Category Archives: Assurance

Chapter Lead

Le Chapter Lead, un rôle agile à tester ?

Gabrielle Jullian-Legros
Consultante
Yvan Makembe
Consultant

Les cadres agiles sont un mode de gestion de produit qui repose sur un constat simple : il est contre-productif de définir et de planifier la totalité des fonctionnalités du produit, dans les moindres détails, avant de le développer. En effet, il est rare que tout se passe exactement comme prévu. Souvent, des aléas surviennent et obligent les parties prenantes à revoir la planification. De plus, les besoins évoluent parfois très vite et les fonctionnalités spécifiées plusieurs mois plus tôt peuvent devenir obsolètes. Enfin, les retours des utilisateurs vont permettre d’aiguiller le produit, et pas toujours dans la direction que l’on imaginait au départ.

L’agile se veut donc itératif, incrémental et adaptatif. Le développement du produit a lieu par “sprints” successifs amenant chacun de nouvelles évolutions. Ainsi, le produit peut être testé et amélioré en continu. Les premiers retours et les adaptations qui en découlent sont très rapides, contrairement au cycle en V.

Le grand parapluie agile abrite plusieurs modèles, tels que Scrum ou Kanban. Les rôles les plus connus sont le Product Owner, le Scrum Master et les membres de l’équipe. La famille agile s’est agrandie, notamment pour répondre à des problématiques de mise à l’échelle. C’est dans ce contexte que sont apparus d’autres cadres comme SAFe, Nexus, LeSS… L’entreprise Spotify a fait parler d’elle en expérimentant sa propre organisation d’agilité à l’échelle, au sein de laquelle elle a testé ses propres concepts et rôles, dont celui de Chapter Lead.

Spotify – Ceci n’est pas un modèle

Spotify est une entreprise de la tech suédoise qui domine le domaine du streaming musical dans le monde. En 2012, elle publie l’article « Scaling Agile @ Spotify », un arrêt sur image de son expérimentation agile à l’échelle. Aussitôt, le document est érigé au rang de modèle par ceux qui croient y déceler la recette magique du succès. Nombreux sont ceux qui l’ont implémenté sans le questionner, et nombreux sont ceux qui l’ont regretté puis âprement critiqué.

Pourtant l’avertissement en 1ère page était on ne peut plus clair :

Disclaimer: Spotify is (like any good agile company) evolving fast. This article is only a snapshot of our current way of working – a journey in progress, not a journey completed. By the time you read this, things have already changed.

Avertissement : Spotify (comme toute bonne entreprise agile) évolue rapidement. Cet article n’est qu’un instantané de notre manière actuelle de travailler – un cheminement en cours, pas un cheminement achevé. Lorsque vous lirez ceci, les choses auront déjà changé.

Qu’importe. Certains essaient toujours de l’implémenter tel quel. Et chez Spotify, on s’en désole :

The co-author of the Spotify model and multiple agile coaches who worked at Spotify have been telling people to not copy it for years. Unfortunately, truth doesn’t spread as quickly or as widely as an idea people want to believe in.

“Even at the time we wrote it, we weren’t doing it. It was part ambition, part approximation. People have really struggled to copy something that didn’t really exist.”

—Joakim Sundén, agile coach at Spotify 2011–2017

“It worries me when people look at what we do and think it’s a framework they can just copy and implement. […] We are really trying hard now to emphasize we have problems as well. It’s not all ‘shiny and everything works well and all our squads are super amazing’.”

—Anders Ivarsson, co-author of the Spotify whitepaper

https://www.jeremiahlee.com/posts/failed-squad-goals/

Le co-auteur du modèle Spotify et de multiples coachs agiles qui travaillaient chez Spotify ne cessent dire aux gens de ne pas le copier, depuis des années. Malheureusement, la vérité ne se répand pas aussi rapidement et aussi largement qu’une idée en laquelle les gens veulent croire.

“Même à l’époque où nous l’avons écrit, nous n’étions pas en train de le faire. C’était en partie de l’ambition et en partie de l’approximation. Les gens ont vraiment eu du mal à copier une chose qui n’existait pas réellement.”

—Joakim Sundén, coach agile chez Spotify 2011–2017

“Cela m’inquiète quand les gens regardent ce que nous faisons et pensent que c’est un cadre de travail qu’ils peuvent juste copier et implémenter. […] Maintenant, nous nous efforçons vraiment de souligner que nous avons des problèmes aussi. Tout n’est pas ‘tout beau et tout fonctionne bien et toutes nos squads sont incroyables’.”

—Anders Ivarsson, co-auteur du livre blanc the Spotify

https://www.jeremiahlee.com/posts/failed-squad-goals/

Alors, sans tomber dans l’écueil de croire en l’existence d’un modèle Spotify miraculeux et immuable, peut-on s’en inspirer ?

Bien sûr. En gardant à l’esprit le principe agile d’adaptation, toute expérimentation est possible. Si l’expérimentation n’est pas concluante, on en tirera les leçons pour trouver des manières de travailler plus adaptées à chaque contexte.

Voici les différents regroupements de collaborateurs introduits par Spotify.

  • Les “squads”

Les squads sont de petites équipes interfonctionnelles de 6 à 12 personnes qui sont responsables d’un produit ou d’une fonctionnalité spécifique. Chaque équipe est habilitée à prendre des décisions sur la façon dont elle travaille et sur ce qu’elle livre.

  • Les “chapters”

Les chapters sont des groupes de personnes travaillant au sein de la même discipline ou spécialité, comme des développeurs ou des recetteurs. Les chapters permettent de partager les connaissances et de collaborer avec d’autres personnes ayant des compétences similaires. Les membres d’un chapitre ont un supérieur hiérarchique appelé “Chapter Lead”, qui est responsable du développement de l’équipe et des événements qui se déroulent au sein du chapter.

  • Les “tribes”

Les tribes sont des ensembles de squads qui travaillent sur des produits ou des fonctionnalités connexes. Les tribes sont généralement composées de 100 à 150 personnes et sont dirigées par un “Tribe Lead” qui est chargé de coordonner le travail des squads au sein de la tribe.

  • Les guildes

Les guildes sont des communautés informelles qui traversent les tribes et les chapters. Les guildes permettent aux personnes de partager leurs connaissances et leurs meilleures pratiques de façon transverse, au sein de l’organisation.

De l’intérêt du Chapter Lead

Nous venons de le voir, le Chapter Lead est le coordinateur d’un chapter, soit une communauté d’experts de la même spécialité. Le principe de communautés d’experts n’est pas propre à Spotify. Mais ce qui est notable dans la description du Chapter Lead, c’est la notion de supérieur hiérarchique. Les modèles agiles donnent généralement peu d’indication sur l’organisation managériale. On sait que les rôles de Product Owner et de Scrum Master ne possèdent aucun pouvoir hiérarchique sur l’équipe. Et on sait par ailleurs qu’il existe des managers dans les entreprises. Le résultat peut donc aboutir à des aberrations du type :

Le Product Owner est en outre le supérieur hiérarchique des business analysts et le Scrum Master celui des développeurs. Parfois ils s’expriment dans le cadre de leur rôle, parfois dans le cadre de leur fonction. Mais ne vous inquiétez pas, tout le monde fait bien la part des choses…

On sombre dans une hybridation intenable. Par exemple, si je suis membre de l’équipe, et que mon Product Owner/manager me communique une vision du produit incohérente, dans quelle mesure puis-je m’y opposer ? Est-ce qu’il me parle en tant que Product Owner ou en tant que manager ? Est-ce que je risque ma carrière ?

Et si je suis Product Owner/manager, comment savoir si l’équipe challenge réellement les éléments que je lui apporte ? Est-ce que tout le monde est sciemment en train de me laisser faire route par peur de répercussions ?

Autrement dit, si on vient simplement plaquer des rôles sur une organisation hiérarchique pré-existante, on court le risque de passer totalement à côté des principes d’autonomie, d’auto-organisation et de prise de décision décentralisée.

Dans une transformation agile, les liens hiérarchiques doivent être repensés. L’intérêt du Chapter Lead est qu’il est un manager déporté. Il n’intervient pas dans la vie quotidienne de l’équipe. Elle peut donc prendre de façon autonome les décisions qu’elle juge les meilleures pour le client et le produit, sans pression ni interférence. Pour comprendre l’avantage d’un tel fonctionnement, il faut naturellement être convaincu que les meilleures décisions opérationnelles sont prises par ceux qui savent, et que ceux qui savent le mieux sont ceux qui font.

Déchargé du micro-management quotidien, le manager déporté peut se focaliser sur les tâches à valeur ajoutée : apporter son soutien, son assistance, accompagner le salarié dans son évolution professionnelle, le faire grandir. Autrement dit, on s’affranchit du manager de proximité qui dit “quoi faire” pour adopter celui qui aide sur le “comment faire”.

L’esprit du rôle de Chapter Lead est de soutenir le travail des experts de sa communauté, tant au niveau collectif qu’individuel. Au niveau individuel, il favorise l’acquisition des compétences. Au niveau collectif, il contribue à éliminer les obstacles en lien avec les autres chapter leads et les scrum masters. Il s’assure que tous les moyens sont mis à disposition pour favoriser l’efficacité et la productivité, au service de l’objectif commun de la tribu à laquelle il appartient lui aussi.

Pas besoin d’être Einstein

Cette proposition de donner la responsabilité hiérarchique au coordinateur d’une communauté d’experts est une des idées qu’il est possible d’expérimenter, en s’inspirant du livre blanc Spotify. Certains l’ont déjà fait avec succès. En tout cas, une chose est sûre : les hybridations du type Product Owner/manager ou Scrum Master/manager sont une approche catastrophique. Ce non-sens est même une des raisons principales de l’échec agile de nombreuses entreprises.

Albert Einstein n’a jamais dit : « La folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent ». Cette phrase est en réalité l’œuvre de Rita Mae Brown, écrivaine américaine de romans policiers, ce qui ne change en rien sa profondeur et sa pertinence.

Alors armons-nous des valeurs agiles de courage et d’ouverture : osons, tentons, testons.

Agents are using pens pointing to contracts and are being explai

La réforme du courtage entre opportunités et défis

Emanuela Popa
Consultante
Kévin Martins
Consultant

Le 8 avril 2021, la loi relative à la réforme du courtage de l’assurance et du courtage en opérations de banque et en services de paiement a été adoptée. Elle poursuit deux objectifs : structurer l’écosystème du courtage français en accompagnant les courtiers pour qu’ils se mettent en conformité au regard d’une réglementation de plus en plus exigeante et renforcer la protection des consommateurs.

Ainsi, tous les courtiers de l’assurance (IAS ou “Intermédiaires en Assurance”), les courtiers en opérations de banque et services de paiement (IOBSP ou “Intermédiaire en Opérations de Banque et en Services de Paiement”) et leurs mandataires ont l’obligation d’adhérer à une association professionnelle agréée par l’ACPR (Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution) avant de pouvoir s’inscrire ou de renouveler leur immatriculation à l’ORIAS (Organisme pour le Registre unique des Intermédiaires en Assurance, banque et finance) pour exercer leur activité. Ces associations seront chargées de missions de vérification et d’accompagnement. Elles permettront à l’ACPR de renforcer l’encadrement de l’activité de courtage grâce à une collecte de données plus importantes et plus précises.

En outre, l’autre grand axe de cette réforme est la mise en place de nouvelles règles en matière de démarchage téléphonique afin de mieux protéger le grand public.

La mise en place de cette réglementation s’est faite en deux temps :

  • Depuis le 1er avril 2022 pour les nouveaux entrants (c’est-à-dire tous les nouveaux intermédiaires qui déposent leur première demande d’immatriculation auprès de l’ORIAS)
  • A partir du 1er janvier 2023 et jusqu’au 28 février 2023 pour tous les IOBSP et IAS déjà immatriculés à l’ORIAS

Dans quel contexte s’inscrit cette réforme ?

Les courtiers n’appliquent pas toujours les nouvelles règlementations telles que le RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données) ou encore la DDA (Directive sur la Distribution en Assurance). Cette refonte approfondie des règles en matière de distribution de produit d’assurance a été lancée suite au constat du Ministère de l’Économie et des Finances sur les nouvelles obligations de formation issues qui n’ont pas été totalement respectées en 2019 et en 2020.

Par ailleurs, des dysfonctionnements ont été mis en évidence par un nombre important d’appels à visée commerciale qui n’ont pas été sollicités (notamment à propos de contrats de complémentaire santé) alors même que les règles du démarchage téléphonique ont été durcies.

De plus, une large consultation des professionnels du courtage a permis d’élaborer les textes sur lesquels s’appuie cette proposition de loi.

 Qui est concerné ?

On estime à un peu plus de 60 000 le nombre d’intermédiaires qui auront l’obligation d’adhérer à une association professionnelle, dont :

  • 24 000 courtiers en assurance
  • 30 000 intermédiaires en opérations de banque et services de paiement
  • 7 700 intermédiaires en Libre Prestation de Service (“LPS”) ou en Libre Établissement (“LE”) sur le sol français.

 Si un courtier exerce une double activité (à la fois IAS et IOBSP), il doit adhérer à une association professionnelle pour chacune d’elle. Certaines catégories d’intermédiaires immatriculés à l’ORIAS sont exclues de la réforme :

  • Les établissements de crédit et sociétés de financement
  • Les sociétés de gestion de portefeuille
  • Les entreprises d’investissement
  • Les agents généraux d’assurance
  • Les mandataires d’intermédiaire des personnes citées ci-dessus.

 Pour quels objectifs ?

Pour bénéficier d’un agrément par l’ACPR, les associations professionnelles qui le souhaitent doivent fournir un dossier de candidature qui répond aux conditions encadrées par les articles L. 513-3 du code des assurances et L. 519-11 du Code Monétaire et Financier.

L’agrément accordé par l’ACPR les investira d’une mission de délégation de service public consistant à :

  1. Proposer les services d’un médiateur à l’ensemble de leurs adhérents
  2. Labelliser des dispositifs de formation, pour répondre aux obligations en matière de formation continue (15 heures / an pour les IAS et 7 heures / an pour les IOBSP) et accompagner la montée en compétence des courtiers
  3. Vérifier les conditions d’accès à la profession des dirigeants et des salariés et le respect des exigences professionnelles, au moins tous les 5 ans
  4. Proposer un accompagnement dans l’activité du courtage en assurance et IOBSP, notamment par la collecte de données statistiques
  5. Accompagner la mise en œuvre sur le terrain des règles en matière de protection du consommateur (meilleur encadrement du démarchage téléphonique en matière de distribution des produits d’assurance, avec obligation de conserver les enregistrements des appels de vente durant deux années)
  6. Édicter des recommandations à l’égard de leurs membres dans les principaux domaines pour lesquels la directive (UE) 2016/97 interdit de leur confier des pouvoirs de contrôle
  7. Assurer le secret professionnel dans le cadre de ses missions
  8. Fournir un rapport annuel agrégé de ses activités et des activités de ses membres.

Le cinquième point de la réforme du courtage stipule que tout intermédiaire en assurances qui contacte un prospect par téléphone doit respecter les règles suivantes :

  • L’enregistrement de l’appel
  • Le recueil de l’accord préalable du prospect à la poursuite de la communication (à défaut d’accord, l’intermédiaire doit mettre fin à l’appel)
  • Si l’offre proposée par l’intermédiaire concerne un risque déjà couvert, il doit s’assurer que le souscripteur potentiel peut résilier son contrat en cours avant ou concomitamment à la prise d’effet du contrat proposé ; avant la conclusion du contrat, l’intermédiaire doit s’assurer de la bonne réception des documents et informations précontractuelles par le souscripteur
  • Enfin, la signature du contrat ne peut être que manuscrite ou électronique : elle ne peut pas intervenir lors d’un appel téléphonique.

En outre, les associations seront encadrées par des règles qui garantiront leur indépendance et leur impartialité. Elles devront atteindre un seuil de représentativité fixée à au moins 10 % du nombre total de professionnels tenus à l’obligation d’adhésion dans un délai de deux ans. A défaut, l’association perdra son agrément. Elles disposeront également d’un pouvoir disciplinaire, pourront adresser un avertissement ou un blâme, mais aussi demander la radiation d’un intermédiaire de l’association professionnelle ou refuser son adhésion. Afin de parer à tout conflit d’intérêts, la décision de radiation ou de refus d’adhésion sera rendue par une commission spécialement constituée. Elle devra être motivée et notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception à l’adhérent ainsi qu’à l’ORIAS et l’ACPR.

 Au 22 mars 2022, une association professionnelle pour IAS et 6 associations professionnelles pour IOBSP et IAS ont obtenu leur agrément de la part de l’ACPR :

  • Votrasso (IAS)
  • CNCEF Assurance et Crédit (IAS et IOBSP)
  • La Compagnie (IAS et IOBSP)
  • ANACOFI Courtage (IAS et IOBSP)
  • ENDYA (IAS et IOBSP)
  • L’Association Française des Intermédiaires en Bancassurance (IAS et IOBSP)
  • La Chambre Nationale des Conseils en Gestion de Patrimoine (IAS et IOBSP).

  Cette réforme est une véritable opportunité pour les plus petites structures (courtiers de proximité, entrepreneurs individuels et très petites entreprises) qui n’ont pas les armes pour faire face aux nombreux changements règlementaires et à l’évolution du métier de courtier qui est de plus en plus technique.

 Pour l’accompagnement et la montée en compétence des courtiers, les évolutions s’appuient sur plusieurs axes clés : collecte des données et vérifications, renforcement des règles sur le démarchage téléphonique, formation continue. Cet ensemble doit permettre d’atteindre l’objectif final annoncé : la protection du consommateur.

  Bien entendu, il sera nécessaire d’attendre quelques années afin de pouvoir faire un bilan de cette réforme et de vérifier l’impact de ces nouvelles règles sur l’activité. Le niveau d’implication des professionnels du secteur dépend en grande partie de leur enregistrement et de leur contribution dans les associations de professionnels qui vont permettre une forme d’autorégulation. D’ailleurs, au 28 février 2023 (date initiale de clôture des inscriptions au registre unique), l’Orias a constaté un retard global des renouvellements assez significatif : 75 % des inscriptions étaient renouvelées en 2023 contre 95 % lors de la clôture en 2022. Enfin, il convient de surveiller les risques de délégation de l’ACPR aux associations : en effet, la dynamique de relation entre ces dernières et le régulateur doit permettre à chacun de rester dans son rôle.

 Sources :

https://acpr.banque-france.fr/autoriser/associations-de-courtiers

https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/2021/12/21/la-reforme-du-courtage

https://cibfinance.pro/2019/04/reforme-du-courtage-association-professionnelle

https://www.senat.fr/les_actus_en_detail/article/courtage-de-lassurance.html

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Loi Eckert : huit ans après, quel bilan ?

Adrien Henry
Ingénieur conseil

Eckert : Les origines

La loi n° 2014-617 du 13 juin 2014 relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d’assurance-vie en déshérence, dite « loi Eckert », est entrée en vigueur le 1er juin 2016. Elle a été baptisée d’après son rapporteur Christian Eckert, Secrétaire d’Etat chargé du Budget sous le gouvernement Hollande. Elle reposait alors sur deux objectifs principaux : liquider le stock de comptes bancaires et de contrats d’assurance-vie non réclamés afin de récupérer les sommes correspondantes et traiter le flux de nouveaux contrats inactifs arrivant à échéance au fil de l’eau.

Concrètement, la loi se concentrait sur deux axes :

  • La détection de l’inactivité d’un compte ou d’un contrat par l’absence de fonctionnement du compte et l’absence de manifestation de son titulaire ou de son représentant ;
  • Le renforcement des obligations de connaissance client pour les établissements détenteurs de comptes ou contrats inactifs : information au titulaire par courrier, clôture en cas de décès avéré, conservation et publication des données à l’État, transfert des sommes non réclamées à la Caisse des Dépôts et Consignations.

Cette loi visait avant tout à faire porter aux établissements financiers la responsabilité de la recherche et de l’information des ayants droit, protégeant ainsi les titulaires et bénéficiaires des comptes inactifs et des contrats en déshérence.

Si, pour les comptes bancaires, la notion de compte inactif est définie dans la loi Eckert comme un compte sur lequel aucune opération autre que celles à l’initiative de la banque n’est intervenue pendant 12 mois consécutifs (60 mois pour les livrets d’épargne et autres comptes à terme et comptes-titres) et dont le titulaire ne s’est pas manifesté auprès de celle-ci, le cadre juridique concernant les contrats d’assurance-vie en déshérence est plus flou. Toutefois, les acteurs du marché s’accordent sur une définition commune regroupant sous ce terme les contrats dont le bénéfice au dénouement n’a pas été versé aux bénéficiaires, même partiellement, que ce soit en cas de vie ou en cas de décès.

Un renforcement des systèmes d’information

Avant même la loi Eckert, la loi n° 2005-1564 du 15 décembre 2005 dite « AGIRA 1 » avait donné mandat à l’Association pour la Gestion des Informations sur le Risque en Assurance (AGIRA) de centraliser les demandes émanant de toute personne d’être informée de l’existence de contrats d’assurance-vie souscrits par une personne décédée dont elle serait bénéficiaire et de les transmettre à l’ensemble des assureurs, institutions de prévoyance et mutuelles.

Cette loi a été renforcée par la loi n° 2007-1775 du 17 décembre 2007 dite « AGIRA 2 » qui donne accès aux professionnels du secteur à la base de données relative au décès des personnes inscrites au Répertoire National d’Identification des Personnes Physiques (RNIPP). Si elle visait à permettre aux personnes autorisées d’accéder à des informations jusque-là confidentielles, elle ne fournissait pas de marche à suivre concernant les fonds déjà transférés à la Caisse des Dépôts et Consignations.

Par la loi Eckert, l’État a remédié à ce problème en créant CICLADE, un service en ligne à destination des particuliers permettant de rechercher les sommes en déshérence reversées à la Caisse des Dépôts et Consignations pendant les 20 ans précédant l’acquisition définitive de ces sommes par l’État, et étendu à l’ensemble des établissements financiers détenteurs de comptes et contrats les obligations réglementaires auparavant limitées aux seuls assureurs.

L’efficacité du dispositif prouvée par les chiffres…

Entre juillet 2016 et décembre 2020, ce sont 9,9 millions de comptes bancaires, contrats d’assurance-vie et plans d’épargne salariale pour un total de 6,5 milliards d’euros qui ont été transférés à la Caisse des Dépôts et Consignations. La plus grande partie (66 % des produits et 57 % du montant) provenait du stock de 2016 (1).

Il est à noter que les comptes bancaires inactifs représentent une très large partie des produits transférés, notamment en nombre (5,5 millions de comptes en 2016, soit 85 %) et dans une moindre mesure en montant (1,9 milliard d’euros en 2016, soit 51 %). Cela s’explique car, avant même les lois AGIRA 1 et 2, les assureurs étaient tenus de rechercher les bénéficiaires en cas de décès. Le cadre législatif du dispositif a durci ces obligations pour inciter les établissements à rechercher les ayants droit plus activement qu’ils ne le faisaient auparavant, notamment grâce à la surveillance de l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) et à ses sanctions potentielles.

… mais un champ d’application à étendre et à renforcer

Si la mise en place de la loi Eckert et des outils associés a permis de réduire drastiquement le nombre de comptes et contrats en déshérence, il laissait de côté le périmètre des contrats d’épargne retraite. L’ACPR notait ainsi en 2018 que ces contrats représenteraient près de 13 milliards d’euros en avoirs non liquidés à l’âge légal de départ à la retraite (actuellement 62 ans), un chiffre confirmé par la Cour des Comptes en 2019.

C’est ainsi que la loi n° 2021-219 du 26 février 2021 relative à la déshérence des contrats de retraite supplémentaire, c’est-à-dire l’ensemble des produits antérieurs au Plan d’Épargne Retraite (Article 83, Madelin, PERP, …) ainsi que le PER lui-même, entrée en vigueur le 1er juillet 2022, complète le dispositif Eckert par l’obligation faite aux gestionnaires de produits d’épargne retraite de communiquer chaque année au Groupement d’Intérêt Public (GIP) Union Retraite les données utiles à l’identification des bénéficiaires et le renforcement du devoir d’information de l’employeur auprès de ses employés.

Des obligations croissantes renforcées par des sanctions proportionnelles ?

En tant qu’organe régulateur de l’État des secteurs de l’Assurance et de la Banque, l’ACPR semble avoir fait preuve d’une certaine clémence dans les premières années ayant suivi l’entrée en application de la loi Eckert. Pour autant, depuis 2019, elle a prononcé des sanctions de plus en plus nombreuses, en particulier à l’encontre des assureurs, ces derniers étaient théoriquement mieux préparés, en raison des lois AGIRA, à remplir leurs obligations de recherche et d’information, accompagnées d’amendes de montants non négligeables. Sur le seul deuxième trimestre 2022, trois décisions ont ainsi été rendues à l’encontre d’acteurs importants du marché de l’assurance pour un montant cumulé de sanctions pécuniaires s’élevant à 12 millions d’euros.

En termes de chiffres et de systèmes d’information, la loi Eckert a donc fait la preuve de son efficacité. Entre un champ d’application qui s’élargit d’année en année et des sanctions qui tendent à se durcir, les contraintes réglementaires autant que les évolutions technologiques sont plus que jamais au cœur des préoccupations des institutions financières. Cependant, la compréhension de ces enjeux par le grand public, la connaissance approfondie des différents dispositifs d’épargne et d’investissement ainsi que la responsabilité de chacun vis-à-vis de la gestion de ses comptes révèlent une certaine insuffisance – typiquement française ? – due à une éducation financière hétérogène au sein de la population.

(1) Source : Caisse des Dépôts et Consignations

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Les nouvelles formes de mobilité à l’épreuve de l’assurance

Géraud Oules
Ingénieur conseil

Le changement climatique est omniprésent depuis plusieurs années et particulièrement depuis cet été. Dès la tenue de la COP21 fin 2015, la plupart des politiques écologiques se sont orientées vers la mobilité durable, aussi appelée écomobilité. Ce concept recouvre toutes les pratiques consistant à réduire efficacement les sources d’émission de gaz à effet de serre. En outre, avec la pandémie de Covid-19, les usagers des transports publics ont eu tendance à privilégier les modes de déplacement alternatifs comme le vélo, la trottinette électrique ou le gyropode pour limiter les risques de contamination.

Naturellement, ces nouvelles mobilités sont encore peu régulées et suscitent autant d’enthousiasme que d’inquiétude. Entre opportunités et menaces, les sociétés d’assurance proposent de nouvelles formules adaptées à ces évolutions.

Les EDPM (Engins de Déplacement Personnel Motorisés), nouveaux venus du paysage urbain

Avec la mise en service des Vélib’ à assistance électrique en 2017 et des premières trottinettes électriques en libre-service en 2018, Paris et les grandes villes françaises ont fait le choix de la mobilité verte pour inciter les réfractaires aux transports publics à privilégier les engins électriques à la voiture et les habituels usagers du métro à désengorger les lignes en restant en surface. Ces offres parfois décriées ont eu le mérite de démocratiser l’usage des vélos et autres engins électriques en ville, au point de s’imposer comme un mode de déplacement privilégié pour le retour au bureau lors du premier déconfinement.

Ainsi, 2,7 millions de vélos, dont un tiers de vélos électriques, se sont vendus en France en 2020, soit une hausse du chiffre d’affaires de 25 % dans le secteur par rapport à l’année précédente (1). De la même manière, ce que l’on regroupe désormais sous l’appellation EDPM (Engins de Déplacement Personnel Motorisés) a connu une forte augmentation des ventes en 2020 avec 1,6 millions d’engins vendus pour une hausse de chiffre d’affaires de 7 % (2), portée en particulier par le marché des trottinettes électriques dont il s’est vendu plus d’exemplaires en 2020 que de vélos à assistance électrique, et ce pour la deuxième année consécutive.

En “trotti”, tout est permis ?

Depuis de nombreuses années, certains cyclistes semblent estimer qu’ils ne sont pas complètement soumis au code de la route. Ce mythe persistant s’est naturellement propagé aux conducteurs d’EDPM, à moins que le fait qu’aucun permis de conduire spécifique ne soit exigé ne les incite à être moins respectueux vis-à-vis des règles en vigueur. Pour autant, les contraventions, elles, restent bien réelles et applicables à tous les types de véhicule.

Outre les obligations évidentes comme le respect des feux tricolores, le sens de circulation et l’usage obligatoire de la route – sauf en cas de piste cyclable balisée sur le trottoir -, des compléments ont été apportés par le décret du 23 octobre 2019 pour les EDPM. Contrairement aux vélos, les usagers d’EDPM doivent notamment porter des vêtements ou équipements réfléchissants en cas de visibilité insuffisante, disposer de feux de position à l’avant et à l’arrière, d’un avertisseur sonore et d’une assurance spécifique.

Mobilité verte, assurance ouverte ?

Les EDPM étant motorisés par définition, ils sont soumis à la même obligation d’assurance de Responsabilité Civile que les autres VTAM (Véhicules Terrestres À Moteur) comme les motos et les voitures. La conduite d’un EDPM sans assurance est donc passible de 3 750 € d’amende et d’autres peines complémentaires comme la suspension ou l’annulation du permis de conduire, l’interdiction de conduire des véhicules terrestres à moteur ou la confiscation du véhicule (art. L324-2 du Code de la Route).

Pour autant, si l’assurance de Responsabilité Civile est la seule obligatoire, celle-ci ne couvre que les dommages corporels et / ou matériels infligés à des tiers, laissant ceux subis par le conducteur à sa propre charge.

Si, aujourd’hui, la plupart des assureurs se sont positionnés sur le marché de l’assurance des EDPM, toutes les garanties ne se valent pas. Dans certains cas, l’assurance de Responsabilité Civile est comprise dans l’Assurance Habitation, mais là aussi la couverture peut inclure les engins de location ou au contraire se limiter aux véhicules dont l’assuré est propriétaire. Les dommages corporels subis par le conducteur font eux l’objet d’une garantie spécifique qui peut inclure ou non les équipements de protection détériorés. Enfin, des garanties contre le vol et la casse ainsi qu’une assistance juridique peuvent bien sûr être intégrées dans l’offre des assureurs.

Le marché de l’assurance des nouvelles formes de mobilité est encore récent mais en développement constant et rapide, aussi bien en termes de technologies que d’usagers. Alors que le Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de Dommages (FGAO) doit faire face à une méconnaissance encore importante de la législation en vigueur de la part des usagers, il y a fort à parier que les assureurs auront un rôle central d’accompagnement et de prévention à jouer dans les prochains mois.

(1) Source : France Inter, 10/04/2021

(2) Source : L’Automobile et l’Entreprise, 07/05/2021

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Le crédit immobilier : des conditions de crédit de plus en plus inaccessibles ?

Alison Gallardo
Consultante

L’année 2021 a été marquée par un marché du crédit immobilier florissant soutenu par des taux toujours extrêmement bas. En effet, selon les chiffres de la Banque de France publiés le 3 novembre 2021, la production a atteint en septembre dernier 22,1 milliards d’euros pour un taux de croissance annuel de l’encours de 6,6 %. Cependant, cette dynamique exceptionnelle pourrait ralentir dans les prochains mois.

En effet, le HCSF (Haut Conseil de Stabilité Financière) a annoncé en juin dernier vouloir contraindre juridiquement les institutions bancaires à suivre ses recommandations concernant l’attribution de crédits immobiliers. Cette annonce a été suivie d’effet puisque que la décision a été publiée au Journal Officiel le 10 octobre 2021.

Un durcissement incontestable des conditions du crédit immobilier

Ainsi, dans le cadre d’un crédit immobilier, le HCSF – chargé d’exercer la surveillance du système financier – impose les règles suivantes à compter du 1er janvier 2022 :

  • Le taux d’effort : les remboursements de prêts ne pourront pas dépasser 35 % des revenus des emprunteurs, assurance décès-invalidité comprise. Ces 35 % sont calculés sur le salaire net avant impôts, comme c’était déjà le cas avant l’entrée en vigueur du prélèvement à la source.
  • La durée : la durée de remboursement des crédits ne pourra pas dépasser vingt-cinq ans. Toutefois, cette durée pourra être portée à 27 ans si le crédit immobilier est lié :
    • à une vente en l’état futur d’achèvement (VEFA) ou à une construction de maison individuelle ;
    • à une acquisition dans l’ancien donnant lieu à un programme de travaux dont le montant représente au moins 25 % du coût total de l’opération et qui a pour objet la création de surfaces habitables nouvelles ou de surfaces annexes, la modernisation, l’assainissement ou l’aménagement des surfaces habitables ou de surfaces annexes, la réalisation de travaux de rénovation énergétique.
  • Investissement : toutes les charges seront prises en compte dans le calcul du taux d’endettement ou taux d’effort des investisseurs en locatif. Auparavant, les banques appliquaient un calcul différentiel plus favorable.

Ce durcissement des conditions d’octroi de crédit va donc sans aucun doute entraîner un accès beaucoup plus compliqué à la propriété pour les jeunes acquéreurs ne disposant pas d’épargne. Ce phénomène, s’il était couplé à une hausse future de l’inflation, impacterait de manière significative la capacité d’endettement de ces foyers en fermant les portes du crédit aux dossiers les plus tangents.

En effet, malgré des taux moyens inférieurs à l’inflation (selon l’Observatoire Crédit Logement / CSA, au troisième trimestre, les emprunteurs ont bénéficié d’un taux moyen de 1,05 % quand l’inflation moyenne sur cette même période était à 2,1 %), cette conjoncture ne sera favorable aux emprunteurs que si elle se poursuit dans le temps et si la courbe des salaires était elle aussi indexée à l’inflation.

Des initiatives juridiques en faveur des emprunteurs

Malgré un contexte d’octroi de crédit épineux pour toute une partie de la population, deux lois ont bouleversé le marché de l’assurance emprunteur es dernières années, avantageant favorablement les consommateurs :

  • La loi Hamon, dite loi « sur la consommation », est en application depuis 2015. Elle permet aux assurés de résilier leur contrat d’assurance au bout d’un an d’adhésion sans être exposé à des pénalités. Celle-ci s’applique également aux contrats à tacite reconduction. Avec cette loi, l’assuré est libre de rompre son contrat pour n’importe quel motif, sans avoir à se justifier auprès de son assureur.
  • L’amendement Bourquin, intégré dans la loi Sapin 2, est quant à lui entré en vigueur le 22 février 2017. Il est officiellement applicable depuis le 1er janvier 2018. Cet amendement permet aux emprunteurs de résilier leur contrat d’assurance de prêt immobilier chaque année à la date anniversaire de leur contrat en respectant un préavis de deux mois. La résiliation doit s’accompagner des conditions du nouveau contrat (certificat d’adhésion, délégation de bénéfice, fiche standardisée d’information) et l’acceptation par la banque est soumise à l’équivalence de garanties entre l’ancien et le nouveau contrat.

À cela vient s’ajouter la Résiliation Infra-Annuelle (RIA), texte qui sera discuté dans l’hémicycle le 25 novembre 2021. Si cette mesure demandée était adoptée, elle offrirait la possibilité de ne plus attendre la date d’échéance annuelle pour résilier son contrat d’assurance de prêt afin d’en souscrire un autre dans le cadre de la délégation d’assurance.

En jouant sur ces différentes options, les emprunteurs peuvent réduire significativement le montant global de leur crédit immobilier. Pour les détenteurs de prêts plus anciens, il est également toujours possible de renégocier le taux si cela n’a pas déjà été fait.

Cependant, il faut prendre garde à l’effet boomerang. Si la mesure de Résiliation Infra-Annuelle était adoptée, les banques pourraient revoir leur taux de crédit à la hausse pour pallier la fuite des ressources financières liées à ces contrats d’assurance qui se déportent vers des établissements plus “low cost”.

En conséquence, les conditions d’octroi du crédit immobilier cachent une situation économique pouvant être très hétérogène selon le profil des clients et l’exercice de leurs options contractuelles. À l’avenir, les modifications de la réglementation ainsi que la variation de l’inflation seront des facteurs clés dans l’évolution des taux et de la production bancaire associée.

En alliant le modèle traditionnel et le modèle digital, il devrait être possible de profiter des points positifs de chacun. Les acteurs 100 % en ligne offrent des tarifs attractifs et un quotidien simplifié. Ils pourraient apporter une expertise de premier niveau sur certains sujets. De leur côté, les banques classiques pourraient proposer une des conseils à haute valeur ajoutée sur des besoins plus spécifiques et réaliser des opérations plus complexes de type patrimonial nécessitant la rencontre entre client et conseiller en agence. L’efficience des acteurs numériques et le sur-mesure augmenté en agence : c’est peut-être ainsi que se dessine le futur paysage bancaire. 

assurance - emprunteur

Extension du domaine de la lutte contre la déshérence des contrats de retraite supplémentaire

– Mora Saka et Anne-Laure Copin
Consultants

Le 27 février 2021, la loi relative à la déshérence des contrats de retraite supplémentaire (loi n°2021-219) visant à renforcer le dispositif déjà existant a été publiée. Cette disposition étend le champ d’application de la loi Eckert du 13 juin 2014 qui portait sur les contrats d’assurance-vie et les comptes bancaires inactifs. Quels en sont les nouveaux objectifs ?

Pourquoi un nouveau texte sur la déshérence ?

L’épargne retraite connaît un véritable engouement dans les pays de l’OCDE. La France ne fait pas figure d’exception puisque le montant collecté a augmenté de 63 % entre 2009 et 2019. En 2020, les encours sur les produits d’épargne retraite représentaient plus de 230 milliards d’euros, avec un attrait indiscutable pour les produits de retraite individuels.

Pourtant, le constat de l’ACPR est sans appel. À fin 2016, l’autorité de tutelle estimait à plus de 13 milliards d’euros l’encours des contrats de retraite supplémentaire (PERP, Madelin, PER individuel, Article 83, Article 39, PERCO, etc.) non liquidés par leurs souscripteurs/assurés à l’âge de départ à la retraite. Ces contrats, souvent sans terme, se retrouvaient de facto hors du périmètre de la loi Eckert visant à lutter contre la déshérence.

Face à cette situation, deux évolutions législatives ont suivi :

  • La loi Sapin II de 2016 qui a assigné à l’assureur l’obligation d’informer annuellement les assurés ayant dépassé l’âge de la retraite de la possibilité de liquider les prestations dues au titre de leur contrat.
  • La loi PACTE de 2019 qui a permis d’inclure les contrats sans terme dans le champ d’application des textes sur la déshérence.

Malgré ces avancées, l’ACPR comme la Cour des comptes ont dénoncé les insuffisances de ces textes, conduisant ainsi à la rédaction d’une proposition de loi sur la base des recommandations adoptées début 2020 par le CCSF (Comité Consultatif du Secteur Financier) afin de renforcer l’information de l’assuré.

Le contenu de la loi n° 2021-219

Dans le nouveau dispositif instauré par la loi n° 2021-219 au travers de l’article L224-7-1 du Code monétaire et financier, le GIP Union Retraite joue un rôle primordial. Il s’agit d’un groupement d’intérêt public réunissant les organismes de retraite obligatoire, de base et complémentaire et qui gère entre autres le site internet d’information « Info Retraite ».

Les gestionnaires de contrats de retraite supplémentaire devront transmettre à l’Union Retraite les informations sur les contrats de retraite supplémentaire en stock au moins une fois par an et par voie électronique. À réception de ces informations, le groupement confirmera au gestionnaire le succès ou l’échec de l’identification de l’assuré.

En cas de succès, le GIP rend l’information visible sur le compte Info Retraite de l’assuré, lequel reçoit une notification. L’assuré pourra alors accéder aux références et à la nature des produits ainsi qu’à la désignation et aux coordonnées du gestionnaire selon les informations que ce dernier aura transmis. Il est à noter que ces données ne figureront pas dans le relevé de situation individuelle détaillant les droits à retraite au titre des régimes de base et complémentaires légaux, afin d’éviter toute confusion avec ces derniers.

Dans le cas où l’identité du titulaire d’un produit d’épargne retraite n’est pas certaine et si plusieurs titulaires potentiels ont pu être identifiés pour ce même produit, le GIP pourra les en informer via leur compte Info Retraite. Le financement des moyens nécessaires au développement, au fonctionnement et à la publicité de ce dispositif est assuré par les gestionnaires. Néanmoins, des questions subsistent encore car certains contours de la nouvelle loi n’ont pas été encore définis.

Les zones d’ombre restant à éclaircir

Le périmètre

Le texte renvoie à un décret pour la définition des produits autres que le PER concernés par ce dispositif. Si le gouvernement a voulu faire preuve de simplification en créant le PER comme outil unique de préparation de la retraite, il n’en reste pas moins que le stock de contrats de retraite supplémentaire comporte de nombreux types de produits, et ce pour encore plusieurs années. La définition du périmètre est donc cruciale, et il est raisonnable de penser qu’elle sera large au vu des enjeux et des gestionnaires visés par la loi, à savoir : les entreprises d’assurance, les mutuelles ou unions, les institutions de prévoyance ou unions, les organismes de retraite professionnelle supplémentaire, les établissements de crédit, les entreprises d’investissement ou les établissements habilités pour les activités de conservation ou d’administration d’instruments financiers.

La date d’entrée en vigueur

La date d’entrée en vigueur de la loi sera elle aussi définie par décret sans toutefois pouvoir excéder 18 mois après la promulgation de la loi.

Les relations entre l’Union Retraite et les gestionnaires

Les relations entre l’Union Retraite et les gestionnaires devront faire l’objet d’une convention spécifique qui encadrera la prise en charge financière du dispositif par les gestionnaires, mais également la nature des informations adressées au groupement ainsi que les modalités d’échanges avec les gestionnaires.

Une loi favorable aux bénéficiaires de contrats de retraite, mais aussi à la transformation digitale des gestionnaires de retraite ?

  • L’absence de connaissance par le souscripteur / assuré de ses droits, notamment pour les contrats de groupe à adhésion obligatoire
  • La perte de lien entre le gestionnaire et le souscripteur / assuré

Toutefois, sa mise en œuvre opérationnelle pourra constituer un véritable défi pour les gestionnaires de ce secteur qui disposent encore d’importants stocks papier. Ceci devrait conduire à d’âpres discussions lors de la négociation de la convention avec l’Union Retraite.

À n’en pas douter, ce texte renforcera l’intérêt, voire le caractère impératif, des projets de digitalisation et de gestion de la qualité de la donnée pour les entités dont le fonctionnement est obsolescent.

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Rétrospective 2020 : quels impacts sur le secteur banque et assurance ?

Kévin Martins
Consultant

Rétrospective 2020 : quels impacts de la pandémie de Covid-19 sur le secteur banque et assurance ?

Crise inédite et planétaire : la pandémie de la Covid-19 apporte son lot de conséquences économiques, sociales et bien évidemment sanitaires. Il est encore difficile de toutes les évaluer ainsi que de se projeter dans un avenir proche. Quels sont les impacts mesurables constatés jusqu’à présent sur le territoire national ?

La bourse en hausse, l’économie en berne

Après plusieurs cas de Covid-19 détectés en France, Emmanuel Macron décide d’un confinement national le 17 mars 2020 pour enrayer la progression du virus : une mesure que l’on peut qualifier d’exceptionnelle en temps de paix. En effet, tous les magasins, entreprises, lieux de sociabilité et de loisirs dits « non essentiels pour la vie de la nation » doivent temporairement fermer. Seuls les magasins d’alimentation et pharmacies restent ouverts.

L’activité économique du pays s’en trouve considérablement affectée, avec une chute du PIB de 8,3 % en 2020 à 2 130 milliards d’euros ; soit une baisse historique jamais enregistrée en deux siècles en-dehors des périodes de guerre.

Pour faire face à ces conséquences économiques, de nombreuses aides ont été mises en place. Citons le PGE (Prêt Garanti par l’Etat) qui permet aux entreprises dont la trésorerie est menacée par la crise de bénéficier de la garantie d’un prêt consenti par la banque pour lequel aucun remboursement n’est exigé la première année. Dans certaines conditions, le report des cotisations sociales, du paiement des loyers, des factures (eau, gaz et électricité) et des impôts desquels les entreprises doivent s’acquitter est également possible.

Une autre mesure très forte de soutien est la prise en charge de l’activité partielle : les salariés au chômage partiel reçoivent une indemnité versée par l’employeur et en contrepartie, l’employeur reçoit une allocation d’activité partielle cofinancée par l’État et l’Unédic. Ce dispositif fait donc coup double : il soutient à la fois les entreprises et les salariés. C’est aussi le plus généreux d’Europe : en 2020, son coût est de 27 milliards d’euros. Au plus haut, en avril 2020, il a permis d’aider 8,8 millions de Français.

La prime exceptionnelle pour les salariés exposés au Covid-19 dans le cadre de leur travail, la possibilité d’abaisser le taux de prélèvement des impôts à la source pour les personnes ayant subi une baisse des revenus tout comme l’aide aux étudiants ayant perdu leur travail ou stage sont autant de mesures d’accompagnement des français.

Ces mesures ont donc pour effet de soutenir à la fois l’offre et la demande, alors même que les Français, souvent privés de possibilités de consommer, ont thésaurisés près de 130 milliards d’euros en 2020.

Quelle relance pour l’après Covid-19 ?

À côté de ces dispositifs de soutien, il faut aussi penser à l’avenir, et cela passe par la reprise économique. En septembre 2020, un plan de relance nommé « France Relance » est créé. Il est doté d’une enveloppe de 100 milliards d’euros et vise à soutenir l’économie fortement dégradée par la pandémie. Le gouvernement espère ainsi atténuer les effets de la récession et restaurer la confiance des acteurs privés, des ménages et des entreprises.

Ce plan se compose de 3 axes :

  • Transition écologique (30 milliards d’euros) : les fonds sont consacrés à la rénovation énergétique des bâtiments, à la décarbonation de l’industrie et à la transition agroécologique. Il s’agit d’une relance dite « verte » ;
  • Compétitivité et innovation (34 milliards d’euros) : l’objectif est de baisser les impôts de production pour améliorer la compétitivité des entreprises et de financer les nouvelles technologies et les projets de recherche pour soutenir l’innovation et la création d’emplois nouveaux ;
  • Cohésion sociale (36 milliards d’euros) : les mesures concernent principalement la sauvegarde de l’emploi, l’investissement dans le domaine de la santé et l’emploi des jeunes.

Tous ces dispositifs d’aide à l’économie ont creusé la dette publique qui s’affiche à 115,7 % du PIB en 2020 (contre 97,6% en 2019), son niveau le plus élevé depuis 1949. Le fameux « quoi qu’il en coûte » a donc pesé sur les comptes de l’État.

Pour le moment, les économistes sont unanimes : la dette reste encore soutenable car son coût est actuellement très faible. En effet, les intérêts de la dette représentaient 2,6 % du PIB en 2011 contre 0,8 % en 2020 grâce au niveau historiquement bas des taux : la charge d’intérêt de la dette COVID est donc au final très faible. Des propositions d’annulation de cette dette ont été évoquées. Cela nous semble peu réaliste, car la confiance des prêteurs envers la capacité de la France à rembourser baisserait, et cela augmenterait mécaniquement la prime de risque et donc les taux des futurs emprunts. Rappelons que la France emprunte pour ses dépenses de fonctionnement.

Les marchés financiers épargnés par la crise ?

L’année 2020 s’est montrée très volatile : le confinement de mars a mis à l’arrêt une bonne partie de l’activité économique et renforcé l’incertitude quant aux conséquences de la crise sanitaire. Les indices boursiers ont donc fortement chuté. Le CAC 40 a ainsi perdu 38 % en seulement 1 mois, du 18 février 2020 au 18 mars 2020, sachant que le 18 mars a été le point le plus bas de l’année. Le S&P 500 a perdu 33 % et le Nasdaq 29 % sur cette même période.

Les indices ont ensuite rebondi grâce aux politiques accommodantes des banques centrales qui ont permis de financer les « nouvelles dettes liées au COVID », avec le rachat massif de dette publique. La BCE détient ainsi 20 % de la dette publique française. À cela s’ajoute un taux de refinancement de la BCE laissé à 0 % : tout est fait pour que l’activité économique continue et ne soit pas complètement stoppée par les effets de la crise sanitaire.

Les grands gagnants de l’année 2020 sont les valeurs technologiques comme les GAFA : le Nasdaq a terminé en hausse de 43 % en enchaînant les records historiques. Ce phénomène s’explique par la hausse des commandes en lignes, de l’équipement informatique avec l’essor du télétravail, du streaming, du nombre de produits Apple utilisés, des services fournis aux entreprises avec le Cloud, etc. Le S&P finit plus modestement avec une hausse de 15 %.

L’Europe est à la traîne : l’indice Euro Stoxx 50 a chuté de 4 %. Quant au CAC 40, il a baissé de 6 % car la prépondérance des valeurs technologiques y est plus faible. L’année 2020 a tout de même clôturé à 5551 points. On note pour autant un retour en grâce du marché action français sur le premier semestre de 2021 avec une progression record de 17,23% hors dividendes.

Les banques : une situation paradoxale

La forte baisse des indices en mars 2020 a donné des idées aux Français. En effet, on dénombre pas moins de 150 000 nouveaux investisseurs en bourse sur cette période avec un profil différent des « habitués » : ils sont plus jeunes et investissent des sommes plus modestes.

À la fin du 3ème trimestre, plus de 5 millions de PEA avaient été ouverts : il s’agit d’une appétence sans précédent de la part des particuliers pour les actions. Par exemple, chez Boursorama, 150 000 comptes titres et PEA ont été ouverts : c’est 4 fois plus qu’en 2019. Idem chez ING : le nombre de comptes-titres et PEA a connu une hausse de 60 %.

En outre, le confinement a apporté une augmentation de la collecte sur les comptes courants, les livrets réglementés et l’assurance-vie. Le niveau d’épargne/liquidités est estimé à près de 130 milliards d’euros en 2020. La grande question est la suivante : cette épargne gigantesque sera-t-elle réinjectée dans le circuit économique réel pour dynamiser la reprise ?

Le gouvernement qui souhaite inciter les Français à recourir à cette épargne propose des solutions comme la création du fonds « BPI France Entreprises1 » , qui permet d’investir dans les entreprises françaises, ou encore la possibilité jusqu’au 30 juin 2021 pour un parent ou grand-parent de donner jusqu’à 100 000 euros à ses enfants ou petits-enfants sans payer d’impôt si cette donation répond à un projet précis : construction d’une maison, travaux de rénovation ou création d’entreprise.

Il faut aussi noter que cette épargne forcée coûte aux banques : le taux de facilité des dépôts de la BCE pour les réserves excédentaires reste en effet négatif à -0,5 %, et l’environnement actuel de taux bas rogne leur marge d’intermédiation.

Ainsi, certaines banques (principalement hors France) ont commencé à taxer les dépôts de leurs clients. C’est une mesure encore loin d’être généralisée qui concerne uniquement les dépôts conséquents ou une clientèle aisée affiliée aux banques privées. Le levier d’action se situe beaucoup plus sur l’augmentation des frais bancaires et concerne principalement la tenue de compte et les virements occasionnels en agence. Cette stratégie permet également de propulser le « self-care » pour facturer tous les services annexes.

L’assurance-vie à la recherche d’un nouveau souffle

Les assureurs ont été à la peine en 2020 : l’assurance-vie a connu une décollecte de 6,5 milliards d’euros. Plusieurs facteurs d’explications sont possibles : en temps de crise, on privilégie l’épargne disponible rapidement sur les livrets réglementés. La forte baisse des marchés en mars et l’incertitude quant aux conséquences de ce nouveau virus a pu générer une crainte chez les épargnants, et, surtout, la baisse des rendements des fonds euros – le support d’investissement favori des Français – a suscité moins d’intérêt et n’offre pas de perspective intéressantes.

Le maintien de la politique de taux bas par la BCE, nécessaire dans ce contexte de crise sanitaire pour soutenir et favoriser la relance de l’économie, ne bénéficie pas aux performances des fonds en euros. Les émissions obligataires européennes se font à des taux très faibles (voire négatifs) et le stock d’obligations anciennes à taux attractifs diminue d’année en année, ce qui explique la baisse des taux des fonds en euros. En 2020, le rendement moyen réel net autour de 1,13 % contre 1,46 % en 2019, soit une baisse d’environ 33 points de base.

D’ailleurs, les assureurs incitent de plus en plus leurs clients à investir sur des unités de comptes (UC) en boostant le taux des fonds en euros si une certaine proportion est investie en UC, ou en affichant des limites de montant d’investissement sur ces fonds. Ainsi, en 2020, la part des versements sur les UC s’est développée de manière significative : collecte brute est passée de 28% en 2019 à 34% en 2020, soit 18,3 milliards d’euros.

2020 a contraint à une réaction forte des politiques de la BCE et du gouvernement pour limiter l’ampleur de cette crise sanitaire sur le front économique. Un fort rebond est attendu en 2021 : la Banque de France estime en effet que la croissance sera de 5,75 %, une des plus fortes d’Europe. L’épargne accumulée par les Français en deux ans atteindrait 200 milliards d’euros, soit 2 fois le plan de relance, « une réserve de croissance significative » selon le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau.

covid et digitalisation

Un mal nécessaire : la COVID-19 moteur d’une digitalisation accélérée

Khalil Bijamane
Consultant

La crise sanitaire, d’une ampleur inédite, pousse les établissements dans leurs retranchements afin de rester dans la course.

Au cours de l’année 2020, nous avons tous été bouleversés par l’une des pandémies les plus graves de notre histoire moderne, le Covid-19. Ce virus est une terrible tragédie, tant d’un point de vue sanitaire qu’économique, asphyxiant tout ce qui se trouve sur son passage. L’économie mondiale en est le grand témoin. Plus encore, cette pandémie a changé notre manière de vivre, nos priorités et la façon dont nous travaillons et interagissons les uns avec les autres, pour faire émerger de nouvelles méthodes de travail.

En effet, différents secteurs d’activité économique se sont retrouvés dans l’obligation de se réinventer, en un temps record, pour maintenir la continuation de leurs activités.
Du e-learning au télétravail, ces méthodes ont pu remplacer le vide qui a prédominé durant toute la période de confinement. Plus encore, certaines entreprises ont pris la décision de privilégier ce nouveau mode de collaboration jusqu’à présent peu connu du grand public.

Le secteur de la banque et assurance a su tirer profit de la crise pour accélérer sa digitalisation. D’un côté, les banques ont mis en place les actions suivantes :

● En BtoC, la fermeture des agences bancaires est l’un des leviers sur lequel certaines banques se sont appuyées pour promouvoir leurs services proposés par leurs filiales de banque en ligne.

● En BtoB, les banques commerciales ont aussi accéléré la digitalisation de certains produits à destination des entreprises comme : la dématérialisation des chèques, l’utilisation de nouveaux outils de communication avec les clients, la mise en place de nouveaux canaux pour la distribution des prêts, notamment le PGE (le Prêt Garanti par l’Etat) …

D’un autre côté, la crise financière engendrée par la crise sanitaire, début mars, a incité le grand public à investir sur les marchés actions. Cela a représenté une occasion unique, pour les différents acteurs de l’assurance, d’évaluer la robustesse de leurs plateformes pour répondre à des volumes sans précédent. Seuls les services clients ayant une forte capacité d’adaptation ont su tirer leur épingle du jeu. Or, la clé de cette absorption est l’accélération de la digitalisation. Ce processus revêt une importance tant externe, pour la digitalisation de la commercialisation des produits, qu’au niveau interne, pour fluidifier la circulation de l’information entre collaborateurs.

Quels sont les défis et obstacles auxquels le secteur bancaire et assurance doit faire face durant et après cette crise ?

Depuis le début de cette crise, les banques et assurances travaillent désormais pour garantir la continuité de leurs services tout en respectant à la fois les réglementations relatives à leurs secteurs respectifs et les directives imposées par l’état d’urgence sanitaire.

C’est à cette nouvelle équation que les acteurs de la digitalisation doivent veiller au sein de l’entreprise. En effet, de nombreuses institutions financières se sont retrouvées contraintes de garantir la continuité de certaines fonctions indispensables qui n’étaient pas conçues initialement pour être exécutées à distance. Il s’agit ici de la guerre de l’automatisation des processus internes et de la construction de workflows pour mesurer la productivité interne des collaborateurs.

Par ailleurs, les banques et assurances sont confrontées à une demande de soutien sans précédent de la part de leurs clients les plus vulnérables. En effet, le nombre de demandes de prêts et de restructuration des dettes n’a cessé d’augmenter à un rythme spectaculaire depuis le début de cette crise, mettant au défi ces institutions, leur organisation ainsi que la capacité de leur système d’information à répondre de manière efficace à ce flux de demandes sans précédent. Certaines banques ont même opté pour un assouplissement de leurs modèles de Credit Risk pour faire face à cette situation inédite.

Ces mesures et directives déployées, à court et moyen terme, ont été prises dans un contexte d’urgence sanitaire afin de fournir un soutien urgent à une économie fragilisée par la pandémie. Les particuliers, les PME (restaurants et commerces) ont ainsi pu minimiser les effets d’une prochaine récession économique.

Avant cette crise, certains acteurs du secteur de la banque et assurance percevaient encore l’innovation comme intéressante, mais pas incontournable. Le Covid-19 sera certainement l’un des catalyseurs les plus puissants qu’a connu le monde du digital depuis la révolution d’Internet, incitant les entreprises du secteur financier à innover et à mener des transformations numériques massives, en un temps record, pour assurer la continuité de leurs services.

A l’heure actuelle, l’innovation est devenue un « must-have » dans beaucoup d’organisations. Les banques et assurances n’échappent pas à cette règle, et le scepticisme autour des investissements dans l’innovation et la transformation digitale qu’avaient connu certaines entreprises va probablement s’éroder dans les prochains mois.

Par ailleurs, les clients qui hésitent à utiliser les services en ligne que proposent leurs banques ou assurances ont été contraints de changer leurs habitudes et de faire usage de ces services digitalisés pendant le confinement. Par conséquent, les banques et assurances ont multiplié leurs interactions numériques à distance avec leurs clients et ont été contraints de s’adapter rapidement en interne à ce nouveau challenge imposé par cette pandémie.

Les institutions financières en retard dans leur transformation digitale vont désormais devoir mettre l’accent sur la digitalisation de leurs services dans le but d’offrir aux clients la possibilité d’effectuer des actes directement en ligne et à distance. L’urgence de ces travaux de digitalisation ne doit toutefois pas s’exonérer de l’appropriation de l’expérience client. Celle-ci est toujours placée au centre de toute stratégie de digitalisation, même en situation d’urgence, et ne pas la prendre en considération risque de mettre en péril la réussite d’un projet de digitalisation.

En raison de la forte croissance des interactions et transactions établies à distance durant cette crise du COVID-19, les banques et assurances sont plus que jamais confrontées à des menaces de cyberattaques et des tentatives de fraudes massives. Bien que ces menaces aient toujours été présentes, elles sont renforcées par le fait que la majorité des employés travaillent à domicile dans des environnement moins sécurisés qu’avant. Malgré cela, les institutions financières veillent sur la sécurité et la fiabilité de leurs systèmes d’information qui restent toujours au centre de leurs préoccupations.

Enfin, si la situation actuelle fait ressortir de multiples défis, elle offre également de nombreuses opportunités. Certaines banques et assurances avaient déjà fortement investi dans la digitalisation de leur système d’information et avaient pu développer la pratique du télétravail au cours de ces dernières années. Elles ont pu identifier les opportunités plus rapidement et voir les résultats de leurs investissements aboutir.

Quelles sont les opportunités qu’offre le Covid-19 aux banques et assurances ?

Cette période de crise sanitaire inédite a certainement bouleversé le mode de fonctionnement de nombreuses organisations dont les banques et assurances et leur a imposé de nombreux défis. Néanmoins, de prometteuses opportunités se sont ouvertes pour beaucoup d’institutions financières.

Nombreux sont les clients qui se sont engagés numériquement avec leurs banques et assurances, parfois pour la première fois. Cette tendance va certainement se poursuivre de manière pérenne, même après le Covid-19. L’acquisition et la fidélisation de nouveaux clients via la voie du numérique représente une chance unique. Cette situation renforce la confiance établie entre ces institutions et leur clientèle et va sûrement être bénéfique pour gagner du terrain dans un environnement très concurrentiel.

Par ailleurs, les institutions qui étaient en retard dans leur transformation digitale ont pris conscience de la nécessité de se remettre à niveau sur le plan technologique et d’accélérer le développement de leurs services en ligne. En quelques mois seulement, certaines entreprises ont rattrapé presque une décennie de retard.

Ces entreprises doivent veiller néanmoins à la qualité de ces services développés en urgence afin d’assurer une bonne satisfaction client et rester compétitives. Le niveau et la qualité des services proposés à distance par les banques et assurances contribueront sans doute à un changement significatif du mode de consommation chez les clients qui ont été séduits par les nouveaux services financiers digitalisés.

Cette crise a permis à de nombreuses organisations de se rendre compte que le télétravail peut également, dans certains cas, être bénéfique. Certaines institutions financières envisagent même la possibilité de proposer à leurs employés un certain nombre de jours de télétravail par semaine après la fin de la crise, car nombreux sont qui pensent que ce nouveau mode de travail contribuera à accroître l’engagement, la satisfaction des employés d’une part, tout en permettant aux banques et assurances de réaliser des économies importantes sans nuire à la productivité.

Les banques et les assurances démontrent leur capacité à réagir et jouer un rôle clé en faisant preuve de flexibilité et d’adaptation, en un temps record, quant à leurs services, organisations et méthodes de travail pour accompagner au mieux les clients et les employés. Seul le temps nous dira dans quelle mesure les actions initiées par le secteur de la banque et assurance ont contribué à surmonter les défis actuels et futurs associés au Covid-19.

assurance emprunt

Les dernières nouvelles de l’assurance-emprunteur : suite et fin de la valse-hésitation ?

Robert-Christopher Tongning
Consultant

Après plusieurs années de flou, le législateur précise enfin les modalités de résiliation de certains contrats afin de stimuler l’ouverture à la concurrence.

Les banques démontrent leur capacité à réagir et jouer un rôle clé en faisant preuve de flexibilité et d’adaptation, en un temps record, quant à leurs services, organisations et méthodes de travail pour accompagner au mieux les clients et les employés. Seul le temps nous dira dans quelle mesure les actions initiées par le secteur de la banque et assurance ont contribué à surmonter les défis actuels et futurs associés au COVID-19.

Le prêt immobilier est le principal type de prêt couvert par l’assurance emprunteur avec 7 M€ de cotisations, loin devant les prêts à la consommation et les prêts professionnels. C’est d’ailleurs cette assurance de crédit immobilier qui voit son cadre règlementaire évoluer depuis près de dix ans.

Tout récemment, l’article 115 (ex 42bis) du projet de loi relatif à l’Accélération et le Simplification de l’Action Publique (ASAP), ajouté au cours du processus parlementaire, a bien failli révolutionner une nouvelle fois ce cadre, en permettant le changement d’assurance à n’importe quel moment de la vie du contrat.

Cet article, dans la version définitive du 28 octobre 2020 du projet, se circonscrivait finalement à renforcer l’arsenal législatif et règlementaire existant… avant que le Conseil constitutionnel ne le censure dans sa décision du 3 décembre 2020, jugeant que ces dispositions n’avaient aucun lien avec le projet de loi initial.

L’historique de l’assurance emprunteur

Afin d’accroitre les droits et la protection des clients, mais aussi de promouvoir la libre concurrence des différents acteurs, la branche de l’assurance emprunteur, nommée également assurance de crédit, a connu trois évolutions majeures :

• L’article 21 de la loi Lagarde (2010), qui instaure notamment le découplage du crédit immobilier proposé par les banques et de l’assurance emprunteur, ainsi que l’obligation des banques de motiver tout refus d’assurance déléguée,

• L’article 54 de la loi Hamon (2014), qui autorise le changement d’assurance emprunteur dans les 12 mois suivant la date de souscription,

• L’amendement Bourquin, se référant à l’article 10 de la loi n° 2017-203 du 21 février 2017, qui complète la loi Hamon en permettant un changement d’assurance emprunteur chaque année, en respectant un préavis de deux mois.

Les apports potentiels du nouvel article

L’article 115 (ex 42bis) de la loi ASAP aurait comblé un flou existant au sujet de la date à prendre en compte pour exercer le droit de résiliation. Une date d’échéance pour les contrats d’assurance emprunteur aurait été mise en place, définie, au choix de l’assuré, comme :

• La date anniversaire de la signature de l’offre du prêt

• Toute autre date d’échéance prévue au contrat.

Le nouvel article précisait également les devoirs du prêteur et de l’assureur envers l’emprunteur :

• Communication de la date de signature dès réception de l’offre de prêt signée par l’emprunteur, et sur toute documentation liée au prêt à destination de l’emprunteur,

• Communication chaque année du droit de résiliation ainsi que de toutes les modalités s’y rapportant,

Et enfin, de nouvelles sanctions de type administratives venaient également s’ajouter aux sanctions civiles et pénales déjà en vigueur, afin de prévenir :

• Un manquement aux devoirs d’information,

• Les pratiques de pression/chantage envers l’emprunteur.

Quelles perspectives d’avenir pour l’assurance emprunteur ?

Statu quo, mais pour combien de temps ? Certains problèmes rencontrés par les emprunteurs lors d’un changement d’assurance de crédit restent posés… Un nouvel épisode parlementaire dans un avenir proche n’est donc pas à exclure.

Quoi qu’il en soit, les mesures prises ces derniers années relatives à l’assurance de crédit ont permis de stimuler ce secteur. Le dernier rapport du Comité Consultatif du Secteur Financier (CCSF) semble confirmer la présence d’une forte concurrence, et le recours de plus en plus fréquent à la délégation d’assurance. Les réseaux bancaires ont cependant réussi jusqu’à maintenant, à conserver leur prépondérance sur le marché, en modernisant leurs offres.