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Finance durable

La finance durable : l’avenir des investissements français

Kevin Martins
Consultant

Les Français de plus en plus tournés vers les placements durables

On assiste aujourd’hui à une prise de conscience croissante des enjeux environnementaux et sociétaux. La problématique du réchauffement climatique est devenue centrale dans le discours médiatique. Dans cette perspective, les investisseurs sont de plus en plus sensibles à l’impact environnemental de leur épargne et souhaitent l’orienter vers des secteurs d’activités moins polluants, plus durables.

Les statistiques le confirment : selon Novethic[1], le marché des fonds durables en France représentait 896 milliards d’euros d’encours au 31 décembre 2021, soit + 94 % sur un an.

Une étude OpinionWay d’avril 2023[2] indique que 75 % des Français considèrent l’impact des placements sur l’environnement comme un sujet important et plus d’un Français sur deux déclare prendre en compte la problématique du développement durable dans l’orientation de son épargne. On constate un écart générationnel en la matière avec une plus forte proportion des moins de 35 à considérer les placements durables comme pertinents (33 % versus 25 % dans l’ensemble de la population).

L’offre du marché répond à cette prise de conscience

Pour faire face à ces nouveaux enjeux, les acteurs des marchés financiers intègrent de nouveaux fonds dits « durables » dans leurs enveloppes d’investissement. Il s’agit même d’une nouvelle obligation réglementaire. Ainsi, depuis le 1er janvier 2022, le Code des Assurances impose aux assureurs de proposer – pour chaque produit – au moins un support :

  • labellisé « ISR » (Investissement Socialement Responsable)
  • labellisé « Greenfin »
  • solidaire, labellisé « Finansol » par exemple

Les fonds ISR doivent prendre en compte des critères extra-financiers, dits « ESG » (Environnementaux, Sociaux et Gouvernance) en plus des critères financiers dans leurs choix d’investissement :

  • Le critère environnemental mesure l’impact de l’entreprise sur l’environnement (par exemple : les émissions de CO², le recyclage des déchets, …)
  • Le critère social montre la relation de l’entreprise vis-à-vis de ses parties prenantes (par exemple : la qualité du dialogue social, le respect des droits humains, …)
  • Le critère gouvernance porte sur la façon dont l’entreprise est dirigée, administrée et contrôlée (par exemple : la lutte contre la corruption, la transparence de la rémunération des dirigeants, …)

Le label Greenfin est attribué aux fonds investissant dans l’économie verte, c’est-à-dire qui participent à la transition énergétique et écologique. Il exclut les entreprises opérant dans le secteur nucléaire et les énergies fossiles. Ainsi, il est plus exigeant que le label ISR sur les critères environnementaux.

Quant aux fonds dédiés à l’économie sociale et solidaire (ESS), ils peuvent obtenir le label Finansol qui cible des activités à forte utilité sociale et / ou environnementale. Les secteurs d’activités financés sont principalement :

  • L’emploi et la création d’entreprise
  • Le logement social
  • Les activités écologiques
  • L’entreprenariat dans les pays en développement

Les fonds labellisés ISR sont les plus représentés, avec actuellement près de 1200 fonds ISR contre environ 200 fonds Finansol et une centaine de fonds Greenfin.

À ces labels s’ajoute une classification des fonds en matière d’investissement durable. Depuis le 10 mars 2021, le règlement européen SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation) impose une classification des fonds en trois articles :

  • Article 6 : fonds sans objectifs de durabilité
  • Article 8 : fonds avec objectifs de durabilité qui intègrent les critères ESG dans leur gestion et promeuvent des caractéristiques environnementales et (ou) sociales mais qui n’ont pas d’objectif d’investissement durable.
  • Article 9 : fonds avec un objectif d’investissement durable. Ils sont soumis à des obligations d’explication méthodologique, d’évaluation et d’amélioration de critères de transparence. C’est l’article le plus difficile à obtenir. Ces fonds sont également appelés « super verts » ou « dark green ».

Ces fonds durables se multiplient dans chaque enveloppe d’investissement : PEA, assurance-vie, PER, PEE, CTO, etc. répondant ainsi aux nouveaux besoins des investisseurs.

Pour cela, l’épargnant peut donc s’intéresser aux labels et à la classification SFDR qui répond à ses convictions. Il peut même combiner plusieurs labels en plus de l’article 9 pour obtenir une sélection de fonds renforcée en matière d’investissement durable. Il disposera ainsi d’une allocation patrimoniale responsable sur mesure puisque reposant sur ses propres valeurs.

Pour les personnes qui n’ont pas le temps et / ou les connaissances pour identifier des fonds durables, des gestions pilotées 100 % éco-responsables ont été créées par les acteurs financiers.

Ainsi, Yomoni et Nalo, deux Fintechs lancées en 2015 et 2017, proposent d’investir dans des assurances-vie responsables. Celles-ci sont en gestion pilotée, c’est-à-dire que la gestion de l’épargne est confiée à un professionnel qui sélectionne lui-même les fonds responsables en fonction du profil investisseur de l’épargnant. La société Goodvest, Fintech créée en 2020, présente un PER en gestion pilotée investissant dans des fonds respectant des critères environnementaux et éthiques stricts.

Une labellisation pas toujours si verte

Pour ceux qui souhaitent investir eux-mêmes dans des fonds responsables, il apparaît nécessaire d’examiner la composition des fonds dans les reportings pour vérifier si les sociétés présentes sont bien en accord avec les valeurs environnementales et sociétales de l’investisseur.

En effet, pour l’attribution du label ISR, il n’existe pas de critères standards qui définissent les activités durables d’une entreprise. Dès lors, la définition de la durabilité incombe aux gestionnaires des fonds. Ce label est ainsi souvent critiqué pour son manque d’homogénéité, sa souplesse dans les critères d’éligibilité (que l’on constate au vu du nombre de fonds labellisés ISR) et son déficit de transparence quant à la performance écologique et sociale des fonds labellisés.

Le label Greenfin est plus exigeant que le label ISR puisqu’il exclut les entreprises du secteur nucléaire et des énergies fossiles mais il ne garantit pas que le fonds investit à 100 % dans des éco-activités. En effet, un fonds peut très bien inclure une poche composée d’entreprises ne réalisant aucun ou très peu de chiffre d’affaires dans des éco-activités et être labellisé Greenfin.

Le label Finansol semble être le choix le plus restrictif puisqu’il offre une garantie de l’affectation de l’épargne au financement de l’économie sociale et solidaire et une transparence sur la composition du produit.

Quant à l’article 9, un consortium de journalistes dont Follow the Money et Le Monde a montré en 2022 dans une enquête intitulée The Great Green Investment Investigation que près de la moitié des fonds classés en article 9 investissaient dans des secteurs d’activités liés aux énergies fossiles et à l’aviation. En effet, la définition d’un investissement durable reste relativement floue à ce stade. Chaque gérant peut avoir sa propre interprétation et des fonds peuvent être classés en article 8 ou en article 9.

La Commission Européenne a d’ailleurs été sollicitée pour apporter des précisions sur les critères de durabilité permettant de définir un fonds article 9, mais elle a indiqué qu’elle n’apporterait pas de réponse à cette question et laisse ainsi au secteur financier la possibilité de choisir ce qu’il considère comme un actif durable.

Performance et durabilité apparaissent comme compatibles

Un fonds durable opère un filtre dans sa sélection de sociétés pour répondre à ses objectifs de durabilité, contrairement à un fonds classique qui a plus de liberté dans le choix de ses sociétés. Cette pratique entraîne une moindre diversification du portefeuille du fonds, et mathématiquement une dégradation théorique du couple rendement / risque.

Or, si l’on prend comme exemple l’indice MSCI World (indice qui représente le marché des actions internationales regroupant 23 pays développés avec environ 1500 sociétés), sa performance est plus faible que celle de son homologue ISR (qui se compose d’environ 400 sociétés) sur de longues périodes.

Entre 2009 et 2022, l’indice « MSCI World ISR » affiche une performance moyenne annualisée légèrement supérieure à celle de l’indice « MSCI World » avec une moindre volatilité (cf. graphique ci-dessous).

Le rapport rendement / risque est donc en faveur du « MSCI World ISR ».

Plusieurs facteurs expliqueraient cette meilleure performance des fonds durables :

  • Les entreprises éthiques et respectueuses des considérations ESG auraient une meilleure gestion des risques, des activités plus pérennes et des relations de qualité avec leurs parties prenantes
  • Ils détiendraient davantage de valeurs « value », c’est-à-dire sous-valorisées et offrant donc un potentiel de hausse plus intéressant
  • La présence d’écarts sectoriels (par exemple, l’indice ISR est sous-pondéré dans le secteur énergétique – avec l’exclusion des sociétés liées aux énergies fossiles). Lorsque ce dernier sous-performe les autres secteurs, l’indice ISR a tendance à surperformer son indice classique.

Investissement et considérations environnementales et sociétales ne sont donc pas nécessairement antinomiques. Néanmoins, selon la formule consacrée, les performances passées ne préjugent pas des performances futures et l’avenir nous dira si cette tendance se confirme.

En outre, les épargnants qui possèdent des fonds durables sont souvent prêts à accepter une moindre performance au profit d’un investissement correspondant à leurs convictions environnementales et sociétales. La recherche de la performance immédiate ne constitue pas la motivation première de ce type d’investisseur qui privilégie les sociétés de qualité et la croissance à long terme.

Dans tous les cas, l’investissement durable devrait connaître un regain d’intérêt dans l’allocation patrimoniale des Français en raison du rajeunissement des investisseurs. Un renforcement des critères d’attribution des labels et une clarification de la classification SFDR apparaissent dès lors comme nécessaires pour éviter tout soupçon d’écoblanchiment et poursuivre le processus d’acculturation à la durabilité.

[1] Fondée en 2001, Novethic est une filiale du Groupe Caisse des Dépôts. À la croisée des stratégies de finance durable et des pratiques de responsabilité sociétale des entreprises, Novethic déploie ses expertises – média, recherche, audit et formation – pour permettre aux professionnels de relever les défis de la transformation durable. Source : https://www.novethic.fr/

[2]https://www.amf-france.org/fr/actualites-publications/publications/rapports-etudes-et-analyses/les-francais-et-les-placements-responsables-opinionway-pour-lamf-juillet-2023

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Les banques traditionnelles peuvent-elles faire face aux défis imposés par leurs concurrents digitaux ?

Kévin Martins
Consultant

Depuis plusieurs décennies, les banques et assurances traditionnelles, c’est-à-dire celles possédant des agences physiques, font face à un nouveau business model 100 % en ligne. Ces nouveaux acteurs s’appuient sur la dématérialisation pour attirer leur clientèle : toutes leurs offres, comme l’ouverture d’un compte, par exemple, sont disponibles et réalisables à distance : elles n’ont donc pas besoin de réseaux d’agences pour fonctionner. Les établissements traditionnels supportent un coût non négligeable pour le maintien opérationnel de leurs agences : entretien des locaux, frais de personnel, équipement en informatique…

Selon le cabinet Score Advisor, un réseau d’agences représente en moyenne 60 % des coûts d’une banque de détail et 15 % des agences ne seraient même plus rentables à cause de la baisse de fréquentation liée à la possibilité de faire ses opérations directement sur Internet.

Une attractivité indéniable du grand public pour les banques en ligne…

Entre janvier 2017 et janvier 2021, Boursorama est passée de 977 000 à 2,6 millions de clients, soit presque 3 fois plus de clients en l’espace de 4 ans. Il s’agit de la plus importante banque en ligne française. Le phénomène concerne aussi d’autres établissements : + 50 % chez Fortuneo avec 880 000 clients en 2021, + 114 % chez Hello Bank avec 608 000 clients en 2021… C’est donc l’ensemble des acteurs en ligne qui captent de plus en plus de clients avec, pour certaines comme Boursorama et Fortuneo, une hausse ininterrompue de la clientèle depuis 2017 !
La quasi-gratuité des opérations courantes et de la carte bancaire attire de plus en plus de personnes. D’autres avantages sont également à noter : 

  • La possibilité de faire toutes ses opérations courantes à distance 24 h / 24
  • Les horaires de contact du service client sont élargis (souvent du lundi au samedi après-midi)
  • La présence d’offres et de primes de bienvenue
  • Des taux pour les crédits immobiliers souvent plus attractifs que ceux des banques classiques et qui peuvent être proposés sans frais de dossier et sans indemnité de remboursement anticipé, à condition que le prêt ne soit pas racheté par la concurrence
  • Des livrets bancaires à taux bonifiés (généralement, sur quelques mois)
  • Des frais avantageux pour les ordres de bourse, sans droits de garde ni frais d’inactivité

… mais aussi l’assurance-vie nouvelle génération

Le placement préféré des Français vient de passer, cette année, la barre des 1 800 milliards d’euros d’encours. Ce marché est détenu à 58 % par les banques classiques grâce à la relation physique entre le banquier et son client. Pourtant, la qualité des contrats est souvent bien inférieure à celle de leurs homologues digitaux.

En effet, les banques ou courtiers en ligne proposent des contrats avec des fonds euros affichant de meilleurs taux de rendement – ce qui n’est pas anodin quand on sait que 75 % des encours sont placés sur ce support à capital garanti -, des frais contenus (absence de frais d’entrée, de frais de versement, de frais d’arbitrage, et des frais gestions les plus bas du marché) ainsi qu’une large palette d’unité de compte (UC).

D’ailleurs, ces informations sont beaucoup plus faciles d’accès sur des contrats en ligne que sur les sites des assureurs traditionnels, et l’on comprend aisément pourquoi : afficher une rémunération du fonds euros inférieure au marché (en moyenne de 1,08 % en 2020, selon le site Good Value for Money) en y ajoutant le détail des frais du contrat et un choix limité d’UC n’est pas vendeur. 

Voici deux exemples sur des contrats distribués par de grandes banques, respectivement Crédit Agricole et BNP Paribas :

  • Prédissime 9 série 2 (assureur : Prédica) : performance du fonds euros 2020 : 0,65 % / Frais sur versement : 3 % / Frais d’arbitrage : 0,5 % / Frais de gestion sur UC : 0,85 % et 20 UC disponibles
  • Multiplacements 2 (assureur : Cardif) : performance du fonds euros 2020 : 1 % / Frais sur versement : 2,75 % / Frais d’arbitrage : jusqu’à 1 % / Frais de gestion sur UC : 0,96 % et environ 60 UC disponibles

Comparons maintenant avec deux contrats d’un courtier en assurance en ligne, Linxea :

  • Linxea Avenir (assureur : Suravenir) : performance des deux fonds euros 2020 : 1,3 % et 2 % / Frais sur versement : 0 % / Frais d’arbitrage : 0 % / Frais de gestion sur UC : 0,6 % et 600 UC disponibles
  • Linxea Spirit 2 (assureur : Spirica) : performance du fonds euros 2020 : 1,65 % / Frais sur versement : 0 % / Frais d’arbitrage : 0 % / Frais de gestion sur UC : 0,5 % et environ 650 UC disponibles

Cette comparaison montre que le courtier propose des fonds euros qui peuvent rapporter jusqu’à 3 fois plus qu’un contrat distribué en banque classique, et ceci avec des frais très contenus et un large choix d’UC. Ainsi, à terme et à conditions inchangées, pour un même montant investi sur un support identique, le montant du contrat sera plus élevé chez ce courtier en ligne.

Dans ces conditions, les établissements en ligne seront-ils nécessairement les grands vainqueurs de la bataille entre ancienne et nouvelle école ?  

Les acteurs digitaux entre limites et difficultés

Tout d’abord, ils s’adressent à une clientèle spécifique : les personnes autonomes et capables de tout gérer en ligne en mode self care. Il faut aussi pouvoir se passer du contact d’un conseiller en présentiel car toute la relation a lieu à distance (par téléphone, mail et chat). En outre, certaines banques en ligne exigent un revenu ou un encours minimum pour disposer d’une carte bancaire. 

De même, les dépôts en liquide en agence sont interdits, sauf pour HelloBank et Monabanq qui les acceptent dans les agences BNP Paribas et Crédit Mutuel respectivement. Par ailleurs, tous les produits d’épargne ne sont pas disponibles ; par exemple, Fortuneo, BForBank et ING ne proposent pas de PEL. Dès lors, on constate que l’ensemble de la population ne peut être captée par les acteurs en ligne.

Une autre problématique fondamentale porte sur la rentabilité. Boursorama, pourtant lancée il y a 17 ans, est à peine rentable. Crédit Agricole vient de recapitaliser BforBank pour la troisième fois à hauteur de 125 millions d’euros, et Orange Bank enregistre 600 millions d’euros de pertes depuis son lancement il y a seulement 3 ans.

Ceci résulte d’une stratégie commerciale agressive reposant sur des tarifs très bas couplée à des offres spéciales et primes de bienvenue. L’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) estime d’ailleurs que cette politique peut représenter jusqu’à 24% de leurs revenus. 

En outre, seuls 7 % des clients choisissent leur banque en ligne comme banque principale. Ce phénomène de multi-bancarisation ne contribue pas à dégager de la rentabilité.

Seule Fortuneo serait rentable aujourd’hui. La plupart de ses clients y ont domicilié leur salaire, réalisé des placements (elle est la première en termes d’assurance-vie en ligne avec 25 à 30 % du marché) et souscrit un crédit. Selon La Tribune, un client lui rapporte en moyenne 200 € de produit net bancaire en 2019, soit 5 fois plus que ses concurrents.

Les banques en ligne doivent aussi tout mettre en œuvre dans la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. ING a ainsi été épinglée par l’ACPR qui estime que son dispositif de lutte anti-blanchiment en France est « globalement défaillant ». Pour faire simple, toute la chaîne de contrôle clients, de suivi, de détection des opérations et clients nécessitant une vigilance particulière et des signalements à Tracfin est à revoir. L’amende est de 3 millions d’euros et cela ne va pas arranger la situation économique déjà compliquée d’ING qui n’est pas parvenue à équiper sa clientèle en produits rémunérateurs. En effet, ING envisage de céder son activité de banque de détail en France.

Malgré ces limites, les banques en ligne sont bien présentes sur le marché et continuent de capter de la clientèle.

Vers une “remontada” des banques traditionnelles ?

La plupart des banques en ligne sont adossées aux banques classiques :

  • Boursorama appartient à la Société Générale
  • Hello Bank à BNP Paribas
  • Fortuneo au Crédit Mutuel Arkéa
  • BforBank au Crédit Agricole…

Ainsi, les banques classiques apportent un soutien économique aux banques en ligne, ce qui leur permet de proposer des offres attractives. Les clients des banques en ligne sont en quelque sorte « affiliés » aux banques classiques.
Pour rester dans la course, l’innovation numérique est primordiale pour apporter en continu des nouveautés aux clients. Comme le souligne le responsable de Meilleurebanque.com, « L’arrivée sur le marché des banques en ligne puis des néo-banques a incité les réseaux à investir dans leur appli, la pression se fait particulièrement sentir depuis 2015 ». Il est possible aujourd’hui de consulter ses comptes, d’effectuer un virement, d’éditer un RIB, de gérer ses dépenses et son budget… depuis son espace personnel. 

Cette capacité à innover doit être maintenue pour fidéliser la clientèle et la dissuader de partir à la concurrence. L’écart entre ces deux modèles bancaires sur le plan digital doit être le plus faible possible. Ceci est d’autant plus vrai quand on sait que 50 % des clients des banques traditionnelles consultent désormais l’application ou le site web de leur banque.

Par ailleurs, la relation conseiller-agence doit être repensée. Les Français restent encore fortement attachés à l’échange en présentiel, surtout dans les moments-clés de leur vie. Ils considèrent aujourd’hui que les conseillers ne délivrent pas suffisamment de valeur. Ainsi, dans une étude menée en 2019, le cabinet Deloitte démontre que 52 % des Français souhaiteraient demander à leur banque de leur recommander un avocat, 47% un notaire, 48 % de faire expertiser un logement. C’est bien dans la refonte du duo agence-conseiller que les banques pourront mieux fidéliser leurs clients. 

L’expérience client est devenue également incontournable. En 2020, les sujets qui impactaient le plus l’IRC (Indice de Recommandation Client) étaient :

  • La facilité à obtenir des réponses immédiates
  • L’accompagnement client
  • Des produits et tarifs simples à comprendre.

Les banques doivent donc concentrer leurs efforts sur la réactivité et la qualité du conseil.

En alliant le modèle traditionnel et le modèle digital, il devrait être possible de profiter des points positifs de chacun. Les acteurs 100 % en ligne offrent des tarifs attractifs et un quotidien simplifié. Ils pourraient apporter une expertise de premier niveau sur certains sujets. De leur côté, les banques classiques pourraient proposer une des conseils à haute valeur ajoutée sur des besoins plus spécifiques et réaliser des opérations plus complexes de type patrimonial nécessitant la rencontre entre client et conseiller en agence. L’efficience des acteurs numériques et le sur-mesure augmenté en agence : c’est peut-être ainsi que se dessine le futur paysage bancaire. 

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Rétrospective 2020 : quels impacts sur le secteur banque et assurance ?

Kévin Martins
Consultant

Rétrospective 2020 : quels impacts de la pandémie de Covid-19 sur le secteur banque et assurance ?

Crise inédite et planétaire : la pandémie de la Covid-19 apporte son lot de conséquences économiques, sociales et bien évidemment sanitaires. Il est encore difficile de toutes les évaluer ainsi que de se projeter dans un avenir proche. Quels sont les impacts mesurables constatés jusqu’à présent sur le territoire national ?

La bourse en hausse, l’économie en berne

Après plusieurs cas de Covid-19 détectés en France, Emmanuel Macron décide d’un confinement national le 17 mars 2020 pour enrayer la progression du virus : une mesure que l’on peut qualifier d’exceptionnelle en temps de paix. En effet, tous les magasins, entreprises, lieux de sociabilité et de loisirs dits « non essentiels pour la vie de la nation » doivent temporairement fermer. Seuls les magasins d’alimentation et pharmacies restent ouverts.

L’activité économique du pays s’en trouve considérablement affectée, avec une chute du PIB de 8,3 % en 2020 à 2 130 milliards d’euros ; soit une baisse historique jamais enregistrée en deux siècles en-dehors des périodes de guerre.

Pour faire face à ces conséquences économiques, de nombreuses aides ont été mises en place. Citons le PGE (Prêt Garanti par l’Etat) qui permet aux entreprises dont la trésorerie est menacée par la crise de bénéficier de la garantie d’un prêt consenti par la banque pour lequel aucun remboursement n’est exigé la première année. Dans certaines conditions, le report des cotisations sociales, du paiement des loyers, des factures (eau, gaz et électricité) et des impôts desquels les entreprises doivent s’acquitter est également possible.

Une autre mesure très forte de soutien est la prise en charge de l’activité partielle : les salariés au chômage partiel reçoivent une indemnité versée par l’employeur et en contrepartie, l’employeur reçoit une allocation d’activité partielle cofinancée par l’État et l’Unédic. Ce dispositif fait donc coup double : il soutient à la fois les entreprises et les salariés. C’est aussi le plus généreux d’Europe : en 2020, son coût est de 27 milliards d’euros. Au plus haut, en avril 2020, il a permis d’aider 8,8 millions de Français.

La prime exceptionnelle pour les salariés exposés au Covid-19 dans le cadre de leur travail, la possibilité d’abaisser le taux de prélèvement des impôts à la source pour les personnes ayant subi une baisse des revenus tout comme l’aide aux étudiants ayant perdu leur travail ou stage sont autant de mesures d’accompagnement des français.

Ces mesures ont donc pour effet de soutenir à la fois l’offre et la demande, alors même que les Français, souvent privés de possibilités de consommer, ont thésaurisés près de 130 milliards d’euros en 2020.

Quelle relance pour l’après Covid-19 ?

À côté de ces dispositifs de soutien, il faut aussi penser à l’avenir, et cela passe par la reprise économique. En septembre 2020, un plan de relance nommé « France Relance » est créé. Il est doté d’une enveloppe de 100 milliards d’euros et vise à soutenir l’économie fortement dégradée par la pandémie. Le gouvernement espère ainsi atténuer les effets de la récession et restaurer la confiance des acteurs privés, des ménages et des entreprises.

Ce plan se compose de 3 axes :

  • Transition écologique (30 milliards d’euros) : les fonds sont consacrés à la rénovation énergétique des bâtiments, à la décarbonation de l’industrie et à la transition agroécologique. Il s’agit d’une relance dite « verte » ;
  • Compétitivité et innovation (34 milliards d’euros) : l’objectif est de baisser les impôts de production pour améliorer la compétitivité des entreprises et de financer les nouvelles technologies et les projets de recherche pour soutenir l’innovation et la création d’emplois nouveaux ;
  • Cohésion sociale (36 milliards d’euros) : les mesures concernent principalement la sauvegarde de l’emploi, l’investissement dans le domaine de la santé et l’emploi des jeunes.

Tous ces dispositifs d’aide à l’économie ont creusé la dette publique qui s’affiche à 115,7 % du PIB en 2020 (contre 97,6% en 2019), son niveau le plus élevé depuis 1949. Le fameux « quoi qu’il en coûte » a donc pesé sur les comptes de l’État.

Pour le moment, les économistes sont unanimes : la dette reste encore soutenable car son coût est actuellement très faible. En effet, les intérêts de la dette représentaient 2,6 % du PIB en 2011 contre 0,8 % en 2020 grâce au niveau historiquement bas des taux : la charge d’intérêt de la dette COVID est donc au final très faible. Des propositions d’annulation de cette dette ont été évoquées. Cela nous semble peu réaliste, car la confiance des prêteurs envers la capacité de la France à rembourser baisserait, et cela augmenterait mécaniquement la prime de risque et donc les taux des futurs emprunts. Rappelons que la France emprunte pour ses dépenses de fonctionnement.

Les marchés financiers épargnés par la crise ?

L’année 2020 s’est montrée très volatile : le confinement de mars a mis à l’arrêt une bonne partie de l’activité économique et renforcé l’incertitude quant aux conséquences de la crise sanitaire. Les indices boursiers ont donc fortement chuté. Le CAC 40 a ainsi perdu 38 % en seulement 1 mois, du 18 février 2020 au 18 mars 2020, sachant que le 18 mars a été le point le plus bas de l’année. Le S&P 500 a perdu 33 % et le Nasdaq 29 % sur cette même période.

Les indices ont ensuite rebondi grâce aux politiques accommodantes des banques centrales qui ont permis de financer les « nouvelles dettes liées au COVID », avec le rachat massif de dette publique. La BCE détient ainsi 20 % de la dette publique française. À cela s’ajoute un taux de refinancement de la BCE laissé à 0 % : tout est fait pour que l’activité économique continue et ne soit pas complètement stoppée par les effets de la crise sanitaire.

Les grands gagnants de l’année 2020 sont les valeurs technologiques comme les GAFA : le Nasdaq a terminé en hausse de 43 % en enchaînant les records historiques. Ce phénomène s’explique par la hausse des commandes en lignes, de l’équipement informatique avec l’essor du télétravail, du streaming, du nombre de produits Apple utilisés, des services fournis aux entreprises avec le Cloud, etc. Le S&P finit plus modestement avec une hausse de 15 %.

L’Europe est à la traîne : l’indice Euro Stoxx 50 a chuté de 4 %. Quant au CAC 40, il a baissé de 6 % car la prépondérance des valeurs technologiques y est plus faible. L’année 2020 a tout de même clôturé à 5551 points. On note pour autant un retour en grâce du marché action français sur le premier semestre de 2021 avec une progression record de 17,23% hors dividendes.

Les banques : une situation paradoxale

La forte baisse des indices en mars 2020 a donné des idées aux Français. En effet, on dénombre pas moins de 150 000 nouveaux investisseurs en bourse sur cette période avec un profil différent des « habitués » : ils sont plus jeunes et investissent des sommes plus modestes.

À la fin du 3ème trimestre, plus de 5 millions de PEA avaient été ouverts : il s’agit d’une appétence sans précédent de la part des particuliers pour les actions. Par exemple, chez Boursorama, 150 000 comptes titres et PEA ont été ouverts : c’est 4 fois plus qu’en 2019. Idem chez ING : le nombre de comptes-titres et PEA a connu une hausse de 60 %.

En outre, le confinement a apporté une augmentation de la collecte sur les comptes courants, les livrets réglementés et l’assurance-vie. Le niveau d’épargne/liquidités est estimé à près de 130 milliards d’euros en 2020. La grande question est la suivante : cette épargne gigantesque sera-t-elle réinjectée dans le circuit économique réel pour dynamiser la reprise ?

Le gouvernement qui souhaite inciter les Français à recourir à cette épargne propose des solutions comme la création du fonds « BPI France Entreprises1 » , qui permet d’investir dans les entreprises françaises, ou encore la possibilité jusqu’au 30 juin 2021 pour un parent ou grand-parent de donner jusqu’à 100 000 euros à ses enfants ou petits-enfants sans payer d’impôt si cette donation répond à un projet précis : construction d’une maison, travaux de rénovation ou création d’entreprise.

Il faut aussi noter que cette épargne forcée coûte aux banques : le taux de facilité des dépôts de la BCE pour les réserves excédentaires reste en effet négatif à -0,5 %, et l’environnement actuel de taux bas rogne leur marge d’intermédiation.

Ainsi, certaines banques (principalement hors France) ont commencé à taxer les dépôts de leurs clients. C’est une mesure encore loin d’être généralisée qui concerne uniquement les dépôts conséquents ou une clientèle aisée affiliée aux banques privées. Le levier d’action se situe beaucoup plus sur l’augmentation des frais bancaires et concerne principalement la tenue de compte et les virements occasionnels en agence. Cette stratégie permet également de propulser le « self-care » pour facturer tous les services annexes.

L’assurance-vie à la recherche d’un nouveau souffle

Les assureurs ont été à la peine en 2020 : l’assurance-vie a connu une décollecte de 6,5 milliards d’euros. Plusieurs facteurs d’explications sont possibles : en temps de crise, on privilégie l’épargne disponible rapidement sur les livrets réglementés. La forte baisse des marchés en mars et l’incertitude quant aux conséquences de ce nouveau virus a pu générer une crainte chez les épargnants, et, surtout, la baisse des rendements des fonds euros – le support d’investissement favori des Français – a suscité moins d’intérêt et n’offre pas de perspective intéressantes.

Le maintien de la politique de taux bas par la BCE, nécessaire dans ce contexte de crise sanitaire pour soutenir et favoriser la relance de l’économie, ne bénéficie pas aux performances des fonds en euros. Les émissions obligataires européennes se font à des taux très faibles (voire négatifs) et le stock d’obligations anciennes à taux attractifs diminue d’année en année, ce qui explique la baisse des taux des fonds en euros. En 2020, le rendement moyen réel net autour de 1,13 % contre 1,46 % en 2019, soit une baisse d’environ 33 points de base.

D’ailleurs, les assureurs incitent de plus en plus leurs clients à investir sur des unités de comptes (UC) en boostant le taux des fonds en euros si une certaine proportion est investie en UC, ou en affichant des limites de montant d’investissement sur ces fonds. Ainsi, en 2020, la part des versements sur les UC s’est développée de manière significative : collecte brute est passée de 28% en 2019 à 34% en 2020, soit 18,3 milliards d’euros.

2020 a contraint à une réaction forte des politiques de la BCE et du gouvernement pour limiter l’ampleur de cette crise sanitaire sur le front économique. Un fort rebond est attendu en 2021 : la Banque de France estime en effet que la croissance sera de 5,75 %, une des plus fortes d’Europe. L’épargne accumulée par les Français en deux ans atteindrait 200 milliards d’euros, soit 2 fois le plan de relance, « une réserve de croissance significative » selon le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau.