur. Elles y croient, les investisseurs aussi : on rêve de disrupter à la Uber.

Au départ, l’appât repose sur la délicate stratégie du freemium. Si les fonctionnalités gratuites sont trop généreuses, le client ne franchit guère le pas de la version payante. A contrario, si elles ne sont pas assez attrayantes, le client n’est pas au rendez-vous du tout.

Les premières années sont euphoriques. Les licornes, N26 (créée en 2013 à Berlin) et Revolut (fondée en 2015 à Londres), captent des millions d’utilisateurs dans le monde. Elles séduisent par leur ergonomie, la clarté des parcours, la rapidité de souscription, le virement immédiat (peu répandu à l’époque) et le paiement en devises sans frais à l’étranger. Des dizaines de jeunes pousses s’engouffrent sur leurs traces. La croissance est alors LE critère de réussite… mais l’essai est dur à transformer. Le contexte économique se dégrade et les investisseurs finissent par ne plus suivre aveuglément ces banques qui perdent de l’argent.

La recette miracle du “free to paid” étant si périlleuse à maîtriser, le modèle dominant devient alors celui de l’abonnement. Dans ces conditions, comment convaincre le consommateur de dénouer les cordons de sa bourse en dehors (et donc en plus) de sa banque traditionnelle, voire tout bonnement de la quitter ? Voici quelques approches ciblées qui tentent de tirer leur épingle du jeu.

Le compte pour les mineurs

Concept : La confiance n’exclut pas le contrôle.

Si le consommateur peut être réticent à l’idée d’engager des dépenses supplémentaires pour lui-même, il l’est souvent moins lorsqu’il s’agit de sa progéniture. D’autant plus si cela lui permet d’avoir un œil vigilant sur la façon dont l’argent de poche est utilisé.

Arguments de vente :

La personnalisation du moyen de paiement pour séduire les enfants :

  • Chez Money Walkie, pas de carte mais un badge “stylé”, en forme de panda, de glace ou de fusée…
  • Chez Pixpay, des visuels tendance en édition limitée : par exemple, la carte « Spiderman : Across the universe » ou « One Piece »

La surveillance et la pédagogie pour séduire les parents :

  • L’adulte peut contrôler les dépenses effectuées depuis l’application
  • Des tutoriels permettent d’amorcer l’éducation financière des jeunes

Tarifs de base :

  • Pixpay : 2,99€ / mois
  • Kard : 2,99€ / mois
  • Money Walkie : 1,90€ / mois

Le compte pour les professionnels

Concept : C’est un jeu d’enfant.

Une autre tactique consiste à attaquer un marché où le consommateur est le plus souvent amené à disposer d’un compte pro (en fonction de son statut). Les indépendants sont le cœur de cette cible, mais les TPE, PME et associations sont également visées.

Arguments de vente :

  • Aide à la création de l’entreprise
  • Facilitation de la facturation et de la comptabilité

Tarifs de base :

  • Qonto à partir de 9€ HT / mois
  • Shine : à partir de 7,90 HT / mois
  • Blank : 6€ HT / mois

Le compte pour les agents du changement

Concept : Votre argent peut sauver le monde.

Une tendance émergente au sein des néo-banques est celle du compte dit “à impact”. Cela consiste à aligner son choix d’établissement bancaire sur ses valeurs, pour donner du sens à ses dépenses.

  • Helios, OnlyOne, GreenGot : pour les éco-responsables
  • Penny Pet : pour les amis des animaux
  • Welcome Place : pour l’insertion des migrants

Arguments de vente :

  • Mesurer son impact : par exemple, calculer l’empreinte carbone de son argent ou comptabiliser le nombre de kilos de déchets ramassés grâce à celui-ci
  • Sélectionner les projets qui seront financés par les frais d’interchange
  • Participer à des fonds de solidarité
  • Financer une association à chaque ouverture de compte
  • Bénéficier de cashback vers des enseignes partenaires engagées

Tarifs de base :

  • Helios, OnlyOne, GreenGot : 6€ / mois
  • PennyPet : 9€ / mois
  • Welcome Place : entreprise en création

Aujourd’hui, le bilan des néo-banques est particulièrement maussade. Seules deux d’entre elles ont atteint le seuil de rentabilité : la britannique Revolut (freemium) et la néerlandaise Bunq (abonnement).

Les autres sont encore coincées au fond du terrier. D’où l’importance de bien choisir ses idoles : Uber fonctionne, depuis sa création, sur le modèle d’une croissance effrénée, renflouée par des levées de fonds incessantes… mais jamais rentable. D’autant que la route est semée d’embûches. En effet, qui dit “banques” dit “réglementation bancaire”, et plus elles prennent la lumière, plus l’œil du régulateur est à l’affût. N26 a subi une amende de 4,25 millions d’euros en 2021 pour ses insuffisances en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Ces établissements, qui ont une dizaine d’années tout au plus, se doivent d’apprendre et de maîtriser très vite les métiers de la Compliance, sous peine d’être prestement broyés par le poids règlementaire. Il sera intéressant d’observer, dans les années à venir, si les initiatives de ce secteur finiront – enfin – par porter des fruits merveilleux.

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Comment les institutions financières luttent contre le commerce illégal d’espèces sauvages

Anna Maximova
Consultante

Spontanément, le blanchiment de capitaux évoque des crimes comme la contrefaçon, le trafic de drogue, d’êtres humains ou d’armes. Pourtant, la criminalité environnementale se classe au quatrième rang des crimes plus importants au monde. Le commerce illégal d’espèces sauvages est estimé à 20 milliards de dollars par an d’après le rapport UNEP-INTERPOL The Rise of Environmental Crime (2016).

Les autres formes de criminalité environnementale comprennent l’exploitation forestière illégale, la pêche non déclarée et non réglementée, l’extraction et le commerce de minéraux, l’exploitation minière et le déversement de déchets toxiques. Les institutions financières jouent un rôle crucial dans la lutte contre cette catastrophe écologique, notamment par le biais de leurs activités de KYC (“Know Your Customer”).

Qu’est-ce que le commerce illégal d’espèces sauvages ?

Il n’existe pas de définition unique, mais on parle généralement de commerce d’espèces sauvages contraire à la loi. Cela inclut le trafic de spécimens vivants ou morts et même de produits dérivés issus d’espèces protégées. Ces derniers sont souvent utilisés à des fins médicinales traditionnelles, pharmaceutiques ou ornementales : ivoire des défenses d’éléphant, cornes de rhinocéros, écailles de pangolins… Le trafic illégal d’espèces sauvages constitue une menace majeure pour la biodiversité mondiale. En outre, il compromet la survie de milliers d’espèces au sein de la flore, de la faune et des champignons terrestres et marins. Il a également un impact négatif sur les populations d’espèces sauvages, ce qui perturbe le bon fonctionnement des écosystèmes et entraîne des dommages dans les cycles naturels.

Le trafic d’espèces sauvages fait partie intégrante du crime organisé. Ces opérations de plus en plus globalisées relèvent désormais de la définition du crime organisé transnational. La Convention des Nations Unies définit un groupe criminel organisé comme : “structuré de trois personnes ou plus, existant depuis un certain temps et agissant de concert dans le but de commettre un ou plusieurs crimes ou délits graves établis conformément à la présente Convention afin d’obtenir, directement ou indirectement, un avantage financier ou autre avantage matériel”. Le trafic d’espèces sauvages représente une menace pour la biodiversité, elle alimente la corruption et peut avoir un impact négatif sur la santé publique et l’économie.

Selon le rapport du GAFI sur le blanchiment d’argent et le commerce illégal d’espèces sauvages, plus de 37 000 espèces de plantes et d’animaux inscrites sur la liste de la CITES[1], 97 % des espèces peuvent être utilisées à des fins commerciales (produits cosmétiques, pharmacie, animaux de compagnie, etc.) de manière légale. Le commerce légal garantit que les espèces font l’objet de contrôles et d’inspections spécifiques, tels que les contrôles vétérinaires, qui garantissent que les espèces commercialisées respectent les réglementations et la sécurité sanitaire afin d’éviter la propagation de maladies zoonotiques potentielles.

Avec le commerce illégal, ces contrôles sont inexistants. En outre, le commerce illégal tend à exploiter les espèces et les ressources de manière non durable, ce qui peut menacer leur extinction (par exemple, l’éléphant d’Afrique) ou conduire à la destruction de ressources naturelles vitales telles que la qualité de l’air, l’approvisionnement en eau, la sécurité alimentaire, etc. Par exemple, dans le cadre de l’extraction illégale d’or en Colombie, les mineurs artisanaux déversent plus de 30 tonnes de mercure chaque année dans les rivières et les lacs de la région amazonienne, ce qui entraîne des dommages neurologiques chez les poissons et les humains vivant jusqu’à 400 km aux alentours d’après le rapport UNEP-INTERPOL The Rise of Environmental Crime (2016).

Le KYC, rempart contre le commerce illégal d’espèces sauvages

Pour blanchir les produits de leurs activités, les criminels abusent souvent du secteur financier. Comment le KYC peut-il aider à lutter contre le trafic illégal d’espèces sauvages ?

D’après le groupe Lexis Nexis, le KYC se définit comme “la procédure mise en œuvre par les entreprises et les banques pour vérifier l’identité de leurs clients ou d’une personne morale conformément aux réglementations de customer due diligence en vigueur”.

En effet, il est primordial de faire coopérer les organisations publiques et privées pour collecter les informations financières qui pourraient aider à détecter le blanchiment de capitaux. Voici les méthodes courantes utilisées par les criminels :

  • L’utilisation de sociétés-écrans et fictives : souvent situées dans des juridictions offshore, elles n’ont pas de présence physique autre qu’une boîte postale et possèdent peu ou pas de valeur économique
  • L’achat d’actifs et de biens de grande valeur, par exemple des biens immobiliers, des véhicules de luxe, etc.
  • Les paiements effectués via les réseaux sociaux et les plateformes mobiles.

L’analyse attentive du dossier de paiement, les informations concernant l’activité commerciale de l’entreprise et ses bénéficiaires effectifs, l’examen des informations d’importation / exportation telles que la facture et les encaissements, les informations fiscales et les déclarations douanières permettent d’évaluer l’implication d’un individu ou d’une entité dans le blanchiment d’argent. Les clients suspects peuvent être des entreprises (par exemple, une animalerie exotique, une société de safari, un laboratoire utilisant des plantes rares…) ou des personnes physiques comme un éleveur travaillant dans un zoo privé, un collectionneur…

Par ailleurs, les indicateurs de risque sur les transactions et les comportements doivent être analysés pour repérer les signaux d’alarme. Seul un faisceau d’indices permet de tirer une conclusion définitive. Parmi les transactions et comportements suspects, il existe :

  • Les dépôts et retraits multiples en espèces
  • Les transactions utilisant des noms d’ingrédients ou de produits faisant référence aux espèces listées par le CITES
  • Les transactions comportant des divergences dans la description ou la valeur entre les documents d’expédition et les marchandises expédiées
  • Les transactions entre des animaleries / éleveurs agréés et des trafiquants connus d’espèces sauvages
  • Les transactions liées au commerce de l’or à partir de comptes commerciaux, une pratique de dissimulation usuelle pour les paiements liés au transport d’espèces sauvages
  • Les références de transaction utilisant des noms de spécimens ou des tournures opaques
  • Des prêts incohérents entre sociétés de négoce ou d’import / export dans des pays favorisant la navigation intérieure ou les zones de transit.
  • Le transport d’animaux sauvages légaux avec des certificats CITES suspects

L’importance de la collaboration entre secteur public et secteur privé

Plusieurs organisations internationales luttent contre le commerce illégal d’espèces sauvages :

  • Le consortium interne de lutte contre la criminalité liée aux espèces sauvages (ICCWC)
  • La Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES)
  • L’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC)
  • L’équipe INTERPOL de lutte contre la fraude liée aux espèces sauvages
  • Le Fonds mondial pour la nature
  • Unis pour la faune

Cependant, empêcher le commerce illégal d’espèces sauvages ne consiste pas seulement à mettre en place de nouvelles lois et réglementations. En effet, il existe de nombreuses informations que les entités du secteur privé peuvent utiliser pour détecter les flux financiers illicites. Les institutions financières sont souvent utilisées pour déplacer et dissimuler les capitaux frauduleux. En plus des banques et des établissements de paiement, certaines institutions non financières comme les marchands de biens, les maisons de vente aux enchères, les antiquaires, etc. peuvent servir aux trafiquants d’espèces sauvages à leur insu.

Cité dans Le Monde du 07/04/2023, Frans Timmermans, le vice-président de la Commission européenne, alerte : « Le trafic d’espèces sauvages relève de la grande criminalité organisée et constitue une menace directe et croissante pour la biodiversité, la sécurité mondiale et l’Etat de droit ». C’est pourquoi la Commission européenne a adopté un plan d’action révisé s’étalant jusqu’en 2027. Dans cette perspective, la collaboration entre le secteur public et le secteur privé joue un rôle crucial. Elle doit réunir des experts financiers et environnementaux pour permettre le partage des connaissances et des bonnes pratiques. Le renforcement de la collecte d’informations financières et l’amélioration de la qualité de l’analyse des données contribuent à l’identification des flux financiers frauduleux, conférant aux institutions financières un rôle essentiel dans la mise en conformité avec cette nouvelle réglementation.

[1] La Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction, dite Convention de Washington et connue sous son acronyme anglais CITES, est en vigueur depuis le 1er juillet 1975. Elle réglemente aujourd’hui le passage en frontières de plus de 38 000 espèces animales et végétales (source : www.ecologie.gouv.fr)

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La nouvelle approche standard du risque de crédit dans le cadre de CRR3 (Capital Requirement Regulation)

Stéphane Césaire-Gédéon
Consultant

Contexte

Le 27 octobre 2021, la Commission Européenne a publié le règlement CRR3 qui, avec la directive CRD6, constitue le dernier volet des réformes réglementaires Bâle III engagées à la suite de la crise financière mondiale de 2007-2009.

Dans ce règlement, les modifications sur les dispositions de l’approche standard du risque de crédit pour le calcul des emplois pondérés entrent en vigueur le 1er janvier 2023 (1) et impliquent les changements les plus significatifs pour les raisons suivantes :

  • Pour la plupart des banques, le risque de crédit représente la plus grande part du risque ;
  • L’approche standard du risque de crédit est la plus utilisée dans le monde (par comparaison avec l’autre approche autorisée qui est fondée sur les notations internes).

Le défaut principal identifié sur cette approche standard du risque de crédit est le manque de sensibilité au risque qui résulte d’une mauvaise estimation des risques et donc des montants d’emplois pondérés inappropriés. De ce fait, l’objectif principal du texte est de restaurer la crédibilité du ratio de solvabilité en apportant cette plus grande sensibilité au risque.

Ceci se traduit concrètement par :

  • une granularité plus fine des catégories d’exposition,
  • la recalibration des pondérations et facteurs de conversion,
  • l’introduction de nouvelles pratiques pour calculer la pondération (ex : ratio exposure-to-value, l’approche SCRA décrite dans la suite de cet article),
  • la modification des conditions d’application de certaines pondérations,
  • la volonté de réduire le recours mécanique aux notations de crédit externes en imposant une due diligence autour de l’utilisation des notations et la conception de certaines approches de pondération non fondées sur les notes.

Les sections suivantes décrivent donc ces changements pour atteindre les objectifs du régulateur par catégorie d’exposition.

 Expositions du hors bilan

En plus d’une reclassification des éléments de hors bilan avec un regroupement en classes de risque graduées de 1 à 5, les conditions d’application sont également précisées par une définition du terme « engagement » et une dérogation pour les types d’accords contractuels qui ne doivent pas être considérés comme des engagements.

En outre, les niveaux de pondération sont à la hausse puisque le facteur de conversion de 0 % est supprimé et deux nouveaux facteurs de conversion sont introduits : un facteur intermédiaire de 40 % et un facteur de 10 % (qui devient la pondération minimum). Cependant, les établissements pourront continuer à appliquer un facteur de conversion de 0 % sur les accords contractuels qui ne sont pas considérés comme des engagements.

Expositions sur les établissements financiers

En complément de l’approche existante par laquelle une pondération est déterminée en fonction des notations de crédit fournies par les agences de notation (approche dite “ECRA”), CRR3 introduit une nouvelle approche appelée SCRA (l’approche standard de l’évaluation du risque de crédit) lorsqu’aucune notation n’est disponible.

Établissements notés (approche ECRA)

Cette approche se caractérise par un abaissement de la pondération de 50 % à 30 % pour les expositions sur des établissements pour lesquels une agence de notation a attribué une note correspondant à un échelon de qualité de crédit de niveau 2 sans changement sur les expositions à court terme.

Néanmoins, dans l’optique de contrôler l’adéquation du niveau de risque retenu, les établissements sont soumis à des exigences de diligence sur les notes émises par les agences de notation afin d’éviter une application mécanique des pondérations. Cela dit, la règlementation ne précise pas encore en détail la façon dont ces diligences doivent être effectuées.

Établissements non notés (approche SCRA)

Avec SCRA, les établissements sont classés dans trois nouvelles classes de A à C comme ci-dessous.

*Les expositions classées dans l’échelon A qui ne sont pas à court terme reçoivent une pondération de risque de 30 % lorsque le ratio de fonds propres de base de catégorie 1 de l’établissement est égal ou supérieur à 14 % et le ratio de levier est supérieur à 5 %.

Par rapport au texte précédent, la pondération minimum par défaut a été doublée (de 20 % à 40 %) pour les expositions qui ne sont pas à court terme.

D’autre part, la pondération dépendait exclusivement d’un échelon de crédit attribué aux expositions de l’administration centrale alors que le traitement CRR3 s’affranchit de l’exploitation d’une notation de crédit et prend plutôt en compte le respect des exigences de fonds propres et le niveau de dépendance aux conditions économiques favorables pour honorer les engagements financiers (voir tableau ci-dessus).

Ceci va clairement dans la direction souhaitée d’augmenter la sensibilité au risque avec, au passage, une diminution de la dépendance aux systèmes de notation.

Expositions sur les entreprises hors financement spécialisé

L’abaissement de la pondération de 100 % à 75 % est applicable aux expositions sur des entreprises pour lesquelles une agence de notation a délivré une note correspondante à un échelon de qualité de crédit de niveau 3. Ensuite, les expositions pour lesquelles il n’existe pas d’évaluation de crédit reçoivent une pondération de risque de 100 % sauf pendant une période transitoire. En effet, durant cette dernière, une pondération de risque de 65 % est appliquée lorsque l’exposition présente une probabilité de défaut jusqu’à 0,5 %.

Cette dernière disposition est liée à l’application du nouveau plancher de fonds propres (2) qui implique que les établissements qui appliquent l’approche de notation interne calculent également les emplois pondérés avec l’approche standard de risque de crédit qui utilise des notations externes. Étant donné que peu d’entreprises de l’Union Européenne sollicitent des notations externes et que les pondérations avec l’approche standard sont plus prudentes pour les entreprises non notées, cette situation va augmenter les exigences de fonds propres pour les établissements et donc le risque que les banques restreignent les prêts aux entreprises non notées.

Afin de remédier à cette situation, la disposition transitoire qui va durer jusqu’au 31 décembre 2032, offre du temps pour la mise en place d’initiatives visant à étendre la couverture de notation de crédit externe. Les autorités de surveillance sont chargées d’orienter ces initiatives avec la préparation d’un rapport sur les mesures à prendre pour remédier aux obstacles à la disponibilité d’évaluation de crédit.

Expositions de financement spécialisé

Le nouveau règlement introduit une nouvelle sous-catégorie « financement spécialisé » au sein de la catégorie existante « expositions sur les entreprises ». Elle est subdivisée entre les trois types suivants : le financement d’objets, le financement de matières premières et le financement de projets.

En plus de cette nouvelle classification, une granularité complémentaire offre un traitement favorable en matière de fonds propres pour les expositions non notées sur les financements d’objets qui remplissent des critères établissant un profil de risque à un niveau de « qualité élevée » (les critères sont spécifiés dans l’article 122 bis de CRR3).

Deux approches de pondération vont cohabiter : une première concerne les expositions pour lesquelles une notation externe existe, et une deuxième pour celles qui sont non notées.

Expositions notées de type financement spécialisé

Le niveau de pondération est défini de 20 % à 150 % en fonction de l’échelon de qualité de crédit.

Expositions non notées de type financement spécialisé

Sur cette nature d’exposition, l’effort du régulateur pour mettre en place une pondération détaillée est particulièrement perceptible. Cette pondération dépend de l’objet du financement et des spécificités associées pour qu’elles soient adaptées (voir tableau ci-dessous).

* à condition que l’ajustement des exigences de fonds propres pour risque de crédit prévu à l’article 501 bis ne soit pas appliqué.

Expositions sur la clientèle de détail

Le nouveau règlement ajoute une pondération de 45 % à la pondération par défaut de 75 % pour certaines expositions renouvelables (3) qui ont un profil de risque réduit dit « expositions sur transactionnaire »

Un multiplicateur fixé à 1,5 de la pondération est également mis en place pour les expositions non couvertes lorsqu’il y a une différence entre la monnaie du prêt et celle de la source de revenu du débiteur. Toutefois, il existe un plafond de 150 % sur la pondération qui résulte de ce calcul.

Par ailleurs, une dérogation permet d’appliquer une pondération de 35 % sur les expositions liées à des prêts aux retraités / employés en échange d’une partie de la pension / salaire de l’emprunteur à l’établissement.

En revanche, les expositions sur des personnes physiques qui ne remplissent pas toutes les conditions pour être considérées comme des expositions sur la clientèle de détail doivent être pondérées à 100 %.

Expositions garanties par une hypothèque sur un bien immobilier

Le nouveau traitement de pondération garde la distinction entre les hypothèques résidentielles et commerciales mais ajoute de nouvelles distinctions :

  • Expositions IPRE : financement qui repose sur les revenus générés par le bien en garantie
  • Expositions ADC : expositions sur l’acquisition de terrains, la promotion et la construction de biens

Il prévoit également un traitement alternatif plus sensible au risque en fonction d’un ratio Exposure-to-value : montant brut de l’exposition / valeur du bien.

Les règles avec ces nouveaux éléments et cette nouvelle granularité sont résumées dans le tableau ci-dessous.

À noter : des autorités compétentes peuvent augmenter les niveaux de pondération du tableau ci-dessus. Pour faciliter cet exercice, l’autorité bancaire européenne doit soumettre des projets de normes techniques de règlementation à la Commission Européenne d’ici le 31 décembre 2024.

Par dérogation, une exposition IPRE qu’elle soit garantie par un bien immobilier résidentiel ou commercial peut bénéficier du traitement fractionné si le taux de perte agrégé de tous les établissements de crédit est en-dessous des limites fixées au cours de l’année précédente :

  • Pour la partie des expositions inférieure ou égale à 55 % de la valeur du bien, le taux de perte doit être inférieur ou égal à 0,3 % de l’encours total des obligations de crédit,
  • Pour la partie des expositions inférieure ou égale à 100 % de la valeur du bien, le taux de perte doit être inférieur ou égal à 0,5 % de l’encours total des obligations de crédit.

Comme dans la catégorie « Clientèle de détail », un multiplicateur fixé à 1,5 est appliqué à la pondération pour les expositions non couvertes lorsqu’il y a une différence entre la monnaie du prêt et celle de la source de revenu du débiteur sans dépasser le plafond de 150 % sur la pondération.

Une fois de plus, les dispositions pour cette catégorie d’exposition reflètent cette volonté d’affiner les pondérations appliquées par une identification plus précise des cas d‘application.

Expositions sur les créances subordonnées

Application d’une pondération de risque de 150 % par défaut sur les créances subordonnées.

Expositions sur les actions

Les expositions sur actions cotées porteront une pondération de risque de 250 % par défaut au lieu de 100 % précédemment, et les expositions sur actions non cotées seront pondérées à 400 % par défaut. Ces pondérations seront introduites progressivement comme ci-dessous :

Parmi les exceptions, on peut noter qu’une pondération de 100 % peut être appliquée pour des expositions sur actions dans le cadre de programmes législatifs destinés à promouvoir certains secteurs de l’économie ou les expositions portant sur des banques centrales.

 Conclusion

A priori, la réforme va entraîner un alourdissement des exigences en fonds propres pour de nombreuses de banques de l’Union Européenne.

Les changements sont significatifs à la fois pour les niveaux de pondération, les conditions de classement dans une catégorie d’exposition et dans certains cas, la méthode d’estimation des pondérations.

Par conséquent, au regard de ces nombreuses évolutions, les banques doivent fournir un travail conséquent pour répondre aux exigences du régulateur dont l’objectif semble atteint pour certaines natures d’exposition, en particulier pour les expositions sur les financements spécialisés et celles qui sont garanties par un bien immobilier.

(1) Report de la date initialement au 1er janvier 2022, en réponse à la crise COVID-19.

(2) Le plancher de fonds propre révisé prévoit que les emplois pondérés calculés avec les modèles internes ne peuvent pas être inférieurs à 72,5 % des emplois pondérés calculés à l’aide des approches standards.

(3) L’exposition est dite renouvelable lorsque son solde dû par l’emprunteur peut évoluer en fonction de ses décisions d’emprunt ou de remboursement dans les limites fixées.

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Loi Eckert : huit ans après, quel bilan ?

Adrien Henry
Ingénieur conseil

Eckert : Les origines

La loi n° 2014-617 du 13 juin 2014 relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d’assurance-vie en déshérence, dite « loi Eckert », est entrée en vigueur le 1er juin 2016. Elle a été baptisée d’après son rapporteur Christian Eckert, Secrétaire d’Etat chargé du Budget sous le gouvernement Hollande. Elle reposait alors sur deux objectifs principaux : liquider le stock de comptes bancaires et de contrats d’assurance-vie non réclamés afin de récupérer les sommes correspondantes et traiter le flux de nouveaux contrats inactifs arrivant à échéance au fil de l’eau.

Concrètement, la loi se concentrait sur deux axes :

  • La détection de l’inactivité d’un compte ou d’un contrat par l’absence de fonctionnement du compte et l’absence de manifestation de son titulaire ou de son représentant ;
  • Le renforcement des obligations de connaissance client pour les établissements détenteurs de comptes ou contrats inactifs : information au titulaire par courrier, clôture en cas de décès avéré, conservation et publication des données à l’État, transfert des sommes non réclamées à la Caisse des Dépôts et Consignations.

Cette loi visait avant tout à faire porter aux établissements financiers la responsabilité de la recherche et de l’information des ayants droit, protégeant ainsi les titulaires et bénéficiaires des comptes inactifs et des contrats en déshérence.

Si, pour les comptes bancaires, la notion de compte inactif est définie dans la loi Eckert comme un compte sur lequel aucune opération autre que celles à l’initiative de la banque n’est intervenue pendant 12 mois consécutifs (60 mois pour les livrets d’épargne et autres comptes à terme et comptes-titres) et dont le titulaire ne s’est pas manifesté auprès de celle-ci, le cadre juridique concernant les contrats d’assurance-vie en déshérence est plus flou. Toutefois, les acteurs du marché s’accordent sur une définition commune regroupant sous ce terme les contrats dont le bénéfice au dénouement n’a pas été versé aux bénéficiaires, même partiellement, que ce soit en cas de vie ou en cas de décès.

Un renforcement des systèmes d’information

Avant même la loi Eckert, la loi n° 2005-1564 du 15 décembre 2005 dite « AGIRA 1 » avait donné mandat à l’Association pour la Gestion des Informations sur le Risque en Assurance (AGIRA) de centraliser les demandes émanant de toute personne d’être informée de l’existence de contrats d’assurance-vie souscrits par une personne décédée dont elle serait bénéficiaire et de les transmettre à l’ensemble des assureurs, institutions de prévoyance et mutuelles.

Cette loi a été renforcée par la loi n° 2007-1775 du 17 décembre 2007 dite « AGIRA 2 » qui donne accès aux professionnels du secteur à la base de données relative au décès des personnes inscrites au Répertoire National d’Identification des Personnes Physiques (RNIPP). Si elle visait à permettre aux personnes autorisées d’accéder à des informations jusque-là confidentielles, elle ne fournissait pas de marche à suivre concernant les fonds déjà transférés à la Caisse des Dépôts et Consignations.

Par la loi Eckert, l’État a remédié à ce problème en créant CICLADE, un service en ligne à destination des particuliers permettant de rechercher les sommes en déshérence reversées à la Caisse des Dépôts et Consignations pendant les 20 ans précédant l’acquisition définitive de ces sommes par l’État, et étendu à l’ensemble des établissements financiers détenteurs de comptes et contrats les obligations réglementaires auparavant limitées aux seuls assureurs.

L’efficacité du dispositif prouvée par les chiffres…

Entre juillet 2016 et décembre 2020, ce sont 9,9 millions de comptes bancaires, contrats d’assurance-vie et plans d’épargne salariale pour un total de 6,5 milliards d’euros qui ont été transférés à la Caisse des Dépôts et Consignations. La plus grande partie (66 % des produits et 57 % du montant) provenait du stock de 2016 (1).

Il est à noter que les comptes bancaires inactifs représentent une très large partie des produits transférés, notamment en nombre (5,5 millions de comptes en 2016, soit 85 %) et dans une moindre mesure en montant (1,9 milliard d’euros en 2016, soit 51 %). Cela s’explique car, avant même les lois AGIRA 1 et 2, les assureurs étaient tenus de rechercher les bénéficiaires en cas de décès. Le cadre législatif du dispositif a durci ces obligations pour inciter les établissements à rechercher les ayants droit plus activement qu’ils ne le faisaient auparavant, notamment grâce à la surveillance de l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) et à ses sanctions potentielles.

… mais un champ d’application à étendre et à renforcer

Si la mise en place de la loi Eckert et des outils associés a permis de réduire drastiquement le nombre de comptes et contrats en déshérence, il laissait de côté le périmètre des contrats d’épargne retraite. L’ACPR notait ainsi en 2018 que ces contrats représenteraient près de 13 milliards d’euros en avoirs non liquidés à l’âge légal de départ à la retraite (actuellement 62 ans), un chiffre confirmé par la Cour des Comptes en 2019.

C’est ainsi que la loi n° 2021-219 du 26 février 2021 relative à la déshérence des contrats de retraite supplémentaire, c’est-à-dire l’ensemble des produits antérieurs au Plan d’Épargne Retraite (Article 83, Madelin, PERP, …) ainsi que le PER lui-même, entrée en vigueur le 1er juillet 2022, complète le dispositif Eckert par l’obligation faite aux gestionnaires de produits d’épargne retraite de communiquer chaque année au Groupement d’Intérêt Public (GIP) Union Retraite les données utiles à l’identification des bénéficiaires et le renforcement du devoir d’information de l’employeur auprès de ses employés.

Des obligations croissantes renforcées par des sanctions proportionnelles ?

En tant qu’organe régulateur de l’État des secteurs de l’Assurance et de la Banque, l’ACPR semble avoir fait preuve d’une certaine clémence dans les premières années ayant suivi l’entrée en application de la loi Eckert. Pour autant, depuis 2019, elle a prononcé des sanctions de plus en plus nombreuses, en particulier à l’encontre des assureurs, ces derniers étaient théoriquement mieux préparés, en raison des lois AGIRA, à remplir leurs obligations de recherche et d’information, accompagnées d’amendes de montants non négligeables. Sur le seul deuxième trimestre 2022, trois décisions ont ainsi été rendues à l’encontre d’acteurs importants du marché de l’assurance pour un montant cumulé de sanctions pécuniaires s’élevant à 12 millions d’euros.

En termes de chiffres et de systèmes d’information, la loi Eckert a donc fait la preuve de son efficacité. Entre un champ d’application qui s’élargit d’année en année et des sanctions qui tendent à se durcir, les contraintes réglementaires autant que les évolutions technologiques sont plus que jamais au cœur des préoccupations des institutions financières. Cependant, la compréhension de ces enjeux par le grand public, la connaissance approfondie des différents dispositifs d’épargne et d’investissement ainsi que la responsabilité de chacun vis-à-vis de la gestion de ses comptes révèlent une certaine insuffisance – typiquement française ? – due à une éducation financière hétérogène au sein de la population.

(1) Source : Caisse des Dépôts et Consignations

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Métavers : quelle place pour les institutions financières ?

Emanuela Azouzi-Popa
Consultante
Florence Baldo
Ingénieure Conseil

Le 28 octobre 2021, Mark Zuckerberg a annoncé que Facebook changeait de nom pour devenir « Meta », en référence au métavers. Ce néologisme, décalqué de l’anglais metaverse, provient selon David Ambrosino, Président du Conseil Supérieur du Notariat, de la contraction du préfixe grec meta, qui signifie « au-delà de », et de l’anglais universe. C’est donc un monde au-delà du réel, un monde virtuel dans lequel la réalité physique et la réalité virtuelle augmentée ont été fusionnées. Pendant la campagne présidentielle, Emmanuel Macron a également insisté sur l’urgence de la création d’un métavers européen. Quelle réalité se cache derrière ces nouvelles initiatives ? Peut-on déjà en estimer les impacts ? Comment le métavers peut-il influencer nos modes de vie ?

S’il est trop tôt pour le dire, nous vous proposons un premier décryptage de ce phénomène révolutionnaire. Origines, applications, intérêts financiers… Demain, vivrons-nous tous des vies parallèles dans le métavers ?

Un concept plus ancien qu’on pourrait le penser

Le métavers peut se définir comme un monde virtuel en trois dimensions dans lequel il est possible de se réunir pour interagir, étudier, jouer, faire des achats et même travailler. Considéré par certains experts comme la prochaine évolution majeure d’Internet, il s’inscrit pourtant dans un mouvement issu des années 1990. En effet, l’écrivain Neal Stephenson a décrit pour la première fois dans son roman Snow Crash (publié en 1992 et traduit en français sous le nom Le Samouraï virtuel) un monde futuriste interfacé avec le monde réel.

Par la suite, de nombreuses entreprises se sont inspirées de cette idée pour créer des communautés en ligne. Second Life, lancé en 2003, permet à ses utilisateurs d’incarner des personnages dans un monde en 3D créé par les résidents eux-mêmes, un peu comme le jeu Sims. Présentés sous forme d’avatars réalistes, les résidents assistent notamment à des concerts en live et discutent comme dans un tchat.

En 2017, le célèbre jeu vidéo Fortnite révolutionne le marché de la réalité virtuelle.

L’année 2021 marque un tournant décisif dans le développement du métavers : avec 10 milliards de dollars d’investissement annoncés par Mark Zuckerberg, le recrutement de 10 000 profils hautement qualifiés et le lancement d’un nouveau logo ressemblant au signe mathématique de l’infini, il s’agit d’une disruption inédite dans le secteur mondial de la technologie.

Comment se présente le métavers ?

Le métavers est un environnement virtuel et immersif en trois dimensions. Pour y accéder, il suffit d’un ordinateur personnel, d’une connexion internet stable et d’un casque de réalité virtuelle.

On peut y pratiquer les mêmes activités que dans la vie réelle ou presque : assister à un événement sportif, participer à des réunions de travail avec des collègues à l’autre bout du monde, acheter des articles dans des rayons en 3D et même investir dans l’immobilier. Adidas a prévu d’y commercialiser ses célèbres baskets, et de nombreuses stars comme le rapper Drake ont acquis des terrains et fait monter les prix des parcelles situées à proximité.

Avec le rachat d’Oculus VR pour maîtriser ses propres périphériques de réalité virtuelle et la création de workrooms (en français : salles de travail), une alternative à la visioconférence, Meta entend faire oublier le modèle économique du réseau social qui repose sur la publicité ciblée. Le groupe cherche également à présenter son nouvel univers comme une plate-forme d’apprentissage d’une ampleur inédite, un peu comme un e-learning géant.

Quels sont les enjeux financiers du métavers ?

L’engouement pour les cryptomonnaies correspond à la défiance croissante des citoyens face aux institutions telles que les banques centrales et les banques de détail traditionnelles.

Le sud-américain Decentraland et le français The Sandbox sont deux univers immersifs liés à la blockchain et déjà connus dans le secteur des cryptomonnaies. Celles-ci ont d’ailleurs vu leur valeur doubler, voire tripler en novembre 2021 (1), relançant ainsi l’intérêt des investisseurs pour les mondes virtuels.

D’autres plateformes d’échange de cryptomonnaies comme Crypto.com veulent lancer leur propre métavers afin de capter le maximum d’investisseurs. Pour cela, elles proposent des services de plus en plus complets. Elrond, soutenue par son partenariat avec Bloktopia, prépare un projet de bridge permettant de faire transiter les jetons NFT et les cryptomonnaies entre ces deux écosystèmes. L’échangeur KuCoin se positionne également dans la course et annonce la mise en place d’un fonds d’investissement de 100 millions de dollars pour développer son métavers.

Parmi les projets plus confidentiels, OVR est sans doute le plus stratégique à l’heure actuelle. Avec son mélange de réalité augmentée et d’univers virtuel, il démultiplie les possibilités pour les futurs investisseurs : en effet, on peut être virtuellement possesseur d’une parcelle de la carte du monde, et même la louer pour des événements. La société pratique des investissements titanesques pour effectuer les mises à jour et rendre ainsi son univers plus attrayant.

Enfin, Microsoft promet de transformer nos réunions de travail sur Teams en réunions hybrides entre participants physiquement présents et hologrammes représentant des participants à distance à l’aide d’un casque virtuel et d’une tenue haptique. Nous n’avons jamais été aussi proches d’un rêve vieux comme l’humanité, celui de la téléportation…

Des problématiques inédites

Pour autant, le métavers suscite de nouvelles préoccupations. Qui va jouer le rôle de modérateur dans ce nouvel univers où tout semble permis ? En effet, le métavers se présente comme un espace de liberté totale : approche horizontale et dérégulée, absence de l’intervention de l’État… Les comportements interdits dans le monde réel (harcèlement, criminalité, extrémisme…) risquent de se reproduire dans la réalité virtuelle alors même que des manquements au contrôle des publications sur des réseaux sociaux comme Facebook, Instagram et Twitter sont régulièrement relayés par la presse. Selon son Chief Technical Officer, Meta pourrait ainsi consacrer jusqu’à 50 millions de dollars aux travaux sur les enjeux éthiques de l’entreprise (2). L’une des pistes radicales consiste à exiger la levée de l’anonymat grâce à des preuves d’identité – y compris biométriques – au moment de l’inscription dans un métavers afin de transformer les usagers en justiciables potentiels.

Par ailleurs, il existera probablement une concurrence entre les métavers. On parle déjà de « multivers » avec des canaux dédiés à la culture, aux loisirs, à une seconde vie… Certains professionnels comme David Ambrosino y voient l’occasion de développer de manière innovante l’assise des tiers de confiance comme les notaires et donc de renforcer la sécurité juridique des citoyens.

Les problèmes énergétiques, désormais incontournables, se posent d’autant plus pour le métavers qui est extrêmement consommateur en termes de stockage sur les serveurs. On pourrait également évoquer les sujets de protection des données personnelle, de santé, de fracture numérique, d’éducation des enfants et des adolescents, d’abolition des frontières entre monde réel et monde virtuel…

Finalement, la question principale que soulève le métavers est la suivante : comment conserver l’intérêt de la « vraie vie » face à cette offre pléthorique ? Le métavers ne servira-t-il pas de refuge émotionnel aux plus fragiles ? La sphère professionnelle fait déjà face à un bouleversement sans précédent aggravé par la pandémie récente. À l’heure du big quit (grande démission) et du quiet quitting (démission silencieuse), deux phénomènes mondiaux, la population active risque de délaisser encore plus les emplois qui soutiennent l’économie réelle pour tenter leur chance dans le nouvel eldorado du métavers alors nous avons plus que jamais besoin de retrouver collectivement du sens.

(1) Source : beincrypto, 09/04/2022

(2) Source : Numerama, 15/11/2021

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La finance durable : une évolution constante de la réglementation européenne

Céline Alcouffe
Consultante
Benjamin Balluais
Consultant

Dans le cadre de la vente de produits financiers et d’assurance, le conseiller a l’obligation de recueillir auprès de son client un certain nombre d’informations : sa situation financière, ses connaissances et expériences en matière d’investissement, ses objectifs d’investissement et l’horizon désiré (court, moyen ou long terme) ainsi que sa tolérance au risque. Ce « questionnaire de connaissance client » permet au conseiller d’établir le profil d’investisseur de son client afin de lui conseiller le(s) placement(s) le(s) plus adapté(s) à son contexte. Depuis le 02 août 2022 (1), à cette collecte d’informations, s’ajoutent les préférences Environnementales, Sociales et de Gouvernance (ESG) du client.

Cette nouvelle obligation s’inscrit dans la continuité de directives et règlements européens dont l’objectif est d’optimiser la sécurité, la transparence et le fonctionnement des marchés financiers, mais surtout la protection des investisseurs, notamment en matière de finance durable.

Le schéma ci-dessous illustre le socle réglementaire sur lequel se base le recueil des préférences ESG.

Quel est le lien entre la finance durable et les préférences ESG ?

Les critères « ESG » relèvent donc de l’analyse extra-financière puisque la rentabilité pécuniaire n’est plus l’unique grille de lecture pour évaluer un acteur économique. La gestion de l’écosystème de ce dernier est également prise en compte :

  • « E » pour « Environnement ». Ce critère s’intéresse à l’impact d’un acteur économique sur l’environnement (gestion des déchets, réduction des émissions de gaz à effet de serre, etc.)
  • « S » pour « Social ». Ce critère se focalise sur la gestion des parties prenantes d’un acteur économique (gestion du personnel, des partenaires, etc.)
  • « G » pour « Gouvernance ». Ce critère vérifie l’intégrité de l’organisation et la gestion mises en place (indépendance du conseil d’administration, vérification des comptes, etc.)

Quels sont les impacts du recueil des préférences ESG pour les conseillers financiers concernés ?

Selon l’Autorité des Marchés Financiers (AMF), les préférences ESG s’articulent autour de 3 axes :

Résumé de l’article de l’AMF sur le sujet

Les impacts qu’entraine le recueil des préférences ESG pourraient s’identifier sur plusieurs niveaux :

  • La stratégie puisque selon le 3ème axe (cf. schéma ci-dessus) la société de gestion doit publier les informations relatives aux incidences négatives de ses produits de placement ;
  • Les processus avec l’actualisation des modalités de conseil notamment. En effet, si aucun investissement ne correspond aux préférences ESG émises par le client, le conseiller financier doit le formaliser par écrit ;
  • Le système d’information avec l’intégration de nouvelles données (adaptation de l’éditique et des outils d’avant/vente pour la collecte des préférences ESG ; ainsi que de l’outil de gestion pour la prise en compte et le suivi) ;
  • L’organisation avec en particulier la formation des conseillers financiers pour accompagner leurs clients.

Mais l’impact s’étend également aux autorités financières qui doivent rester mobilisées pour accompagner à leur tour les organisations assujetties à ce nouveau cadre législatif

Dans ce contexte, l’autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (European Insurance and Occupational Pensions Authority, EIOPA) a publié le 20 juillet dernier, un guide pour les acteurs du monde assurantiel (Guidance on the integration of the customer’s sustainability preferences in the suitability assessment under IDD). Ce guide, qui se veut avant tout didactique, met en avant les nouvelles règles et présente les exigences applicables de façon plus explicite, avant que d’autres outils viennent renforcer le dispositif.

De même, l’ACPR (Autorité de Contrôle Prudentiel et de Régulation) annonce de son côté qu’elle « accompagnera, comme elle le fait toujours, les professionnels concernés dans la mise en œuvre la plus satisfaisante possible des nouvelles obligations auxquelles ils doivent se conformer. »

La réglementation européenne doit continuer à évoluer pour éviter les dérives

« 76 % des Français estiment que l’impact des placements sur la qualité de l’environnement (pollution, biodiversité, etc.) est un sujet important. » (2)

Pour répondre à cette tendance, les placements dits « durables » se sont multipliés en France mais également en Europe. Et « l’essor de la finance durable s’est accompagné du développement de multiples terminologies et pratiques qui complexifient la lisibilité des caractéristiques « durables » d’un produit financier » (3) (cf. ci-dessous le tour d’horizon européen réalisé par Novethic en juin 2019).

Par ailleurs, le greenwashing ou « écoblanchiment » (méthode marketing dont le but est de donner une image éco-responsable trompeuse) qui se pratique notamment dans les secteurs de la mode et de l’automobile, se répand de plus en plus dans le monde de la finance.

Pour aider et protéger les investisseurs, les régulateurs ont mis en place des labels, synonyme de confiance et d’intégrité (accordés par des tiers après des audits indépendants).

Cependant, l’absence de référentiel unique européen entraine des pratiques différentes d’un pays à l’autre (comme l’illustre le tableau ci-après concernant les exigences de couverture de l’analyse ESG (4)) et soulève des difficultés pour les investisseurs, en particulier ceux qui investissent au niveau européen.

La définition de normes et standards dans la finance durable doit donc s’inscrire dans une démarche d’amélioration continue afin de corriger les dérives actuelles mais également anticiper celles à venir.

(1) A partir du 1er janvier 2023 pour les Conseillers en Investissements Financiers (CIF)

(2) « Les Français et les placements responsables », rapport AMF, Juillet 2021

(3) Extrait du document « Panorama des labels européens de finance durable », Novethic, Juin 2020

(4) Combinaison de 2 tableaux issus du document « Panorama des labels européens de finance durable », Novethic, Edition 2022

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Euro Numérique : la riposte de la Banque Centrale Européenne face aux cryptoactifs

Florence Baldo
Ingénieure conseil

Les dernières révolutions monétaires mondiales remontent à l’invention de la monnaie-papier en 1716 par John Law et bien sûr à la création de l’euro en 1999. Cependant, depuis quelques années, les cryptoactifs ont envahi le paysage des paiements au grand dam des États qui y voient une perte de souveraineté vertigineuse. Absence de régulation, financement d’activités illégales, conséquences écologiques désastreuses… le bitcoin a mauvaise presse auprès des politiques, et pourtant sa popularité ne cesse de grandir. La pandémie de covid-19 a encore accentué ce phénomène tandis que les besoins en paiements électroniques ont explosé en raison des commandes en ligne.

Face à cette situation, la Banque Centrale Européenne a lancé un projet ambitieux : une phase d’étude de deux ans pour explorer les conditions nécessaires à la création d’un euro numérique à partir d’octobre 2021. Cette initiative de grande ampleur lui permettrait d’entrer en concurrence avec les cryptoactifs, faute de pouvoir les réguler frontalement, et de renationaliser un euro submergé par la création de monnaie. Si les bénéfices peuvent être nombreux, plusieurs limites émergent déjà. La reconquête de la souveraineté monétaire s’annonce comme un chemin de croix à l’issue aussi incertaine que passionnante.

Faire de l’Euro numérique une nouvelle poche monétaire : un projet d’une ampleur inédite

La Chine et les Etats-Unis travaillent depuis longtemps à la mise en place de leur monnaie numérique, mais la BCE a longtemps hésité avant de se lancer. Pour cela, elle a consulté de nombreux citoyens ainsi que des milliers de professionnels au sein de l’Union. Son objectif ? Créer un moyen de paiement virtuel aussi efficace qu’un cryptoactif mais beaucoup plus sûr et surtout plus stable.

Les euros numériques seront stockés dans un portefeuille propre à chaque particulier ou entreprise. Au début, le montant attribué serait limité à 3 000 euros sous forme de jetons ou tokens. Ces droits pourraient ensuite évoluer en fonction des besoins et de l’adhésion des acteurs. Les technologies envisagées sont notamment les TIPS (TARGET Instant Payment Settlements), validés par la BCE et utilisés en Italie depuis 2018. Ainsi, l’instantanéité des paiements ne sera plus l’apanage exclusif des Fintechs et des banques… Les systèmes devraient être capables d’absorber 40 000 transactions par minute pour accompagner l’augmentation du volume des paiements en ligne.

Cependant, même si une suite était donnée à cette phase préparatoire, l’euro numérique ne verrait pas concrètement le jour avant 2025 ou 2026.

Des bénéfices évidents pour une Union européenne en quête d’affirmation

L’euro numérique permet à la BCE de répondre à plusieurs problèmes : tout d’abord, même si certains courants du libéralisme ne sont pas d’accord, l’émission de monnaie est historiquement une fonction régalienne. Remettre l’euro au centre de l’Union européenne en l’asseyant sur un socle technologique solide serait une réussite incontestable en ces temps de création monétaire excessive.

Ensuite, au-delà de la dimension symbolique, cela permettrait de consolider l’économie en sécurisant les paiements et les transactions, y compris les plus délicates. Le corollaire se trouve bien entendu dans la limitation des activités illégales et la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme : les déclarations fiscales, la perception de la TVA, les acquisitions immobilières… Tout serait simplifié et tracé.

La BCE souligne également le caractère écologique de l’euro numérique par rapport au bitcoin, immense consommateur d’énergie. Cependant, il s’agit d’une simple déclaration à ce stade : aucun détail n’est fourni quant à la mise en œuvre concrète.

Enfin, l’euro numérique constituerait un ultime pied-de-nez aux cryptoactifs caractérisés par une croissance désordonnée, une volatilité importante et de nombreux aléas technologiques. Cette stabilité n’est pas pour autant garantie par un adossement aux réserves de la BCE. Cette dernière a précisé le montage dans un rapport de 2020 : « des intermédiaires privés supervisés seraient les mieux placés pour fournir les services auxiliaires, adaptés aux utilisateurs, et pour élaborer de nouveaux modèles d’activité à partir de [la] fonctionnalité de base [de l’euro numérique]. »

Le succès de l’euro numérique est-il garanti ?

Si les intentions sont louables, la réalité sera peut-être tout autre. La faiblesse des droits initiaux (3 000 euros) risque de compliquer l’adhésion lors du lancement. Ce paramètre peut évoluer d’ici là, d’autant que l’euro numérique ne comporte pas le même caractère spéculatif que les cryptoactifs.

La BCE, consciente de l’importance de la fracture numérique, soutient que les espèces ne disparaîtront pas pour autant, ce qui met à mal l’argument de la lutte contre la fraude : en effet, celle-ci est, pour ses plus gros volumes au moins, le fait de l’argent liquide, entre travail dissimulé et trafics divers.

Certains spécialistes relèvent également une potentielle atteinte à la vie privée : à terme, les citoyens européens auraient tous, d’une certaine façon, “un compte à Francfort » (1) qui pourrait être scruté dès le premier euro. Une perspective rassurante pour une Union désireuse de mieux contrôler les flux et les stocks de capitaux, et donc ses ressortissants…

La principale limite identifiée concerne la technologie blockchain sur laquelle reposerait l’euro numérique : elle est encore peu mature à l’échelle industrielle et il n’est pas prouvé qu’elle puisse absorber le volume prévisionnel de paiements ni même qu’elle soit plus écologique que le bitcoin. Cette incertitude pèse beaucoup sur ce projet qui ne peut se permettre d’être un échec.

Enfin, rien ne garantit que l’euro numérique aura la faveur du public. La multiplication des initiatives privées brouille les pistes : ainsi, Meta (ex-Facebook) réactive son Libra sous le nom évocateur de “Diem” et Amazon est sur le point de transformer l’essai en 2022 en créant sa propre cryptomonnaie pour ses clients, toujours plus nombreux. En 2020, le volume des ventes de la firme américaine a été estimé à 475 milliards de dollars par l’agence Marketplace Pulse Research !

Le concept est donc révolutionnaire mais risqué : redorer le blason européen avec une monnaie ni sonnante ni trébuchante, mais répondant aux exigences du jour. Est-ce que cela représentera enfin le grand retour des devises souveraines et le recul des actifs douteux, eux-mêmes en pleine mutation ? Certains détracteurs soulignent le risque de déflation, de récession, voire d’“hélicoptère monétaire”, pour reprendre la célèbre métaphore de l’économiste Milton Friedman. L’absence d’adossement direct aux réserves de la BCE pourrait aussi fragiliser cet édifice incertain.

Un premier bilan fin 2022 devrait permettre de voir plus clair dans cette entreprise titanesque. Nous ne manquerons pas de suivre ce feuilleton de près et de vous faire part de tous les rebondissements qu’il implique pour le monde, l’Europe et la France.

(1) Bruno Colmant, CEO de Degroof Petercam dans L’Écho, 17 juillet 2021.

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Les banques traditionnelles peuvent-elles faire face aux défis imposés par leurs concurrents digitaux ?

Kévin Martins
Consultant

Depuis plusieurs décennies, les banques et assurances traditionnelles, c’est-à-dire celles possédant des agences physiques, font face à un nouveau business model 100 % en ligne. Ces nouveaux acteurs s’appuient sur la dématérialisation pour attirer leur clientèle : toutes leurs offres, comme l’ouverture d’un compte, par exemple, sont disponibles et réalisables à distance : elles n’ont donc pas besoin de réseaux d’agences pour fonctionner. Les établissements traditionnels supportent un coût non négligeable pour le maintien opérationnel de leurs agences : entretien des locaux, frais de personnel, équipement en informatique…

Selon le cabinet Score Advisor, un réseau d’agences représente en moyenne 60 % des coûts d’une banque de détail et 15 % des agences ne seraient même plus rentables à cause de la baisse de fréquentation liée à la possibilité de faire ses opérations directement sur Internet.

Une attractivité indéniable du grand public pour les banques en ligne…

Entre janvier 2017 et janvier 2021, Boursorama est passée de 977 000 à 2,6 millions de clients, soit presque 3 fois plus de clients en l’espace de 4 ans. Il s’agit de la plus importante banque en ligne française. Le phénomène concerne aussi d’autres établissements : + 50 % chez Fortuneo avec 880 000 clients en 2021, + 114 % chez Hello Bank avec 608 000 clients en 2021… C’est donc l’ensemble des acteurs en ligne qui captent de plus en plus de clients avec, pour certaines comme Boursorama et Fortuneo, une hausse ininterrompue de la clientèle depuis 2017 !
La quasi-gratuité des opérations courantes et de la carte bancaire attire de plus en plus de personnes. D’autres avantages sont également à noter : 

  • La possibilité de faire toutes ses opérations courantes à distance 24 h / 24
  • Les horaires de contact du service client sont élargis (souvent du lundi au samedi après-midi)
  • La présence d’offres et de primes de bienvenue
  • Des taux pour les crédits immobiliers souvent plus attractifs que ceux des banques classiques et qui peuvent être proposés sans frais de dossier et sans indemnité de remboursement anticipé, à condition que le prêt ne soit pas racheté par la concurrence
  • Des livrets bancaires à taux bonifiés (généralement, sur quelques mois)
  • Des frais avantageux pour les ordres de bourse, sans droits de garde ni frais d’inactivité

… mais aussi l’assurance-vie nouvelle génération

Le placement préféré des Français vient de passer, cette année, la barre des 1 800 milliards d’euros d’encours. Ce marché est détenu à 58 % par les banques classiques grâce à la relation physique entre le banquier et son client. Pourtant, la qualité des contrats est souvent bien inférieure à celle de leurs homologues digitaux.

En effet, les banques ou courtiers en ligne proposent des contrats avec des fonds euros affichant de meilleurs taux de rendement – ce qui n’est pas anodin quand on sait que 75 % des encours sont placés sur ce support à capital garanti -, des frais contenus (absence de frais d’entrée, de frais de versement, de frais d’arbitrage, et des frais gestions les plus bas du marché) ainsi qu’une large palette d’unité de compte (UC).

D’ailleurs, ces informations sont beaucoup plus faciles d’accès sur des contrats en ligne que sur les sites des assureurs traditionnels, et l’on comprend aisément pourquoi : afficher une rémunération du fonds euros inférieure au marché (en moyenne de 1,08 % en 2020, selon le site Good Value for Money) en y ajoutant le détail des frais du contrat et un choix limité d’UC n’est pas vendeur. 

Voici deux exemples sur des contrats distribués par de grandes banques, respectivement Crédit Agricole et BNP Paribas :

  • Prédissime 9 série 2 (assureur : Prédica) : performance du fonds euros 2020 : 0,65 % / Frais sur versement : 3 % / Frais d’arbitrage : 0,5 % / Frais de gestion sur UC : 0,85 % et 20 UC disponibles
  • Multiplacements 2 (assureur : Cardif) : performance du fonds euros 2020 : 1 % / Frais sur versement : 2,75 % / Frais d’arbitrage : jusqu’à 1 % / Frais de gestion sur UC : 0,96 % et environ 60 UC disponibles

Comparons maintenant avec deux contrats d’un courtier en assurance en ligne, Linxea :

  • Linxea Avenir (assureur : Suravenir) : performance des deux fonds euros 2020 : 1,3 % et 2 % / Frais sur versement : 0 % / Frais d’arbitrage : 0 % / Frais de gestion sur UC : 0,6 % et 600 UC disponibles
  • Linxea Spirit 2 (assureur : Spirica) : performance du fonds euros 2020 : 1,65 % / Frais sur versement : 0 % / Frais d’arbitrage : 0 % / Frais de gestion sur UC : 0,5 % et environ 650 UC disponibles

Cette comparaison montre que le courtier propose des fonds euros qui peuvent rapporter jusqu’à 3 fois plus qu’un contrat distribué en banque classique, et ceci avec des frais très contenus et un large choix d’UC. Ainsi, à terme et à conditions inchangées, pour un même montant investi sur un support identique, le montant du contrat sera plus élevé chez ce courtier en ligne.

Dans ces conditions, les établissements en ligne seront-ils nécessairement les grands vainqueurs de la bataille entre ancienne et nouvelle école ?  

Les acteurs digitaux entre limites et difficultés

Tout d’abord, ils s’adressent à une clientèle spécifique : les personnes autonomes et capables de tout gérer en ligne en mode self care. Il faut aussi pouvoir se passer du contact d’un conseiller en présentiel car toute la relation a lieu à distance (par téléphone, mail et chat). En outre, certaines banques en ligne exigent un revenu ou un encours minimum pour disposer d’une carte bancaire. 

De même, les dépôts en liquide en agence sont interdits, sauf pour HelloBank et Monabanq qui les acceptent dans les agences BNP Paribas et Crédit Mutuel respectivement. Par ailleurs, tous les produits d’épargne ne sont pas disponibles ; par exemple, Fortuneo, BForBank et ING ne proposent pas de PEL. Dès lors, on constate que l’ensemble de la population ne peut être captée par les acteurs en ligne.

Une autre problématique fondamentale porte sur la rentabilité. Boursorama, pourtant lancée il y a 17 ans, est à peine rentable. Crédit Agricole vient de recapitaliser BforBank pour la troisième fois à hauteur de 125 millions d’euros, et Orange Bank enregistre 600 millions d’euros de pertes depuis son lancement il y a seulement 3 ans.

Ceci résulte d’une stratégie commerciale agressive reposant sur des tarifs très bas couplée à des offres spéciales et primes de bienvenue. L’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) estime d’ailleurs que cette politique peut représenter jusqu’à 24% de leurs revenus. 

En outre, seuls 7 % des clients choisissent leur banque en ligne comme banque principale. Ce phénomène de multi-bancarisation ne contribue pas à dégager de la rentabilité.

Seule Fortuneo serait rentable aujourd’hui. La plupart de ses clients y ont domicilié leur salaire, réalisé des placements (elle est la première en termes d’assurance-vie en ligne avec 25 à 30 % du marché) et souscrit un crédit. Selon La Tribune, un client lui rapporte en moyenne 200 € de produit net bancaire en 2019, soit 5 fois plus que ses concurrents.

Les banques en ligne doivent aussi tout mettre en œuvre dans la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. ING a ainsi été épinglée par l’ACPR qui estime que son dispositif de lutte anti-blanchiment en France est « globalement défaillant ». Pour faire simple, toute la chaîne de contrôle clients, de suivi, de détection des opérations et clients nécessitant une vigilance particulière et des signalements à Tracfin est à revoir. L’amende est de 3 millions d’euros et cela ne va pas arranger la situation économique déjà compliquée d’ING qui n’est pas parvenue à équiper sa clientèle en produits rémunérateurs. En effet, ING envisage de céder son activité de banque de détail en France.

Malgré ces limites, les banques en ligne sont bien présentes sur le marché et continuent de capter de la clientèle.

Vers une “remontada” des banques traditionnelles ?

La plupart des banques en ligne sont adossées aux banques classiques :

  • Boursorama appartient à la Société Générale
  • Hello Bank à BNP Paribas
  • Fortuneo au Crédit Mutuel Arkéa
  • BforBank au Crédit Agricole…

Ainsi, les banques classiques apportent un soutien économique aux banques en ligne, ce qui leur permet de proposer des offres attractives. Les clients des banques en ligne sont en quelque sorte « affiliés » aux banques classiques.
Pour rester dans la course, l’innovation numérique est primordiale pour apporter en continu des nouveautés aux clients. Comme le souligne le responsable de Meilleurebanque.com, « L’arrivée sur le marché des banques en ligne puis des néo-banques a incité les réseaux à investir dans leur appli, la pression se fait particulièrement sentir depuis 2015 ». Il est possible aujourd’hui de consulter ses comptes, d’effectuer un virement, d’éditer un RIB, de gérer ses dépenses et son budget… depuis son espace personnel. 

Cette capacité à innover doit être maintenue pour fidéliser la clientèle et la dissuader de partir à la concurrence. L’écart entre ces deux modèles bancaires sur le plan digital doit être le plus faible possible. Ceci est d’autant plus vrai quand on sait que 50 % des clients des banques traditionnelles consultent désormais l’application ou le site web de leur banque.

Par ailleurs, la relation conseiller-agence doit être repensée. Les Français restent encore fortement attachés à l’échange en présentiel, surtout dans les moments-clés de leur vie. Ils considèrent aujourd’hui que les conseillers ne délivrent pas suffisamment de valeur. Ainsi, dans une étude menée en 2019, le cabinet Deloitte démontre que 52 % des Français souhaiteraient demander à leur banque de leur recommander un avocat, 47% un notaire, 48 % de faire expertiser un logement. C’est bien dans la refonte du duo agence-conseiller que les banques pourront mieux fidéliser leurs clients. 

L’expérience client est devenue également incontournable. En 2020, les sujets qui impactaient le plus l’IRC (Indice de Recommandation Client) étaient :

  • La facilité à obtenir des réponses immédiates
  • L’accompagnement client
  • Des produits et tarifs simples à comprendre.

Les banques doivent donc concentrer leurs efforts sur la réactivité et la qualité du conseil.

En alliant le modèle traditionnel et le modèle digital, il devrait être possible de profiter des points positifs de chacun. Les acteurs 100 % en ligne offrent des tarifs attractifs et un quotidien simplifié. Ils pourraient apporter une expertise de premier niveau sur certains sujets. De leur côté, les banques classiques pourraient proposer une des conseils à haute valeur ajoutée sur des besoins plus spécifiques et réaliser des opérations plus complexes de type patrimonial nécessitant la rencontre entre client et conseiller en agence. L’efficience des acteurs numériques et le sur-mesure augmenté en agence : c’est peut-être ainsi que se dessine le futur paysage bancaire. 

fin verte

La nouvelle taxonomie verte : l’avenir de la gestion d’actifs à long terme ?

Florence Baldo
Ingénieure conseil

Le nouveau standard européen est porteur de sens mais révèle les disparités à l’œuvre au sein de l’Union.

Finance et développement durable n’ont pas toujours fait bon ménage : dans l’esprit des professionnels comme dans celui du grand public, la corrélation entre performance des actifs et « sustainability » n’existe que depuis les années 1990-2000, avec l’apparition des premiers fonds intégrant à part entière les critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance). Si des progrès considérables ont été effectués concernant ces deux dernières catégories, qui semblent reposer sur des critères objectifs et quantifiables, la question environnementale demeure la plus épineuse, en particulier dans le contexte européen : la nouvelle taxonomie verte est supposée remédier à cette situation d’ici 2022, avec pour objectif d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. C’est sans compter la difficulté à trouver un consensus autour de ce que sont les actifs dits « bas carbone » pour des pays européens déchirés sur la question de la transition écologique. La bataille des lobbies fait rage, et la dimension éminemment politique du sujet brouille la mise en place opérationnelle pour les gestionnaires d’actifs.

Un système de classification des activités « vertes »

Le plan d’action pour la Finance Durable de la Commission Européenne est issu d’une recommandation du Conseil européen relative à la création d’une taxonomie verte, c’est-à-dire un système de classification commun pour évaluer la durabilité de 70 activités économiques, représentant 93 % des émissions de gaz à effet de serre de l’Union européenne, permettant de définir quels sont les actifs durables. Pour obtenir ce label, les actifs devront respecter au moins l’un des six objectifs environnementaux de l’Union européenne :

● Atténuation du changement climatique

● Adaptation au changement climatique

● Utilisation durable et protection des ressources hydrologiques et marines

● Transition vers une économie circulaire

● Prévention et contrôle de la pollution

● Protection et restauration de la biodiversité et des écosystèmes

Les critères sociaux et de gouvernance devront également être pris en compte.

Le Parlement européen préconisait également l’exclusion des activités liées au secteur du nucléaire et du charbon, ce qui n’a pas été relayé par la Commission européenne. Les États membres contribueront au débat par le biais de groupes d’experts (Technical Expert Group on Sustainable Finance ou TEG) et la mise en place d’une plateforme sur la finance durable. Leurs travaux portent sur :

1. Le reporting extra-financier des entreprises, qui permet de récolter des informations très détaillées sur les actions mises en place par les sociétés avant d’y investir

2. La définition d’un standard sur les Green Bonds

3. L’intégration du climat dans les indices financiers européens, afin de privilégier les énergies renouvelables au détriment des énergies fossiles

Or, ce dernier point est particulièrement sensible au sein de l’Union européenne, rarement à l’abri de dissensions.

Un difficile consensus autour d’un sujet très politique

La mise en place de la taxonomie verte oblige toutes les entreprises et tous les établissements financiers à transpariser les impacts positifs et négatifs de leurs actions et à les justifier. Si l’intention est louable, la réalité du terrain révèle de nombreuses disparités. En ce qui concerne le secteur de l’énergie, les lobbies européens se déchaînent : en effet, comment définir objectivement ce qu’est une énergie bas-carbone ? EDF milite pour la classification du nucléaire dans cette catégorie, tandis que les Allemands défendent le gaz comme la meilleure énergie de transition. Les Polonais sont toujours fortement dépendants du charbon… L’acceptation de telle ou telle énergie dépend des seuils d’émission de CO2 définis par l’Union européenne, ce qui déclenche l’hostilité des pays souhaitant pouvoir en garder une définition nationale.

Par ailleurs, certaines associations financières militent clairement contre le projet de taxonomie verte qu’ils estiment liberticide. Un nombre restreint d’acteurs financiers français et européens (Aviva, Groupe BPCE, BNP Paribas, BBVA, AXA et Allianz) plaident pour une acceptation sans condition du projet, mais les associations de sociétés de gestion, des marchés financiers, des banques, etc. sont favorables à une adoption sur la base du volontariat, avec une focalisation sur les fonds dédiés à la finance durable.

De manière inattendue, la taxonomie verte est devenue un sujet politique qui pourrait s’étendre à la classification de l’ensemble des produits financiers à moyen terme. Anne-Catherine Husson-Traoré, Directrice Générale de Novethic, explique : « La bataille de la taxonomie montre, une fois de plus, la difficulté à faire émerger une stratégie climat portée et soutenue par une Europe unie alors qu’elle négocie pourtant d’une seule voix au sein des COP, celle de l’Union européenne ! ».

Les impacts organisationnels pour les gestionnaires d’actifs

Si les gestionnaires d’actifs maîtrisent bien le reporting de performance classique, le reporting extra-financier se révèle plus récent et plus complexe. La mise en place de la nouvelle taxonomie verte suppose de mettre à jour les systèmes de référentiels liés aux actifs afin de produire le reporting le plus fiable possible. Dans cette perspective, cela suppose que les experts se soient mis d’accord en amont sur la définition des indices, et notamment des indices climatiques. Comme vu précédemment, les Français, les Allemands et les Polonais sont en désaccord sur le type d’énergie à privilégier.

Tous les indices devront logiquement être reportés dans le détail, et les indices ESG devront être comparés aux indices traditionnels afin de bien expliquer leurs spécificités aux épargnants, pour qui la finance durable reste parfois un concept un peu flou. Les gestionnaires d’actifs doivent donc faire preuve de pédagogie et d’innovation afin de se monter convaincants, tout en se reposant sur des labels éprouvés dans le domaine de l’Investissement Socialement Responsable.

La tentation de qualifier tous ces efforts comme étant du greenwashing est grande pour les climato-sceptiques ou le public peu averti. Afin de remédier à cette situation, la responsabilité incombant au législateur est immense : seul un renforcement des obligations réglementaires permet de standardiser l’information et d’accéder à la meilleure transparence possible. Selon un sondage Odoxa du 17 décembre 2020, 75 % des Français sont prêts à souhaiter inscrire l’écologie dans la Constitution dans le cadre du futur référendum annoncé par le Président Macron. Sont-ils également prêts à changer de paradigme quant à leurs investissements financiers ?


Green bonds : littéralement obligations vertes, parfois appelées obligations environnementales. Il s’agit d’un emprunt obligataire (non bancaire) émis sur les marchés financiers, par une entreprise ou une entité publique (collectivité, agence internationale, etc.) pour financer des projets contribuant à la transition écologique. La différence par rapport aux obligations classiques tient dans les engagements pris par l’émetteur d’une part, sur l’usage précis des fonds récoltés qui doit porter sur des projets ayant un impact favorable sur l’environnement, et, d’autre part, sur la publication, chaque année, d’un rapport rendant compte aux investisseurs de la vie de ces projets (Source : Delphine Cuny, La Tribune, 8 décembre 2017).

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Le crédit immobilier : des conditions de crédit de plus en plus inaccessibles ?

Alison Gallardo
Consultante

L’année 2021 a été marquée par un marché du crédit immobilier florissant soutenu par des taux toujours extrêmement bas. En effet, selon les chiffres de la Banque de France publiés le 3 novembre 2021, la production a atteint en septembre dernier 22,1 milliards d’euros pour un taux de croissance annuel de l’encours de 6,6 %. Cependant, cette dynamique exceptionnelle pourrait ralentir dans les prochains mois.

En effet, le HCSF (Haut Conseil de Stabilité Financière) a annoncé en juin dernier vouloir contraindre juridiquement les institutions bancaires à suivre ses recommandations concernant l’attribution de crédits immobiliers. Cette annonce a été suivie d’effet puisque que la décision a été publiée au Journal Officiel le 10 octobre 2021.

Un durcissement incontestable des conditions du crédit immobilier

Ainsi, dans le cadre d’un crédit immobilier, le HCSF – chargé d’exercer la surveillance du système financier – impose les règles suivantes à compter du 1er janvier 2022 :

  • Le taux d’effort : les remboursements de prêts ne pourront pas dépasser 35 % des revenus des emprunteurs, assurance décès-invalidité comprise. Ces 35 % sont calculés sur le salaire net avant impôts, comme c’était déjà le cas avant l’entrée en vigueur du prélèvement à la source.
  • La durée : la durée de remboursement des crédits ne pourra pas dépasser vingt-cinq ans. Toutefois, cette durée pourra être portée à 27 ans si le crédit immobilier est lié :
    • à une vente en l’état futur d’achèvement (VEFA) ou à une construction de maison individuelle ;
    • à une acquisition dans l’ancien donnant lieu à un programme de travaux dont le montant représente au moins 25 % du coût total de l’opération et qui a pour objet la création de surfaces habitables nouvelles ou de surfaces annexes, la modernisation, l’assainissement ou l’aménagement des surfaces habitables ou de surfaces annexes, la réalisation de travaux de rénovation énergétique.
  • Investissement : toutes les charges seront prises en compte dans le calcul du taux d’endettement ou taux d’effort des investisseurs en locatif. Auparavant, les banques appliquaient un calcul différentiel plus favorable.

Ce durcissement des conditions d’octroi de crédit va donc sans aucun doute entraîner un accès beaucoup plus compliqué à la propriété pour les jeunes acquéreurs ne disposant pas d’épargne. Ce phénomène, s’il était couplé à une hausse future de l’inflation, impacterait de manière significative la capacité d’endettement de ces foyers en fermant les portes du crédit aux dossiers les plus tangents.

En effet, malgré des taux moyens inférieurs à l’inflation (selon l’Observatoire Crédit Logement / CSA, au troisième trimestre, les emprunteurs ont bénéficié d’un taux moyen de 1,05 % quand l’inflation moyenne sur cette même période était à 2,1 %), cette conjoncture ne sera favorable aux emprunteurs que si elle se poursuit dans le temps et si la courbe des salaires était elle aussi indexée à l’inflation.

Des initiatives juridiques en faveur des emprunteurs

Malgré un contexte d’octroi de crédit épineux pour toute une partie de la population, deux lois ont bouleversé le marché de l’assurance emprunteur es dernières années, avantageant favorablement les consommateurs :

  • La loi Hamon, dite loi « sur la consommation », est en application depuis 2015. Elle permet aux assurés de résilier leur contrat d’assurance au bout d’un an d’adhésion sans être exposé à des pénalités. Celle-ci s’applique également aux contrats à tacite reconduction. Avec cette loi, l’assuré est libre de rompre son contrat pour n’importe quel motif, sans avoir à se justifier auprès de son assureur.
  • L’amendement Bourquin, intégré dans la loi Sapin 2, est quant à lui entré en vigueur le 22 février 2017. Il est officiellement applicable depuis le 1er janvier 2018. Cet amendement permet aux emprunteurs de résilier leur contrat d’assurance de prêt immobilier chaque année à la date anniversaire de leur contrat en respectant un préavis de deux mois. La résiliation doit s’accompagner des conditions du nouveau contrat (certificat d’adhésion, délégation de bénéfice, fiche standardisée d’information) et l’acceptation par la banque est soumise à l’équivalence de garanties entre l’ancien et le nouveau contrat.

À cela vient s’ajouter la Résiliation Infra-Annuelle (RIA), texte qui sera discuté dans l’hémicycle le 25 novembre 2021. Si cette mesure demandée était adoptée, elle offrirait la possibilité de ne plus attendre la date d’échéance annuelle pour résilier son contrat d’assurance de prêt afin d’en souscrire un autre dans le cadre de la délégation d’assurance.

En jouant sur ces différentes options, les emprunteurs peuvent réduire significativement le montant global de leur crédit immobilier. Pour les détenteurs de prêts plus anciens, il est également toujours possible de renégocier le taux si cela n’a pas déjà été fait.

Cependant, il faut prendre garde à l’effet boomerang. Si la mesure de Résiliation Infra-Annuelle était adoptée, les banques pourraient revoir leur taux de crédit à la hausse pour pallier la fuite des ressources financières liées à ces contrats d’assurance qui se déportent vers des établissements plus “low cost”.

En conséquence, les conditions d’octroi du crédit immobilier cachent une situation économique pouvant être très hétérogène selon le profil des clients et l’exercice de leurs options contractuelles. À l’avenir, les modifications de la réglementation ainsi que la variation de l’inflation seront des facteurs clés dans l’évolution des taux et de la production bancaire associée.

En alliant le modèle traditionnel et le modèle digital, il devrait être possible de profiter des points positifs de chacun. Les acteurs 100 % en ligne offrent des tarifs attractifs et un quotidien simplifié. Ils pourraient apporter une expertise de premier niveau sur certains sujets. De leur côté, les banques classiques pourraient proposer une des conseils à haute valeur ajoutée sur des besoins plus spécifiques et réaliser des opérations plus complexes de type patrimonial nécessitant la rencontre entre client et conseiller en agence. L’efficience des acteurs numériques et le sur-mesure augmenté en agence : c’est peut-être ainsi que se dessine le futur paysage bancaire.