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« La fiscalité m’aide à comprendre comment un pays fonctionne »

Florence Baldo
Ingénieur Conseil

 

IMG20240817134914~3Pierre-Alain Chenour est « Tax Compliance Specialist » au sein de l’équipe Client Tax Services chez ING Amsterdam.

Il coordonne tous les sujets fiscaux avec les filiales d’ING. Il se caractérise comme un jeune Français parti à l’étranger pour découvrir une nouvelle culture et valoriser son profil dans le domaine fiscal. Dans son temps libre, il pratique l’athlétisme à haut niveau et explore le monde. Son dernier voyage en date était en Polynésie française sur les îles de Tahiti, Raiatea, Bora-Bora, Tahaa et Huahine.

Dans cette interview, il décrypte pour nous les arcanes de la fiscalité internationale. Souvent peu connue, même au sein des établissements financiers, cette fonction est pourtant essentielle.

 

Quel est ton parcours universitaire ?

J’avais commencé des études de santé à l’université. J’ai même validé ma première année. Quand j’ai fait mon premier stage à l’hôpital, je ne me suis pas vu soigner les gens toute ma vie. Je ne savais pas quelle nouvelle orientation choisir. Comme mon père et ma sœur, j’ai finalement opté pour le droit. Au début, à Assas, ce n’était pas la grande passion. J’ai même redoublé ma deuxième année à cause du droit administratif. En parallèle, je travaillais comme hôte d’accueil dans l’événementiel, notamment pour les Fashion Weeks, jusqu’à la fin de mon Master 1 : une superbe expérience sur le terrain que je recommande à tout le monde !

Au début de la licence, j’ai découvert le droit des contrats, les procédures civiles et pénales et surtout le droit fiscal : un vrai challenge intellectuel. Il faut savoir que la voie royale, c’est de faire du droit des affaires en Master 1, et la fiscalité en fait partie. Il n’y avait pas de sélection à l’époque, mais j’ai tout de même beaucoup travaillé pour avoir un bon dossier. J’étais plutôt bon en fiscalité, mais mon meilleur ami était vraiment excellent. Il a d’ailleurs intégré le cabinet Baker McKenzie. J’ai aussi apprécié le droit de la concurrence, des sûretés, des entreprises en difficulté…

J’ai effectué mon Master 2 en droit des affaires à l’Université Paris-Est-Créteil (UPEC). Entre les grèves de la fin du premier semestre et le début du Covid, les cours et les examens étaient tous en ligne. J’ai commencé mon premier stage à distance, à la Banque de France, en plein début de confinement. Je ne savais pas trop ce qui était attendu, je travaillais sur mon ordinateur personnel. Avec les mesures de relâchement, j’ai pu me rendre sur site et mettre en pratique mes connaissances sur la fiscalité des entreprises (TVA) et la fiscalité des individus (notamment les travailleurs détachés et les conséquences sur leurs résidences fiscales).

Comme j’avais visité Amsterdam deux ans auparavant, j’ai eu envie de compléter mon parcours par un Master là-bas. La pandémie était toujours présente, donc j’étais à nouveau 100 % à distance. Je n’ai pas souhaité passer le barreau car mon objectif était vraiment de travailler à l’étranger. En France, il faut passer 5 ans en cabinet d’avocat d’obtenir des équivalences à l’étranger. J’ai appris beaucoup de choses sur les prix de transfert, la fiscalité européenne, les conventions fiscales internationales… J’ai terminé par un stage chez Houthoff, l’un des plus grands cabinets des Pays-Bas, qui s’est très bien passé, en présentiel cette fois ! Juste après, j’ai eu l’opportunité de travailler chez ING Amsterdam au sein de l’équipe Client Tax Services.

 

Qu’est-ce que tu aimes dans la fiscalité ?

 

La fiscalité m’aide à comprendre comment un pays fonctionne. Il y a un budget face aux sommes collectées par l’Etat via l’impôt sur le revenu, la TVA, la fiscalité des entreprises… En fonction des besoins, l’Etat alloue ces sommes vers certains postes : l’emploi, le social, la santé, l’éducation, etc. Les mécanismes de la fiscalité sont complexes, et cela m’apporte la stimulation intellectuelle dont j’ai besoin au quotidien.

 

Peux-tu nous proposer un tour d’horizon des réglementations internationales en vigueur ?

 

FATCA (Foreign Account Tax Compliance Act) : les États-Unis demandent à tous les autres pays du monde de leur fournir les informations bancaires des US persons. Si FATCA est désormais bien connu, les reportings initiaux ont été complexes à mettre en place. Un tribunal belge a même jugé que FATCA était illégal car unilatéral et intrusif en raison des informations sensibles demandées.

CRS (Common Reporting Standard ou DAC2) : FATCA a inspiré l’OCDE qui a rassemblé un consortium d’environ 140 pays autour de la Norme Commune de Déclaration. Le fonctionnement est cette fois multilatéral en vertu de l’Automatic Exchange of Information, et transparent entre les différentes juridictions. Cette directive permet à tous les pays participants de s’aligner sur la lutte contre l’évasion fiscale et la LCB-FT, puisque le financement de ces pratiques passe par les institutions financières. C’est pourquoi on peut la qualifier de mesure juste au regard de notre monde globalisé. C’est aussi une prouesse technique qui illustre bien la notion d’interdépendance.

US Withholding Tax – QI : toute non US person qui investit dans des titres US reçoit des dividendes ou des intérêts. Les États-Unis appliquent une retenue à la source sur ces revenus. C’est la fameuse Withholding Tax. Par ailleurs, les US persons qui résident aux États-Unis touchent des revenus de l’étranger. Ces deux phénomènes convergent et font l’objet de reportings obligatoires. Cela suppose de connaître les règles de documentation des clients des banques. Ces dernières doivent s’adapter pour collecter et classer des volumes importants. La liaison entre le Front Office et le Back Office n’est pas toujours fluide. Ce dernier intervient en bout de chaîne, avec une forte déperdition d’informations. Ce chaos administratif génère beaucoup de sanctions ! La plupart du temps, les process existent mais ne sont pas suivis à 100 % par manque de temps. C’est pourquoi on met en place des plans de remédiation.

DAC 6 : dans la continuité de la DAC2, cette directive vise toujours plus de transparence fiscale. Elle pose l’obligation de divulguer les montages liés à l’optimisation fiscale agressive, avec intermédiaire. Or, les institutions financières sont bien des intermédiaires. La question qui demeure est : « Est-ce qu’elles sont des intermédiaires qualifiés ? Font-elles partie du scope de reporting ? » Les avocats sont clairement concernés mais sont tenus au secret professionnel. Si l’idée de départ est valable, la mise en œuvre est difficile. Le volume de montages identifiés est faible depuis l’entrée en vigueur en 2020.

DAC7 : cette directive concerne les obligations de reporting pour les plateformes en ligne et les marketplaces.

DAC8 : cette directive apporte un cadre de travail rigoureux ainsi qu’une mise à jour de la DAC2, avec des précisions importantes sur certains champs (comptes nouveaux versus comptes préexistants, qualité des bénéficiaires effectifs pour les institutions financières dites « passives »…). Pour rappel, la transparence fiscale existe quand les associés d’une entité légale ont opté pour ne pas être imposés sur les bénéfices mais sur leurs revenus personnels. Le registre des bénéficiaires effectifs peut être consulté par les tiers autorisés, dont les institutions financières. En cas d’opacité, au contraire, les individus sont imposés sur les bénéfices (dividendes ou autres rémunérations). Quand les entreprises sont de taille importante, la forme légale est souvent opaque avec un impôt sur les sociétés à 21 % qui correspond à une flat tax. Au contraire, les associés personnes physiques de sociétés fiscalement transparentes sont imposés au barème progressif de l’impôt sur le revenu pouvant aller jusqu’à 45 % pour les revenus supérieurs à 180.000,00 euros. C’est une suite logique : chaque DAC instaure de nouvelles mesures pour améliorer la transparence fiscale. Il en va de même pour les piliers 1 et 2 de l’OCDE qui mettent en avant la notion d’égalité fiscale.

 FASTER (Faster and Safer Relief of Excess Withholding Taxes) : cette directive vise à instituer des mécanismes de collecte et de retenue à la source en euros. Par exemple, une entreprise française qui distribue un dividende peut amener une double imposition. En allouant la souveraineté fiscale à l’un des deux Etats concernés, et si l’impôt est dû dans les deux pays, un mécanisme d’exemption ou de crédit d’impôt va s’activer dans le pays n’ayant pas la souveraineté pour imposer ce dividende. Actuellement, cela nécessite de remplir de nombreux formulaires. Les investisseurs renoncent car c’est trop contraignant. FASTER va faciliter, ou du moins encourager, les investissements à l’étranger en digitalisant et en accélérant ce process.

 

D’après toi, l’Europe fiscale est-elle un mythe ou une réalité ?

 

Au regard de toutes ces législations, l’Europe fiscale est une réalité. On dispose d’une meilleure connaissance des sociétés, les reportings sont numérisés, peut-être même seront-ils bientôt dans des blockchains. La limite de tout cela reste évidemment l’aspect déclaratif qui peut générer des erreurs ou inexactitudes.

Cependant, tant que les Etats membres conservent leur souveraineté, ils décident du procédé d’adoption des directives. Par exemple, pour la TVA, l’Union européenne s’est efforcée de mettre en place un standard minimum avec un taux de 15 % pour les produits et services. Ce taux diffère toujours selon les pays.

L’exemple de l’impôt sur les sociétés est le plus connu du grand public : Google, Amazon et d’autres grandes sociétés américaines ont leur siège européen en Irlande car ils n’y paient que 12,5 % de taxes.  Cette compétition fiscale entre les Etats membres entraîne une collecte plus faible mais les recettes sont très importantes et le marché de l’emploi en bénéficie aussi. En France, l’impôt sur les sociétés est a 25%, ce qui reste moins attractif que d’autres Etats membres. Je suis en faveur d’une unité fiscale à 21 % qui mettrait fin à ce jeu du chat et de la souris.

Il n’est pas souhaitable de conserver ces différences puisque le projet européen repose sur un espace économique unique. Cette unité a été perdue de vue depuis le référendum de 2005 ayant abouti sur un rejet de la Constitution pour l’Europe. Dans un monde globalisé, chaque Etat membre est représenté par le biais de l’Union Européenne, ayant un poids économique représentatif à l’échelle du monde… Comme chaque Etat membre, individuellement, n’est pas représentatif sur cette échelle, surtout face à des superpuissances comme la Chine et l’Inde, elle doit pouvoir s’appuyer sur une Union européenne forte. Les petits pays comme Malte l’ont bien compris.

 

Quelles sont les qualités requises pour travailler dans le domaine de la fiscalité ?

D’abord, il faut disposer d’une excellente organisation intellectuelle afin d’évaluer des mécanismes complexes. L’esprit de synthèse est aussi essentiel, notamment quand on lit des pages de décisions très techniques du Conseil d’Etat…

Ensuite, ces dernières années, une appétence pour la compréhension des Data est essentielle. De nombreuses informations sont toujours gérées sous Excel malgré l’existence de quelques bons logiciels. La fiscalité a aussi une dimension très opérationnelle : une mission de conseil chez un client peut ainsi consister à retranscrire les comptes financiers du point de vue de l’Internal Revenue Service. Une consolidation très précieuse pour la banque !

Enfin, la curiosité et l’esprit d’aventure sont cruciaux. Avant de prodiguer des recommandations sur les prix de transfert, par exemple, il faut comprendre comment ils sont structurés et quelle histoire ceux-ci racontent d’une société et de ses filiales.

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État des lieux de la Réforme 100% Santé

Portrait Amandine
Amandine Paralvas
Consultante

 

Bilan intermédiaire de la Réforme 100% Santé

La réforme 100% Santé a été déployée progressivement entre 2019 et 2021. Elle a établi des remboursements sans reste à charge pour les Français, titulaires d’une mutuelle santé, en audiologie, dentaire et optique. Il s’agit des 3 secteurs avec des dépenses de soins particulièrement importantes et avec un fort renoncement aux soins.

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Cette réforme a pour objectif d’améliorer l’accès aux soins des Français grâce à la mise en place du panier de soins « reste à charge zéro ».

Les professionnels de santé ont été tenus et le sont toujours, de proposer des équipements remboursés intégralement, pour toute personne ayant souscrit un contrat santé responsable ou pour les bénéficiaires de la Complémentaire Santé Solidaire (CSS). Chaque entreprise s’est aussi assurée que la couverture souscrite pour leurs salariés respectait bien ces nouvelles obligations, tout en maintenant les critères additionnels fixés notamment par les accords de branche collectifs.

Les équipements et les prestations 100% Santé répondent à des cahiers des charges stricts, visant à garantir la qualité des équipements et à couvrir les besoins essentiels des assurés. La réforme a défini, dans chacun des secteurs, des prestations à prix plafonnés pour être intégralement pris en charge par l’assurance maladie obligatoire (AMO) et les organismes complémentaires (les assureurs, mutuelles, les institutions de prévoyance…).

Un panier à prix libre cohabite avec le panier 100 % santé dans les 3 secteurs. Pour compenser le financement des paniers de soins 100% santé, l’AMO et les organismes complémentaires ont réduit le niveau de prise en charge des paniers à prix libre. Par exemple, le remboursement des montures par les contrats santé responsables a été plafonné à 100 €, contre 150 € avant la réforme. Pour les prothèses dentaires, un panier intermédiaire à « reste à charge modéré » a été défini.

Capture d'écran 2024-07-10 173822Les prestations 100% Santé en audiologie, dentaire et optique

Des bons résultats en dentaire et sur les prothèses auditives

Olivier VERAN, ministre des Solidarités et de la Santé, avait déclaré en janvier 2022 : « le 100% santé est tout à la fois une réforme de santé, de prévention, de lutte contre la perte d’autonomie, de pouvoir d’achat et de lutte contre la précarité. Et c’est aussi un succès : 10 millions de Français en ont d’ores et déjà bénéficié et je souhaite que cette offre se pérennise et continue de s’adapter aux besoins de santé de nos concitoyens ».

Dans son rapport « Les dépenses de santé en 2021 », la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DRESS) affiche un bond de 60% en 2021 sur les dépenses en audioprothèses, essentiellement portées par le panier 100% santé. Ce qui représente une augmentation moyenne de 4,9% entre 2011 et 2020.  Les audioprothèses au tarif libre ont aussi bénéficié de cette dynamique en enregistrant une hausse de 27%. Après l’année 2021 exceptionnelle, les chiffres de la DRESS pour l’année 2022 montrent un léger recul -4,5% pour les équipements 100 % santé et -1,8 % pour le panier à tarif libre. De son côté, l’Assurance Maladie dans son rapport « Lutte contre les fraudes », met en avant qu’entre 2019 et 2023, la réforme 100% Santé a entrainé une augmentation de 72% du nombre de patients bénéficiant annuellement du remboursement d’une aide auditive. Ce sont ainsi près de 767 000 personnes qui ont été équipés pour l’année 2023.

Tout comme en audiologie, les dépenses en dentaire ont augmenté de 26% en 2021 selon l’étude de la DRESS sur les dépenses de santé. Les prothèses dentaires 100% Santé représentent 43% des dépenses totales alors que le panier intermédiaire à « reste à charge modéré » se fixe à 28% et que le panier à tarif libre tombe à 29%. En 2022, les 3 paniers de soins enregistrent un très faible gain : +0,8% pour le panier 100 % Santé, +0,6% pour les 2 autres paniers à tarif modéré et à tarif libre. Les assurés âgés de 75 ans et plus sont les premiers bénéficiaires de la réforme du 100% Santé. Ils représentent 24 % de la consommation de prothèses dentaires 100% Santé.

Le secteur optique en retard

Les dispositifs 100% Santé en optique restent minoritaires. En 2021 le rapport de la DRESS sur l’optique présente une augmentation de 16% par rapport à 2020, mais cette hausse est concentrée sur le panier à tarif libre. En 2022, le panier 100% Santé progresse de 7,4% tandis que le panier à tarif libre recul de 0,8%. L’amélioration du panier 100% Santé est porté par les équipements optiques des enfants moins de 15 ans. En effet, il représente 13 % des dépenses d’équipements, contre 7 % de la dépense d’équipements à tarif libre.

Ce faible recours aux équipements 100% Santé s’explique par le fait que des offres avec « reste à charge zéro » existaient déjà avec les contrats responsables ou les contrats CSS. La réforme a introduit une nouvelle gamme de produits, à des prix bien inférieurs aux équipements vendus jusqu’alors. Ce panier de soins peine à trouver son public. Les assurés semblent être attachés aux caractéristiques esthétiques des équipements en optique.

Zoom sur les restes à charge

Pour les assurés bénéficiant d’une complémentaire santé, la réforme 100% Santé a permis de diminuer un reste à charge élevé dans les 3 secteurs. La réforme repose sur 3 piliers :

  • La mise en place de prix plafonnés ;
  • La revalorisation de la base de remboursement de la Sécurité sociale ;
  • L’obligation pour les contrats santé dits responsables de prendre en charge l’intégralité des paniers 100% Santé.

En janvier 2022, l’Union Nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire – Unocam montre une baisse moyenne des restes à charge de 29 % dans le secteur dentaire et de 40 % en audiologie. Cela se traduit par une baisse de 75€ par bénéficiaire pour les prothèses dentaires et une baisse de 282€ par bénéficiaire pour les appareils auditifs. L’Unocam présente en revanche une augmentation de 13 % dans le secteur optique, soit une hausse de 40€ par équipement. Cette hausse s’explique par l’augmentation du panier à prix libre qui est moins bien remboursé par l’AMO et les organismes complémentaires alors qu’il reste majoritaire.

Les différents rapports et bilans avancent que les coûts générés par la réforme 100% Santé sont majoritairement supportés par les organismes complémentaires. Dans son dernier rapport « Les dépenses de santé en 2022 », la DRESS apporte la vision d’un cofinancement des équipements optiques du panier 100% Santé par l’AMO (53 %) et les organismes complémentaires (47 %).

 

Capture d'écran 2024-07-10 174338Mais sur le panier à prix libre, les organismes complémentaires prennent en charge 73% des dépenses (montures et verres) des assurés, contre 3% pour l’AMO. Les assurés supportent en complément 24% des frais.

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En audiologie, le financement est partagé par les organismes complémentaires (42%) et les assurés (36%). L’AMO ne contribue qu’à la hauteur de 22%.

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Et enfin sur le secteur dentaire, le constat est identique. Les organismes complémentaires financent plus de la moitié de la consommation des 3 paniers de soins (57%). Sur le panier 100% Santé, la participation des organismes complémentaires monte à 71% contre 29% pour l’AMO.

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Des conséquences opérationnelles pour les organismes complémentaires

Pour être au rendez-vous des dates clés de déploiement de la réforme 100% Santé, 1er janvier 2019, 1er avril 2019, 1er janvier 2020 et 1er janvier 2021, les directions marketing ont retravaillé leurs gammes de produits santé pour répondre aux cahiers des charges stricts des paniers 100% Santé, tout en redéfinissant les logiques de montée en gamme des garanties. Cette redéfinition des offres et des gammes a entrainé d’importants travaux de tarification pour les directions techniques.

En parallèle, les directions des systèmes d’informations et les directions de Gestion ont œuvré conjointement sur la refonte des parcours de vente, la mise à jour des outils d’aide à la vente, l’implémentation des nouvelles grilles de tarifs dans les outils de tarification, l’actualisation des grilles de garanties et des exemples de remboursements, mais aussi sur le paramétrage des nouvelles offres dans les outils back office.

La réforme 100% Santé a imposé une standardisation des garanties, limitant la différenciation des produits entre les organismes complémentaires. Quelques nouveautés ont été déployées comme le développement et la valorisation de services complémentaires avec les réseaux de soins, des services innovants tels que la téléconsultation et la mise en avant de programme de prévention.

En somme, toutes les directions se sont mobilisées pour mettre à disposition des offres conformes dans un calendrier réglementaire cadencé.

Derrière ces bons résultats en audiologie, une fraude majeure stoppée en 2023

L’augmentation du nombre de patients équipés, s’est accompagné dans le même temps d’une augmentation très forte des installations d’audioprothésistes. Dans ce contexte, l’Assurance Maladie a déployé des contrôles auprès des assurés appareillés et des centres d’audioprothèses, et a vérifié un grand nombre de factures avant règlement.

Ainsi les actions de lutte contre les fraudes menées en 2023 par l’Assurance Maladie présentent un bilan positif. Concernant les audioprothésistes, les actions ciblées de l’Assurance Maladie ont permis de détecter un peu plus de 21 millions d’euros de fraudes. Les audioprothésistes tiennent la 6e place des professions les plus frauduleuses pour l’année 2023. Au global ce sont près de 466 millions d’euros de fraudes qui ont été détectées et stoppées, un montant dépassant grandement l’objectif global fixé à 380 millions d’euros.

Un déploiement de la réforme qui reste à renforcer

Le tiers payant généralisé est partiellement appliqué depuis la mise en application de la réforme 100% Santé en 2019. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 à réaffirmer le caractère obligatoire, à compter du 1er janvier 2022, de la pratique du tiers payant intégral sur les paniers 100% Santé par les organismes complémentaires. Dans son rapport « La réforme du 100 % Santé » en juillet 2022, la Cour des comptes a fait remonter plusieurs natures d’obstacles quant au déploiement du tiers payant. Il s’agit de freins techniques et organisationnels. Chaque organisme complémentaire applique sa propre procédure (démarche, délais…) contrairement à la liaison avec l’AMO qui est unique. Les professionnels de santé et notamment les dentistes et les audioprothésistes devraient suivre autant de procédés que d’organismes complémentaires. Ils acceptent de réaliser le tiers payant sur la part remboursée par l’AMO, mais ils sont bien moins nombreux à pratiquer le tiers payant intégral. La piste à privilégier est l’interlocuteur unique ou des échanges centralisés. Dans le secteur de l’optique, la problématique est moins marquée parce que les réseaux de soins sont connus et reconnus. Des négociations sont en cours et pourraient aboutir pour les soins dentaires. Le tiers payant généralisé pourrait donner un nouvel élan à la réforme 100% Santé. Le zéro reste à charge est acquis, et l’absence d’avance de frais serait une force !

Les changements en 2024

Début 2023, le ministre de la Santé François Braun avait annoncé vouloir poursuivre avec l’étape 2 du 100 % Santé. De nouveaux postes pourraient être intégrés au dispositif 100% Santé en 2024 :

  • L’orthodontie ;
  • Les prothèses capillaires pour les personnes atteintes d’un cancer traitées par une chimiothérapie ;
  • Les fauteuils roulants.

Des réflexions porteraient aussi sur une amélioration des paniers optiques existants en incluant les lentilles et proposant une gamme plus large de montures et de verres correcteurs. Avec la nouvelle convention dentaire signée pour la période 2023 – 2028, une évolution du dispositif 100% Santé en dentaire se dessine. Les prothèses métalliques dites 100% santé vont être remplacées par des bridges et des couronnes en zircone, pour une meilleure qualité des soins et en réponse à une circulaire européenne.

Les organismes complémentaires restent mitigés sur les extensions au dispositif 100% Santé. S’ils se disent favorables à la prise en charge des prothèses capillaires, ils demandent une évaluation de la réforme dans le secteur dentaire et une étude d’impact sur l’ouverture aux fauteuils roulants.

Tous ces changements restent encore à être validés et précisés tant dans leur mise œuvre pratique qu’en terme de calendrier. Il sera essentiel de se tenir informé pour suivre les évolutions de la réforme 100% Santé.

 

Sources

*Communiqué de presse du Ministères des solidarités et de la santé, 25 janvier 2022

* Rapport d’information fait au nom de la commission des affaires sociales, sur l’enquête de la Cour des comptes sur la réforme du 100 % santé, 27 juillet 2022

*Dossier de presse de l’Assurance maladie « LUTTE CONTRE LES FRAUDES : Un montant record de fraudes détectées et stoppées en 2023, grâce à une mobilisation soutenue. Des priorités réaffirmées pour 2024. », 28 mars 2024

*Les dépenses de santé en 2021 Fiche 15 « Le 100% Santé », édition 2022 de la DREES

*Les dépenses de santé en 2022 Fiche 17 « Le 100% Santé », édition 2023 de la DREES

* Communiqué de presse « Réforme 100% Santé : l’UNOCAM publie son premier Baromètre 100% Santé », 20 janvier 2022

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La Délégation de gestion, un modèle qui ne cesse de se développer

Portrait Amandine
Amandine Paralvas
Consultante

 

L’assurance de personnes est un domaine complexe, très règlementé (Solvabilité 2, LCB-FT – Lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement des terrorismes, RGPD – Règlement général sur la protection des données, DDA – Directive Distribution en Assurance…) et fortement concurrentiel à l’heure de la Résiliation Infra annuelle (RIA).

L’externalisation de la gestion des contrats d’assurance santé et prévoyance est de plus en plus une réponse aux évolutions règlementaires, leurs calendriers et les coûts de mise en œuvre.

La délégation de gestion, c’est…

L’externalisation d’une activité de l’entreprise d’assurance, le Porteur de Risques, vers un prestataire de services, le Délégataire de gestion. La délégation de gestion est une forme de sous-traitance.

Le Porteur de Risques est un assureur, une mutuelle ou une institution de prévoyance, qui prend en charge les risques d’un particulier ou d’une entreprise en échange d’une cotisation.

Le Délégataire de Gestion est un partenaire privilégié du Porteur de Risques, qui prend en charge tout ou partie du cycle de vie des contrats Santé et des contrats Prévoyance :

  • Souscriptions,
  • Encaissement et suivi des cotisations,
  • Gestion et paiement des soins en santé,
  • Gestion et paiement de certains sinistres en prévoyance (l’incapacité et le décès ne sont pas toujours délégués

La délégation de gestion est un modèle, qui demande un suivi régulier et un contrôle permanent

Le code des assurances, article L. 354-3, prévoit que les Porteurs de Risques « conservent l’entière responsabilité du respect des obligations qui leur incombent lorsqu’elles recourent à l’externalisation des fonctions ou des activités d’assurance ».

Le transfert du processus de gestion à un délégataire n’entraine pas le transfert du risque associé. L’assureur reste le « porteur de risques » et par conséquent le responsable des activités.

Toutefois, la loi ne précise pas clairement les moyens exacts à mettre en œuvre pour opérer ces contrôles.

La maîtrise de la relation entre l’assureur porteur du risque et le délégataire de gestion est un atout pour assurer ce suivi 

La relation entre l’assureur et le délégataire de gestion est une relation d’affaires. Elle s’appuie sur la signature d’une convention de délégation de gestion et le contrôle de son application via des audits réguliers.

Le porteur de risque doit se donner les moyens tout au long de la vie de la convention pour suivre les activités déléguées tout en restant conforme à la législation en vigueur.

Le contrôle interne du délégataire et les audits de l’assureur sont des éléments clés de la convention de délégation de gestion

Des données échangées entre le délégataire de gestion et le porteur de risques avec des garanties de qualité et de traçabilité

La qualité des systèmes d’informations du délégataire de gestion et de l’assureur pour émettre et recevoir les données de activités déléguées soutient la maitrise de la relation.

Des données de qualité et fiables sont des données :

  • Suffisantes (niveau de détail adapté) et exactes (précises et exhaustives),
  • Disponibles (délai raisonnable) et accessibles (en fonction des habilitations,
  • Actualisées,
  • Vérifiables (fiables et tracées),
  • Sécurisées,
  • Archivées (respect de la durée de conservation des données).

Le flux de données techniques et financières (flux de cotisations, flux sinistres santé et prévoyance…) émis mensuellement ou trimestriellement par le délégataire de gestion doit répondre aux besoins de reporting du porteur de risques.

Les données émises, sont alors intégrées par le porteur de risque pour les valider au regard de son système d’information, ses règles de gestion et contrôles définis.

L’application de la norme PRDG permet de faciliter ces échanges. Elle s’appuie sur des critères importants de fiabilité des données et de connaissances du portefeuille délégué.

Le délégataire de gestion met en place un dispositif de contrôle modulable et à la hauteur des exigences du porteur de risques

Le délégataire de gestion répond avec son dispositif de contrôle aux demandes de l’assureur.

Les contrôles portent sur :

  • Des aspects techniques, tel que les processus de souscription et affiliation, les cotisations individuelles et collectives, les prestations Santé et Prévoyance…
  • Des aspects organisationnels et informatiques avec la mise à disposition des procédures de gestion formalisées, le plan de continuité d’activité intégrant le plan de reprise d’activité informatique ;
  • Mais aussi sur des obligations réglementaires : LCB-FT, DDA, RGPD…

Il s’agit de :

  • Contrôles unitaires sur des actes de gestion ;
  • Contrôles de masse réalisés à partir de fichiers transmis (contrôles de cohérence, contrôles de conformité, contrôles d’exactitude)
  • Contrôles statistiques (indicateurs de performance : consommation, respect des délais de traitement des prestations, de versement des cotisations…).

Ils sont réalisés :

  • Pour répondre à des objectifs donnés ;
  • Sur place, à distance, sur pièces, sur la base d’un échantillonnage ;
  • Par des opérationnels métier, par des experts (direction technique, direction finance…) ;
  • A fréquence définie, à fréquence régulière ;
  • En cohérence avec les tests effectués par le délégataire de gestion.

Les résultats sont partagés et remontés aux instances décisionnaires et opérationnelles entre le porteur de risques et le délégataire de gestion.

L’audit interne du porteur de risque est le dernier niveau de contrôle

L’audit interne évalue de manière indépendante et objective l’ensemble des activités du délégataire de gestion.

L’audit interne du porteur de risque juge la conformité et l’efficience des activités entre l’assureur et le délégataire de gestion.

Pour évaluer l’efficacité de la délégation de gestion, l’audit interne s’assure que :

  • Le périmètre de contrôles effectué par les opérationnels et les experts couvre les risques confiés au délégataire de gestion ;
  • La fréquence et la nature des contrôles sont adaptées au portefeuille confié ;
  • Les contrôles effectués sont tracés dans un plan d’amélioration continue. Les points forts du délégataire de gestion pourront faire l’objet d’un allégement de contrôle alors que les points faibles seront davantage ciblés et suivis.

Du fait de la diversité des modèles de délégation de gestion, il est fondamental de mettre en place une relation de confiance et pérenne, et définir le bon dispositif de contrôle.

Porteurs de risques, êtes-vous structurés et outillés, pour établir une relation équilibrée et efficace avec vos délégataires de gestion ?

Les consultants d’ALB Conseil peuvent vous accompagner sur ce diagnostic et la mise en œuvre des plans de contrôles.

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Consultant

Les Français de plus en plus tournés vers les placements durables

On assiste aujourd’hui à une prise de conscience croissante des enjeux environnementaux et sociétaux. La problématique du réchauffement climatique est devenue centrale dans le discours médiatique. Dans cette perspective, les investisseurs sont de plus en plus sensibles à l’impact environnemental de leur épargne et souhaitent l’orienter vers des secteurs d’activités moins polluants, plus durables.

Les statistiques le confirment : selon Novethic[1], le marché des fonds durables en France représentait 896 milliards d’euros d’encours au 31 décembre 2021, soit + 94 % sur un an.

Une étude OpinionWay d’avril 2023[2] indique que 75 % des Français considèrent l’impact des placements sur l’environnement comme un sujet important et plus d’un Français sur deux déclare prendre en compte la problématique du développement durable dans l’orientation de son épargne. On constate un écart générationnel en la matière avec une plus forte proportion des moins de 35 à considérer les placements durables comme pertinents (33 % versus 25 % dans l’ensemble de la population).

L’offre du marché répond à cette prise de conscience

Pour faire face à ces nouveaux enjeux, les acteurs des marchés financiers intègrent de nouveaux fonds dits « durables » dans leurs enveloppes d’investissement. Il s’agit même d’une nouvelle obligation réglementaire. Ainsi, depuis le 1er janvier 2022, le Code des Assurances impose aux assureurs de proposer – pour chaque produit – au moins un support :

  • labellisé « ISR » (Investissement Socialement Responsable)
  • labellisé « Greenfin »
  • solidaire, labellisé « Finansol » par exemple

Les fonds ISR doivent prendre en compte des critères extra-financiers, dits « ESG » (Environnementaux, Sociaux et Gouvernance) en plus des critères financiers dans leurs choix d’investissement :

  • Le critère environnemental mesure l’impact de l’entreprise sur l’environnement (par exemple : les émissions de CO², le recyclage des déchets, …)
  • Le critère social montre la relation de l’entreprise vis-à-vis de ses parties prenantes (par exemple : la qualité du dialogue social, le respect des droits humains, …)
  • Le critère gouvernance porte sur la façon dont l’entreprise est dirigée, administrée et contrôlée (par exemple : la lutte contre la corruption, la transparence de la rémunération des dirigeants, …)

Le label Greenfin est attribué aux fonds investissant dans l’économie verte, c’est-à-dire qui participent à la transition énergétique et écologique. Il exclut les entreprises opérant dans le secteur nucléaire et les énergies fossiles. Ainsi, il est plus exigeant que le label ISR sur les critères environnementaux.

Quant aux fonds dédiés à l’économie sociale et solidaire (ESS), ils peuvent obtenir le label Finansol qui cible des activités à forte utilité sociale et / ou environnementale. Les secteurs d’activités financés sont principalement :

  • L’emploi et la création d’entreprise
  • Le logement social
  • Les activités écologiques
  • L’entreprenariat dans les pays en développement

Les fonds labellisés ISR sont les plus représentés, avec actuellement près de 1200 fonds ISR contre environ 200 fonds Finansol et une centaine de fonds Greenfin.

À ces labels s’ajoute une classification des fonds en matière d’investissement durable. Depuis le 10 mars 2021, le règlement européen SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation) impose une classification des fonds en trois articles :

  • Article 6 : fonds sans objectifs de durabilité
  • Article 8 : fonds avec objectifs de durabilité qui intègrent les critères ESG dans leur gestion et promeuvent des caractéristiques environnementales et (ou) sociales mais qui n’ont pas d’objectif d’investissement durable.
  • Article 9 : fonds avec un objectif d’investissement durable. Ils sont soumis à des obligations d’explication méthodologique, d’évaluation et d’amélioration de critères de transparence. C’est l’article le plus difficile à obtenir. Ces fonds sont également appelés « super verts » ou « dark green ».

Ces fonds durables se multiplient dans chaque enveloppe d’investissement : PEA, assurance-vie, PER, PEE, CTO, etc. répondant ainsi aux nouveaux besoins des investisseurs.

Pour cela, l’épargnant peut donc s’intéresser aux labels et à la classification SFDR qui répond à ses convictions. Il peut même combiner plusieurs labels en plus de l’article 9 pour obtenir une sélection de fonds renforcée en matière d’investissement durable. Il disposera ainsi d’une allocation patrimoniale responsable sur mesure puisque reposant sur ses propres valeurs.

Pour les personnes qui n’ont pas le temps et / ou les connaissances pour identifier des fonds durables, des gestions pilotées 100 % éco-responsables ont été créées par les acteurs financiers.

Ainsi, Yomoni et Nalo, deux Fintechs lancées en 2015 et 2017, proposent d’investir dans des assurances-vie responsables. Celles-ci sont en gestion pilotée, c’est-à-dire que la gestion de l’épargne est confiée à un professionnel qui sélectionne lui-même les fonds responsables en fonction du profil investisseur de l’épargnant. La société Goodvest, Fintech créée en 2020, présente un PER en gestion pilotée investissant dans des fonds respectant des critères environnementaux et éthiques stricts.

Une labellisation pas toujours si verte

Pour ceux qui souhaitent investir eux-mêmes dans des fonds responsables, il apparaît nécessaire d’examiner la composition des fonds dans les reportings pour vérifier si les sociétés présentes sont bien en accord avec les valeurs environnementales et sociétales de l’investisseur.

En effet, pour l’attribution du label ISR, il n’existe pas de critères standards qui définissent les activités durables d’une entreprise. Dès lors, la définition de la durabilité incombe aux gestionnaires des fonds. Ce label est ainsi souvent critiqué pour son manque d’homogénéité, sa souplesse dans les critères d’éligibilité (que l’on constate au vu du nombre de fonds labellisés ISR) et son déficit de transparence quant à la performance écologique et sociale des fonds labellisés.

Le label Greenfin est plus exigeant que le label ISR puisqu’il exclut les entreprises du secteur nucléaire et des énergies fossiles mais il ne garantit pas que le fonds investit à 100 % dans des éco-activités. En effet, un fonds peut très bien inclure une poche composée d’entreprises ne réalisant aucun ou très peu de chiffre d’affaires dans des éco-activités et être labellisé Greenfin.

Le label Finansol semble être le choix le plus restrictif puisqu’il offre une garantie de l’affectation de l’épargne au financement de l’économie sociale et solidaire et une transparence sur la composition du produit.

Quant à l’article 9, un consortium de journalistes dont Follow the Money et Le Monde a montré en 2022 dans une enquête intitulée The Great Green Investment Investigation que près de la moitié des fonds classés en article 9 investissaient dans des secteurs d’activités liés aux énergies fossiles et à l’aviation. En effet, la définition d’un investissement durable reste relativement floue à ce stade. Chaque gérant peut avoir sa propre interprétation et des fonds peuvent être classés en article 8 ou en article 9.

La Commission Européenne a d’ailleurs été sollicitée pour apporter des précisions sur les critères de durabilité permettant de définir un fonds article 9, mais elle a indiqué qu’elle n’apporterait pas de réponse à cette question et laisse ainsi au secteur financier la possibilité de choisir ce qu’il considère comme un actif durable.

Performance et durabilité apparaissent comme compatibles

Un fonds durable opère un filtre dans sa sélection de sociétés pour répondre à ses objectifs de durabilité, contrairement à un fonds classique qui a plus de liberté dans le choix de ses sociétés. Cette pratique entraîne une moindre diversification du portefeuille du fonds, et mathématiquement une dégradation théorique du couple rendement / risque.

Or, si l’on prend comme exemple l’indice MSCI World (indice qui représente le marché des actions internationales regroupant 23 pays développés avec environ 1500 sociétés), sa performance est plus faible que celle de son homologue ISR (qui se compose d’environ 400 sociétés) sur de longues périodes.

Entre 2009 et 2022, l’indice « MSCI World ISR » affiche une performance moyenne annualisée légèrement supérieure à celle de l’indice « MSCI World » avec une moindre volatilité (cf. graphique ci-dessous).

Le rapport rendement / risque est donc en faveur du « MSCI World ISR ».

Plusieurs facteurs expliqueraient cette meilleure performance des fonds durables :

  • Les entreprises éthiques et respectueuses des considérations ESG auraient une meilleure gestion des risques, des activités plus pérennes et des relations de qualité avec leurs parties prenantes
  • Ils détiendraient davantage de valeurs « value », c’est-à-dire sous-valorisées et offrant donc un potentiel de hausse plus intéressant
  • La présence d’écarts sectoriels (par exemple, l’indice ISR est sous-pondéré dans le secteur énergétique – avec l’exclusion des sociétés liées aux énergies fossiles). Lorsque ce dernier sous-performe les autres secteurs, l’indice ISR a tendance à surperformer son indice classique.

Investissement et considérations environnementales et sociétales ne sont donc pas nécessairement antinomiques. Néanmoins, selon la formule consacrée, les performances passées ne préjugent pas des performances futures et l’avenir nous dira si cette tendance se confirme.

En outre, les épargnants qui possèdent des fonds durables sont souvent prêts à accepter une moindre performance au profit d’un investissement correspondant à leurs convictions environnementales et sociétales. La recherche de la performance immédiate ne constitue pas la motivation première de ce type d’investisseur qui privilégie les sociétés de qualité et la croissance à long terme.

Dans tous les cas, l’investissement durable devrait connaître un regain d’intérêt dans l’allocation patrimoniale des Français en raison du rajeunissement des investisseurs. Un renforcement des critères d’attribution des labels et une clarification de la classification SFDR apparaissent dès lors comme nécessaires pour éviter tout soupçon d’écoblanchiment et poursuivre le processus d’acculturation à la durabilité.

[1] Fondée en 2001, Novethic est une filiale du Groupe Caisse des Dépôts. À la croisée des stratégies de finance durable et des pratiques de responsabilité sociétale des entreprises, Novethic déploie ses expertises – média, recherche, audit et formation – pour permettre aux professionnels de relever les défis de la transformation durable. Source : https://www.novethic.fr/

[2]https://www.amf-france.org/fr/actualites-publications/publications/rapports-etudes-et-analyses/les-francais-et-les-placements-responsables-opinionway-pour-lamf-juillet-2023

Agents are using pens pointing to contracts and are being explai

La réforme du courtage entre opportunités et défis

Emanuela Popa
Consultante
Kévin Martins
Consultant

Le 8 avril 2021, la loi relative à la réforme du courtage de l’assurance et du courtage en opérations de banque et en services de paiement a été adoptée. Elle poursuit deux objectifs : structurer l’écosystème du courtage français en accompagnant les courtiers pour qu’ils se mettent en conformité au regard d’une réglementation de plus en plus exigeante et renforcer la protection des consommateurs.

Ainsi, tous les courtiers de l’assurance (IAS ou “Intermédiaires en Assurance”), les courtiers en opérations de banque et services de paiement (IOBSP ou “Intermédiaire en Opérations de Banque et en Services de Paiement”) et leurs mandataires ont l’obligation d’adhérer à une association professionnelle agréée par l’ACPR (Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution) avant de pouvoir s’inscrire ou de renouveler leur immatriculation à l’ORIAS (Organisme pour le Registre unique des Intermédiaires en Assurance, banque et finance) pour exercer leur activité. Ces associations seront chargées de missions de vérification et d’accompagnement. Elles permettront à l’ACPR de renforcer l’encadrement de l’activité de courtage grâce à une collecte de données plus importantes et plus précises.

En outre, l’autre grand axe de cette réforme est la mise en place de nouvelles règles en matière de démarchage téléphonique afin de mieux protéger le grand public.

La mise en place de cette réglementation s’est faite en deux temps :

  • Depuis le 1er avril 2022 pour les nouveaux entrants (c’est-à-dire tous les nouveaux intermédiaires qui déposent leur première demande d’immatriculation auprès de l’ORIAS)
  • A partir du 1er janvier 2023 et jusqu’au 28 février 2023 pour tous les IOBSP et IAS déjà immatriculés à l’ORIAS

Dans quel contexte s’inscrit cette réforme ?

Les courtiers n’appliquent pas toujours les nouvelles règlementations telles que le RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données) ou encore la DDA (Directive sur la Distribution en Assurance). Cette refonte approfondie des règles en matière de distribution de produit d’assurance a été lancée suite au constat du Ministère de l’Économie et des Finances sur les nouvelles obligations de formation issues qui n’ont pas été totalement respectées en 2019 et en 2020.

Par ailleurs, des dysfonctionnements ont été mis en évidence par un nombre important d’appels à visée commerciale qui n’ont pas été sollicités (notamment à propos de contrats de complémentaire santé) alors même que les règles du démarchage téléphonique ont été durcies.

De plus, une large consultation des professionnels du courtage a permis d’élaborer les textes sur lesquels s’appuie cette proposition de loi.

 Qui est concerné ?

On estime à un peu plus de 60 000 le nombre d’intermédiaires qui auront l’obligation d’adhérer à une association professionnelle, dont :

  • 24 000 courtiers en assurance
  • 30 000 intermédiaires en opérations de banque et services de paiement
  • 7 700 intermédiaires en Libre Prestation de Service (“LPS”) ou en Libre Établissement (“LE”) sur le sol français.

 Si un courtier exerce une double activité (à la fois IAS et IOBSP), il doit adhérer à une association professionnelle pour chacune d’elle. Certaines catégories d’intermédiaires immatriculés à l’ORIAS sont exclues de la réforme :

  • Les établissements de crédit et sociétés de financement
  • Les sociétés de gestion de portefeuille
  • Les entreprises d’investissement
  • Les agents généraux d’assurance
  • Les mandataires d’intermédiaire des personnes citées ci-dessus.

 Pour quels objectifs ?

Pour bénéficier d’un agrément par l’ACPR, les associations professionnelles qui le souhaitent doivent fournir un dossier de candidature qui répond aux conditions encadrées par les articles L. 513-3 du code des assurances et L. 519-11 du Code Monétaire et Financier.

L’agrément accordé par l’ACPR les investira d’une mission de délégation de service public consistant à :

  1. Proposer les services d’un médiateur à l’ensemble de leurs adhérents
  2. Labelliser des dispositifs de formation, pour répondre aux obligations en matière de formation continue (15 heures / an pour les IAS et 7 heures / an pour les IOBSP) et accompagner la montée en compétence des courtiers
  3. Vérifier les conditions d’accès à la profession des dirigeants et des salariés et le respect des exigences professionnelles, au moins tous les 5 ans
  4. Proposer un accompagnement dans l’activité du courtage en assurance et IOBSP, notamment par la collecte de données statistiques
  5. Accompagner la mise en œuvre sur le terrain des règles en matière de protection du consommateur (meilleur encadrement du démarchage téléphonique en matière de distribution des produits d’assurance, avec obligation de conserver les enregistrements des appels de vente durant deux années)
  6. Édicter des recommandations à l’égard de leurs membres dans les principaux domaines pour lesquels la directive (UE) 2016/97 interdit de leur confier des pouvoirs de contrôle
  7. Assurer le secret professionnel dans le cadre de ses missions
  8. Fournir un rapport annuel agrégé de ses activités et des activités de ses membres.

Le cinquième point de la réforme du courtage stipule que tout intermédiaire en assurances qui contacte un prospect par téléphone doit respecter les règles suivantes :

  • L’enregistrement de l’appel
  • Le recueil de l’accord préalable du prospect à la poursuite de la communication (à défaut d’accord, l’intermédiaire doit mettre fin à l’appel)
  • Si l’offre proposée par l’intermédiaire concerne un risque déjà couvert, il doit s’assurer que le souscripteur potentiel peut résilier son contrat en cours avant ou concomitamment à la prise d’effet du contrat proposé ; avant la conclusion du contrat, l’intermédiaire doit s’assurer de la bonne réception des documents et informations précontractuelles par le souscripteur
  • Enfin, la signature du contrat ne peut être que manuscrite ou électronique : elle ne peut pas intervenir lors d’un appel téléphonique.

En outre, les associations seront encadrées par des règles qui garantiront leur indépendance et leur impartialité. Elles devront atteindre un seuil de représentativité fixée à au moins 10 % du nombre total de professionnels tenus à l’obligation d’adhésion dans un délai de deux ans. A défaut, l’association perdra son agrément. Elles disposeront également d’un pouvoir disciplinaire, pourront adresser un avertissement ou un blâme, mais aussi demander la radiation d’un intermédiaire de l’association professionnelle ou refuser son adhésion. Afin de parer à tout conflit d’intérêts, la décision de radiation ou de refus d’adhésion sera rendue par une commission spécialement constituée. Elle devra être motivée et notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception à l’adhérent ainsi qu’à l’ORIAS et l’ACPR.

 Au 22 mars 2022, une association professionnelle pour IAS et 6 associations professionnelles pour IOBSP et IAS ont obtenu leur agrément de la part de l’ACPR :

  • Votrasso (IAS)
  • CNCEF Assurance et Crédit (IAS et IOBSP)
  • La Compagnie (IAS et IOBSP)
  • ANACOFI Courtage (IAS et IOBSP)
  • ENDYA (IAS et IOBSP)
  • L’Association Française des Intermédiaires en Bancassurance (IAS et IOBSP)
  • La Chambre Nationale des Conseils en Gestion de Patrimoine (IAS et IOBSP).

  Cette réforme est une véritable opportunité pour les plus petites structures (courtiers de proximité, entrepreneurs individuels et très petites entreprises) qui n’ont pas les armes pour faire face aux nombreux changements règlementaires et à l’évolution du métier de courtier qui est de plus en plus technique.

 Pour l’accompagnement et la montée en compétence des courtiers, les évolutions s’appuient sur plusieurs axes clés : collecte des données et vérifications, renforcement des règles sur le démarchage téléphonique, formation continue. Cet ensemble doit permettre d’atteindre l’objectif final annoncé : la protection du consommateur.

  Bien entendu, il sera nécessaire d’attendre quelques années afin de pouvoir faire un bilan de cette réforme et de vérifier l’impact de ces nouvelles règles sur l’activité. Le niveau d’implication des professionnels du secteur dépend en grande partie de leur enregistrement et de leur contribution dans les associations de professionnels qui vont permettre une forme d’autorégulation. D’ailleurs, au 28 février 2023 (date initiale de clôture des inscriptions au registre unique), l’Orias a constaté un retard global des renouvellements assez significatif : 75 % des inscriptions étaient renouvelées en 2023 contre 95 % lors de la clôture en 2022. Enfin, il convient de surveiller les risques de délégation de l’ACPR aux associations : en effet, la dynamique de relation entre ces dernières et le régulateur doit permettre à chacun de rester dans son rôle.

 Sources :

https://acpr.banque-france.fr/autoriser/associations-de-courtiers

https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/2021/12/21/la-reforme-du-courtage

https://cibfinance.pro/2019/04/reforme-du-courtage-association-professionnelle

https://www.senat.fr/les_actus_en_detail/article/courtage-de-lassurance.html

Accountant Checking Business Invoice Or Bill

La facturation électronique, une nouvelle étape vers le tout-digital

Steve Suied
Ingénieur Conseil

La facturation électronique est un concept qui a pris de l’ampleur ces dernières années. Avec la numérisation croissante des entreprises, de nombreux processus papier sont désormais gérés de manière électronique. La facturation ne fait pas exception à cette tendance. Les gouvernements du monde entier ont également commencé à encourager l’utilisation de la facturation électronique en reconnaissant ses avantages en termes d’efficacité et de réduction des coûts.

Qu’est-ce qu’une e-facture et quels sont ses avantages ?

La facturation électronique est un moyen de facturation qui consiste à émettre et à recevoir des factures sous forme électronique. Contrairement aux factures papier traditionnelles, les factures électroniques sont transmises et stockées de manière numérique. La facturation électronique offre de nombreux avantages, notamment une réduction des coûts, une plus grande rapidité de traitement, une meilleure sécurité et une réduction de l’impact environnemental.

La facturation électronique peut être mise en place de différentes manières. Les entreprises peuvent utiliser des solutions de facturation électronique proposées par des fournisseurs de logiciels spécialisés ou intégrer la facturation électronique dans leur propre système de gestion électronique des documents. Les factures électroniques peuvent être envoyées et reçues par e-mail, téléchargées à partir d’un portail en ligne, envoyées via une plateforme d’échange de données, ou encore envoyées directement à un système de gestion électronique des factures.

La facturation électronique offre de nombreux avantages pour les entreprises. Tout d’abord, elle réduit les coûts de traitement des factures. Les entreprises n’ont plus besoin d’imprimer, d’envoyer ou de stocker des factures papier, ce qui réduit les coûts de papier, d’encre et d’affranchissement. En outre, les factures électroniques sont traitées plus rapidement que les factures papier, ce qui représente un gain de temps significatif. Cela peut entraîner une réduction des coûts de personnel et une amélioration de la productivité.

La facturation électronique offre également une meilleure sécurité des données. En effet, les factures papier peuvent être facilement perdues ou endommagées, ce qui peut causer des retards de paiement et des erreurs de facturation. Les factures électroniques sont stockées de manière numérique et sont sauvegardées sur un ou plusieurs serveurs, garantissant ainsi leur sécurité et leur intégrité. En outre, les factures électroniques peuvent être facilement retrouvées et consultées, avec pour effet de réduire les erreurs de facturation et de faciliter la résolution des litiges.

Enfin, la facturation électronique est plus respectueuse de l’environnement que la facturation papier. La production de papier nécessite des ressources naturelles telles que les arbres et l’eau. La production d’encre et l’envoi de factures papier génèrent des émissions de gaz à effet de serre. En utilisant la facturation électronique, les entreprises peuvent diminuer leur consommation de papier et d’énergie, contribuant ainsi à la préservation de l’environnement.

Contexte, enjeux et cadre légal de la facturation électronique

La facturation électronique a franchi une première étape avec sa généralisation en B2G (“Business to Government”) au sein de l’UE, notamment à travers la mise en œuvre de la directive 2014/55/UE. Par ailleurs, elle figure parmi les priorités de travail de la Commission européenne concernant les transactions B2B.

L’article 62 de la loi de finances pour 2023 intègre à l’article 289 du Code Général des Impôts le recours à la procédure de cachet électronique qualifié pour l’émission ou la réception des factures électroniques.

L’ordonnance n° 2021-1190 du 15 septembre 2021 prévoit également la généralisation de la facturation électronique entre entreprises assujetties à la TVA. Cette obligation a notamment pour objectif de renforcer la compétitivité des entreprises.

Les bénéfices attendus de la réforme sont multiples :

Pour l’État :

  • Expositions IPRE : financement qui repose sur les revenus générés par le bien en garantie
  • Expositions ADC : expositions sur l’acquisition de terrains, la promotion et la construction de biens
  • Renforcement de la lutte contre la fraude à la TVA
  • Diminution des coûts déclaratifs et faciliter les déclarations avec à terme le pré-remplissage des déclarations de TVA
  • Réduction des coûts et les délais de paiement pour permettre l’amélioration de la compétitivité
  • Amélioration de la connaissance en temps réel de l’activité des entreprises et le pilotage des politiques publiques

Pour les entreprises :

  • Grain de temps et réduction des coûts de traitement des factures grâce à la baisse des erreurs de saisie, l’intégration automatique, la baisse des coûts d’impression et de stockage, la suppression des erreurs d’acheminement, etc.
  • Amélioration du suivi des factures grâce à une meilleure traçabilité des factures et au suivi du statut de la facture
  • Amélioration du pilotage de l’activité et de la trésorerie grâce au tableau de bord et au suivi du cash en temps réel
  • Réduction et amélioration du traitement des litiges sur les délais de paiement grâce à la validation de la facture en amont et l’automatisation possible du paiement
  • Concurrence loyale pour les entreprises vertueuses vs. les entreprises pratiquant la fraude à la TVA.

Chiffres clés :

  • 20 à 25 milliards de pertes sur la TVA
  • 2,5 milliards de factures dont 3% de factures au format numérique en France (vs 30 % dans le monde)
  • 90 % d’économie par rapport au traitement papier
  • 30% de réduction du temps de traitement

Le périmètre de la facturation électronique

La facturation électronique, ou e-invoicing, concerne l’ensemble des opérations d’achats et de ventes de biens et / ou de prestations de services réalisées entre des entreprises établies en France qui sont assujetties à la TVA dès lors qu’il s’agit d’opérations dites domestiques, c’est-à-dire qui concernent le territoire national.

Il existe plusieurs exclusions à cette obligation de facturation électronique :

  • Les transactions internationales ou intracommunautaires ;
  • Les transactions avec les particuliers (BtoC) ;
  • Certaines opérations sectorielles comme les prestations dans le domaine de la santé, d’enseignement et de formation, les opérations immobilières, les opérations réalisées par des associations à but non lucratif, les opérations bancaires et financières ainsi que les opérations d’assurance et de réassurance.

Les entreprises concernées par le e-invoicing doivent transmettre à l’administration fiscale certaines informations (opération appelée e-reporting) relatives à des opérations commerciales qui ne sont pas concernées par la facturation électronique. Il s’agit notamment des entreprises soumises à la TVA en France et qui commercent avec des particuliers et plus largement des non-assujettis, ou avec des entreprises non établies sur le territoire national. Ces données sont par exemple le montant de l’opération ou le montant de la TVA facturée.

Sanctions en cas de non-respect des obligations de facturation électronique et de transmission des données

Le non-respect des obligations de facturation et de transmission des données de facturation donnera lieu à une amende :

  • 15 € par facture en cas de non-émission d’une facture sous format électronique, plafonnée à 15 000 € par année civile ;
  • 250 € en cas de non-respect à l’obligation de e-reporting, plafonnée à 15 000 € par année civile.

Les plateformes de dématérialisation qui ne transmettraient pas les informations à l’administration fiscale seraient également sanctionnées de 15 € par facture et 750 € par transmission, plafonné pour les deux sanctions à 45 000 € par année civile.

Mode de transmission

Pour émettre ou recevoir une facture électronique d’un fournisseur, une entreprise pourra utiliser, au choix :

  • Une plateforme de dématérialisation partenaire de l’administration (PDP), c’est-à-dire immatriculée par l’administration fiscale ; cette PDP pourra être la même que celle du fournisseur ou bien une plateforme distincte ;
  • Le portail public de facturation Chorus Pro.

Les données des transactions d’e-reporting devront elles aussi être transmises par l’entreprise qui réalise l’opération, à l’administration fiscale, par l’intermédiaire d’une PDP ou via le PPF (Portail Public de Facturation)

Normes applicables

  • La norme européenne (CEN, EN16931) pour les factures électroniques structurées publiée le 28/06/2017, implémentée en XML UBL et UN/CEFACT SCRDM CII XML, est obligatoire en réception pour toute entité publique en UE depuis le 20 avril 2020 ;
  • La norme Factur-X, ou facture hybride (pdf + données structurées essentielles) concentre un standard franco-allemand 100% identique qui comprend 5 profils de données pour s’adapter aux capacités des PME.

La norme Factur-X est idéale pour les TPE-PME. En effet, elle est lisible à l’œil humain et compatible avec tout ordinateur : le fichier PDF (A3) permet une gestion automatisée et le fichier xml fait partie d’un des trois formats du socle.

  • La norme facture électronique en EDI utilisée par les grandes entreprises permet l’envoi des factures dématérialisées du système d’information de l’émetteur à celui du récepteur. Elle nécessite des investissements logiciels importants et des accords préalables entre émetteurs et récepteurs sur les formats et structures utilisés.

Le calendrier de mise en place de la facturation électronique

La facturation électronique entre les entreprises françaises assujetties à la TVA interviendra progressivement entre 2024 et 2026. Celles-ci devront se conformer à des procédures encadrées :

En conclusion, la facturation électronique est un moyen efficace et rentable de facturer. Elle permet de réduire les coûts, d’améliorer la sécurité et de réduire l’impact environnemental. Les entreprises peuvent choisir parmi une variété de solutions de facturation électronique, en fonction de leurs besoins et de leurs préférences. Les avantages de la facturation électronique sont nombreux et les entreprises devraient envisager de l’adopter pour améliorer leur efficacité et leur rentabilité.

CRR3_header

La nouvelle approche standard du risque de crédit dans le cadre de CRR3 (Capital Requirement Regulation)

Stéphane Césaire-Gédéon
Consultant

Contexte

Le 27 octobre 2021, la Commission Européenne a publié le règlement CRR3 qui, avec la directive CRD6, constitue le dernier volet des réformes réglementaires Bâle III engagées à la suite de la crise financière mondiale de 2007-2009.

Dans ce règlement, les modifications sur les dispositions de l’approche standard du risque de crédit pour le calcul des emplois pondérés entrent en vigueur le 1er janvier 2023 (1) et impliquent les changements les plus significatifs pour les raisons suivantes :

  • Pour la plupart des banques, le risque de crédit représente la plus grande part du risque ;
  • L’approche standard du risque de crédit est la plus utilisée dans le monde (par comparaison avec l’autre approche autorisée qui est fondée sur les notations internes).

Le défaut principal identifié sur cette approche standard du risque de crédit est le manque de sensibilité au risque qui résulte d’une mauvaise estimation des risques et donc des montants d’emplois pondérés inappropriés. De ce fait, l’objectif principal du texte est de restaurer la crédibilité du ratio de solvabilité en apportant cette plus grande sensibilité au risque.

Ceci se traduit concrètement par :

  • une granularité plus fine des catégories d’exposition,
  • la recalibration des pondérations et facteurs de conversion,
  • l’introduction de nouvelles pratiques pour calculer la pondération (ex : ratio exposure-to-value, l’approche SCRA décrite dans la suite de cet article),
  • la modification des conditions d’application de certaines pondérations,
  • la volonté de réduire le recours mécanique aux notations de crédit externes en imposant une due diligence autour de l’utilisation des notations et la conception de certaines approches de pondération non fondées sur les notes.

Les sections suivantes décrivent donc ces changements pour atteindre les objectifs du régulateur par catégorie d’exposition.

 Expositions du hors bilan

En plus d’une reclassification des éléments de hors bilan avec un regroupement en classes de risque graduées de 1 à 5, les conditions d’application sont également précisées par une définition du terme « engagement » et une dérogation pour les types d’accords contractuels qui ne doivent pas être considérés comme des engagements.

En outre, les niveaux de pondération sont à la hausse puisque le facteur de conversion de 0 % est supprimé et deux nouveaux facteurs de conversion sont introduits : un facteur intermédiaire de 40 % et un facteur de 10 % (qui devient la pondération minimum). Cependant, les établissements pourront continuer à appliquer un facteur de conversion de 0 % sur les accords contractuels qui ne sont pas considérés comme des engagements.

Expositions sur les établissements financiers

En complément de l’approche existante par laquelle une pondération est déterminée en fonction des notations de crédit fournies par les agences de notation (approche dite “ECRA”), CRR3 introduit une nouvelle approche appelée SCRA (l’approche standard de l’évaluation du risque de crédit) lorsqu’aucune notation n’est disponible.

Établissements notés (approche ECRA)

Cette approche se caractérise par un abaissement de la pondération de 50 % à 30 % pour les expositions sur des établissements pour lesquels une agence de notation a attribué une note correspondant à un échelon de qualité de crédit de niveau 2 sans changement sur les expositions à court terme.

Néanmoins, dans l’optique de contrôler l’adéquation du niveau de risque retenu, les établissements sont soumis à des exigences de diligence sur les notes émises par les agences de notation afin d’éviter une application mécanique des pondérations. Cela dit, la règlementation ne précise pas encore en détail la façon dont ces diligences doivent être effectuées.

Établissements non notés (approche SCRA)

Avec SCRA, les établissements sont classés dans trois nouvelles classes de A à C comme ci-dessous.

*Les expositions classées dans l’échelon A qui ne sont pas à court terme reçoivent une pondération de risque de 30 % lorsque le ratio de fonds propres de base de catégorie 1 de l’établissement est égal ou supérieur à 14 % et le ratio de levier est supérieur à 5 %.

Par rapport au texte précédent, la pondération minimum par défaut a été doublée (de 20 % à 40 %) pour les expositions qui ne sont pas à court terme.

D’autre part, la pondération dépendait exclusivement d’un échelon de crédit attribué aux expositions de l’administration centrale alors que le traitement CRR3 s’affranchit de l’exploitation d’une notation de crédit et prend plutôt en compte le respect des exigences de fonds propres et le niveau de dépendance aux conditions économiques favorables pour honorer les engagements financiers (voir tableau ci-dessus).

Ceci va clairement dans la direction souhaitée d’augmenter la sensibilité au risque avec, au passage, une diminution de la dépendance aux systèmes de notation.

Expositions sur les entreprises hors financement spécialisé

L’abaissement de la pondération de 100 % à 75 % est applicable aux expositions sur des entreprises pour lesquelles une agence de notation a délivré une note correspondante à un échelon de qualité de crédit de niveau 3. Ensuite, les expositions pour lesquelles il n’existe pas d’évaluation de crédit reçoivent une pondération de risque de 100 % sauf pendant une période transitoire. En effet, durant cette dernière, une pondération de risque de 65 % est appliquée lorsque l’exposition présente une probabilité de défaut jusqu’à 0,5 %.

Cette dernière disposition est liée à l’application du nouveau plancher de fonds propres (2) qui implique que les établissements qui appliquent l’approche de notation interne calculent également les emplois pondérés avec l’approche standard de risque de crédit qui utilise des notations externes. Étant donné que peu d’entreprises de l’Union Européenne sollicitent des notations externes et que les pondérations avec l’approche standard sont plus prudentes pour les entreprises non notées, cette situation va augmenter les exigences de fonds propres pour les établissements et donc le risque que les banques restreignent les prêts aux entreprises non notées.

Afin de remédier à cette situation, la disposition transitoire qui va durer jusqu’au 31 décembre 2032, offre du temps pour la mise en place d’initiatives visant à étendre la couverture de notation de crédit externe. Les autorités de surveillance sont chargées d’orienter ces initiatives avec la préparation d’un rapport sur les mesures à prendre pour remédier aux obstacles à la disponibilité d’évaluation de crédit.

Expositions de financement spécialisé

Le nouveau règlement introduit une nouvelle sous-catégorie « financement spécialisé » au sein de la catégorie existante « expositions sur les entreprises ». Elle est subdivisée entre les trois types suivants : le financement d’objets, le financement de matières premières et le financement de projets.

En plus de cette nouvelle classification, une granularité complémentaire offre un traitement favorable en matière de fonds propres pour les expositions non notées sur les financements d’objets qui remplissent des critères établissant un profil de risque à un niveau de « qualité élevée » (les critères sont spécifiés dans l’article 122 bis de CRR3).

Deux approches de pondération vont cohabiter : une première concerne les expositions pour lesquelles une notation externe existe, et une deuxième pour celles qui sont non notées.

Expositions notées de type financement spécialisé

Le niveau de pondération est défini de 20 % à 150 % en fonction de l’échelon de qualité de crédit.

Expositions non notées de type financement spécialisé

Sur cette nature d’exposition, l’effort du régulateur pour mettre en place une pondération détaillée est particulièrement perceptible. Cette pondération dépend de l’objet du financement et des spécificités associées pour qu’elles soient adaptées (voir tableau ci-dessous).

* à condition que l’ajustement des exigences de fonds propres pour risque de crédit prévu à l’article 501 bis ne soit pas appliqué.

Expositions sur la clientèle de détail

Le nouveau règlement ajoute une pondération de 45 % à la pondération par défaut de 75 % pour certaines expositions renouvelables (3) qui ont un profil de risque réduit dit « expositions sur transactionnaire »

Un multiplicateur fixé à 1,5 de la pondération est également mis en place pour les expositions non couvertes lorsqu’il y a une différence entre la monnaie du prêt et celle de la source de revenu du débiteur. Toutefois, il existe un plafond de 150 % sur la pondération qui résulte de ce calcul.

Par ailleurs, une dérogation permet d’appliquer une pondération de 35 % sur les expositions liées à des prêts aux retraités / employés en échange d’une partie de la pension / salaire de l’emprunteur à l’établissement.

En revanche, les expositions sur des personnes physiques qui ne remplissent pas toutes les conditions pour être considérées comme des expositions sur la clientèle de détail doivent être pondérées à 100 %.

Expositions garanties par une hypothèque sur un bien immobilier

Le nouveau traitement de pondération garde la distinction entre les hypothèques résidentielles et commerciales mais ajoute de nouvelles distinctions :

  • Expositions IPRE : financement qui repose sur les revenus générés par le bien en garantie
  • Expositions ADC : expositions sur l’acquisition de terrains, la promotion et la construction de biens

Il prévoit également un traitement alternatif plus sensible au risque en fonction d’un ratio Exposure-to-value : montant brut de l’exposition / valeur du bien.

Les règles avec ces nouveaux éléments et cette nouvelle granularité sont résumées dans le tableau ci-dessous.

À noter : des autorités compétentes peuvent augmenter les niveaux de pondération du tableau ci-dessus. Pour faciliter cet exercice, l’autorité bancaire européenne doit soumettre des projets de normes techniques de règlementation à la Commission Européenne d’ici le 31 décembre 2024.

Par dérogation, une exposition IPRE qu’elle soit garantie par un bien immobilier résidentiel ou commercial peut bénéficier du traitement fractionné si le taux de perte agrégé de tous les établissements de crédit est en-dessous des limites fixées au cours de l’année précédente :

  • Pour la partie des expositions inférieure ou égale à 55 % de la valeur du bien, le taux de perte doit être inférieur ou égal à 0,3 % de l’encours total des obligations de crédit,
  • Pour la partie des expositions inférieure ou égale à 100 % de la valeur du bien, le taux de perte doit être inférieur ou égal à 0,5 % de l’encours total des obligations de crédit.

Comme dans la catégorie « Clientèle de détail », un multiplicateur fixé à 1,5 est appliqué à la pondération pour les expositions non couvertes lorsqu’il y a une différence entre la monnaie du prêt et celle de la source de revenu du débiteur sans dépasser le plafond de 150 % sur la pondération.

Une fois de plus, les dispositions pour cette catégorie d’exposition reflètent cette volonté d’affiner les pondérations appliquées par une identification plus précise des cas d‘application.

Expositions sur les créances subordonnées

Application d’une pondération de risque de 150 % par défaut sur les créances subordonnées.

Expositions sur les actions

Les expositions sur actions cotées porteront une pondération de risque de 250 % par défaut au lieu de 100 % précédemment, et les expositions sur actions non cotées seront pondérées à 400 % par défaut. Ces pondérations seront introduites progressivement comme ci-dessous :

Parmi les exceptions, on peut noter qu’une pondération de 100 % peut être appliquée pour des expositions sur actions dans le cadre de programmes législatifs destinés à promouvoir certains secteurs de l’économie ou les expositions portant sur des banques centrales.

 Conclusion

A priori, la réforme va entraîner un alourdissement des exigences en fonds propres pour de nombreuses de banques de l’Union Européenne.

Les changements sont significatifs à la fois pour les niveaux de pondération, les conditions de classement dans une catégorie d’exposition et dans certains cas, la méthode d’estimation des pondérations.

Par conséquent, au regard de ces nombreuses évolutions, les banques doivent fournir un travail conséquent pour répondre aux exigences du régulateur dont l’objectif semble atteint pour certaines natures d’exposition, en particulier pour les expositions sur les financements spécialisés et celles qui sont garanties par un bien immobilier.

(1) Report de la date initialement au 1er janvier 2022, en réponse à la crise COVID-19.

(2) Le plancher de fonds propre révisé prévoit que les emplois pondérés calculés avec les modèles internes ne peuvent pas être inférieurs à 72,5 % des emplois pondérés calculés à l’aide des approches standards.

(3) L’exposition est dite renouvelable lorsque son solde dû par l’emprunteur peut évoluer en fonction de ses décisions d’emprunt ou de remboursement dans les limites fixées.

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Le Règlement Général sur la Protection des Données : 4 ans après, quel bilan ?

Amandine Paralvas
Consultante

Le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) est entré en vigueur le 25 mai 2018. Il encadre l’accès et l’utilisation des données à caractère personnel et s’applique à l’ensemble des résidents de l’Union européenne. Son adaptation au droit français par le décret n° 2019-536 complète la loi « Informatique et Libertés » et permet aux Français de mieux contrôler leur vie privée numérique. Il fixe un cadre unifié et exigeant pour l’ensemble des entreprises et organisations hexagonales, quels que soient leur taille et leur secteur d’activité.

4 ans de mise en conformité : de nombreuses sanctions ont été infligées en France…

Les entreprises et organisations ont engagé massivement des actions de mise en conformité au RGPD. Celles-ci ont surtout été motivées par la peur d’être sanctionné par la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL), comme le révèle le baromètre RGPD publié par l’entreprise Data Legal Drive en partenariat avec Lefebvre Dalloz et l’Association Française des Juristes d’Entreprise.

L’année 2021 a représenté un record dans le nombre d’actions répressives menées par la CNIL :

  • 14 143 plaintes ont été reçues, dont 12 522 ont été clôturées
  • 384 contrôles ont été effectués
  • 18 sanctions et 135 mises en demeure ont été prononcées
  • Le total cumulé des amendes s’élève à plus de 214 millions d’euros

Les sanctions et les mises en demeure ont principalement porté sur le défaut d’information des personnes, les durées de conservation excessives des données mais aussi la gestion des cookies et l’utilisation des traceurs.

En 2022, la CNIL a prononcé une amende inégalée de 60 millions d’euros à l’encontre de Microsoft Ireland Operations Limited. Elle a notamment condamné les conditions abusives du dépôt de cookies sur le site www.bing.com. En effet, à la suite d’une plainte, la CNIL a enquêté et a constaté que lorsqu’un utilisateur se rendait sur ce site, des cookies étaient déposés sur son ordinateur sans son consentement. Ces cookies poursuivaient un objectif publicitaire. La CNIL a ainsi justifié le montant de l’amende par l’ampleur du traitement, le nombre très élevé de personnes concernées et les gains publicitaires en résultant.

… et en Europe

Selon le cabinet CMS Francis Lefebvre, qui répertorie toutes les amendes rendues publiques, la CNIL et ses équivalents européens ont prononcé 438 sanctions pécuniaires pour infraction au RGPD, soit un montant total de plus de 830 millions d’euros. Ainsi, l’Union européenne joue un rôle pionnier sur la scène mondiale en matière de protection des données personnelles et de vie privée.

Sur la première marche du podium, l’Irlande et sa capitale Dublin, qui héberge le siège européen de nombreuses entreprises américaines de la Big Tech, a reçu un montant cumulé s’élevant à 687 millions d’euros. Parmi les autres entreprises visées se trouvent le groupe Meta (maison-mère de Facebook et d’Instagram) et Clearview, spécialisée dans l’intelligence artificielle et la reconnaissance faciale.

Arrivent ensuite la Grèce et la France avec respectivement 29 millions et 25 millions d’euros. Les entreprises françaises concernées sont de tailles et de formes juridiques diverses et incluent même des médecins libéraux.

Des actions concrètes en faveur du RGPD

La mise en conformité au RGPD des entreprises françaises progresse tout en s’inscrivant dans une démarche transverse et pérenne, comme le révèlent les résultats du sondage de Data Legal Drive :

  • Plus d’une entreprise sur 2 estiment avoir un niveau de conformité avancé, situé entre 50 % et 80 %.
  • 6 entreprises sur 10 ont entrepris des mesures de sécurités conformes à l’article 32 du RGPD. Les cyberattaques étant de plus en plus nombreuses, il est primordial de relever le niveau de sécurité des sites web.
  • Près de 67 % d’entre elles ont intégré une Consent Management Platform (CMP) à leur site web pour gérer la validation des cookies. Cette progression s’explique par les nouvelles directives de la CNIL qui ont exigé le recueil du consentement des internautes.
  • 40 % des sondés utilisant Google Analytics pour analyser l’activité de leur site web souhaitent migrer vers une solution alternative validée par la CNIL. 25 % persistent à utiliser Google en ajustant leurs paramétrages pour être conforme au RGPD.
  • 30 % des répondants ont digitalisé leur registre de traitement des données, notamment dans les secteurs du droit et de l’industrie. Toutes les entreprises du secteur Banque / Assurance participant à l’étude ont engagé la digitalisation de leur registre de traitement.

Les Délégués à la Protection des Données (DPO), des chefs d’orchestre avec peu de moyens

Ce constat est confirmé par l’enquête du cabinet Grant Thornton auprès de 125 DPO internes et externes. Depuis 2018, le rattachement des DPO a évolué au sein des organisations, passant de la Direction des Systèmes d’information ou la Direction Juridique à la Direction des Risques / Audit / Contrôle Interne, voire à la Direction Générale. Ce repositionnement démontre que la gouvernance des données n’est plus seulement un sujet informatique mais bien un sujet d’entreprise global.

Néanmoins, les moyens financiers stagnent depuis 2018. 55 % des DPO sondés les trouvent même insuffisants. En effet, le rattachement du DPO à une direction donnée joue fortement sur le budget alloué. L’intégration aux nouvelles directions permet certes une visibilité accrue mais s’accompagne fréquemment d’un budget limité ne répondant pas à l’intégralité des besoins. Il semblerait que les directions générales valident plus facilement les budgets après avoir reçu une sanction de la CNIL…

En 2018, les DPO s’appuyaient sur des ressources externes, mais ce n’est plus vraiment le cas en 2022. 66 % des répondants ont internalisé ses ressources au sein d’une équipe dédiée ou d’un réseau de correspondants. L’enjeu majeur du DPO est de coordonner toutes ces ressources et de les sensibiliser en continu à la protection des données dans leurs activités quotidiennes. L’objectif semble être rempli, puisque 65 % des DPO répondants sont avertis immédiatement d’une demande d’exercice de droits et 53 % d’une violation de données personnelles.

En revanche, le contrôle de la mise en œuvre du RGPD mériterait d’être amélioré. En effet, il n’existe pas de cadre unifié pour examiner les outils mis en œuvre et les procédures déployées. Ainsi, 26 % déclarent réaliser des audits ciblés et réguliers et 42 % optent pour un audit annuel réalisé soit par les équipes internes (DPO, audit ou contrôle interne), soit par un cabinet externe (cabinet d’avocats, cabinet de conseil, etc.). Enfin, 15 % ne réalisent aucun contrôle de conformité.

La gestion des tiers, un sujet en souffrance

Le traitement des données entre un responsable de traitement et un sous-traitant doit respecter le RGPD et être encadré par un contrat comprenant des clauses obligatoires. Passé le stade du recensement des contrats de l’entreprise, il convient de les contrôler et de les réviser en cas de manquement. Cette tâche est chronophage et demande des connaissances techniques et juridiques. Elle ne semble pas être priorisée dans les entreprises puisque 58 % des DPO pensent ne pas être en conformité sur ce point.

La contractualisation n’est pas la seule difficulté dans la relation avec les tiers. Le contrôle des partenaires laisse aussi à désirer. Le questionnaire de conformité est l’outil majoritairement utilisé à cet effet mais il n’est pas perçu comme efficient par 43 % des DPO. C’est pourquoi ils cherchent des solutions externalisées telles que l’audit annuel par un tiers externe ou des plateformes de type « tiers de confiance ». Ce sujet devrait progresser en 2023 avec la mise en place de la certification RGPD validée le 11 octobre 2022 par le Comité Européen de Protection des Données. Cette certification constitue le seul référentiel permettant à une organisation de faire reconnaître un niveau de conformité opposable au sens du RGPD par un tiers de confiance : l’autorité de certification ou l’autorité nationale de protection des données.

L’arrêt “Schrems II” : une relation heurtée avec les tiers situés hors de l’Union européenne

Les responsables de traitement comme les sous-traitants doivent évaluer les conditions encadrant les transferts de données et mettre en place les mesures adaptées pour garantir une protection équivalente à celle de l’Union européenne. Les Clauses Contractuelles Types (CCT) sont des modèles de contrats de transfert de données personnelles validées par la Commission européenne. Elles ont été mises à jour le 4 juin 2021 à la suite de l’invalidation par l’arrêt « Schrems II » le 16 juillet 2020 du Privacy Shield, le protocole de transfert de données entre l’Union européenne et les États-Unis en vigueur jusque-là. Les nouvelles CCT remplacent les précédentes qui dataient de 2001 et avaient été amendées en 2004, puis en 2010. Les responsables de traitement et les sous-traitants disposaient d’une période supplémentaire de 15 mois pour mettre à jour leurs CCT ou utiliser un autre outil de transfert.

Depuis le 27 décembre 2022, les anciennes CCT ne peuvent plus être utilisées. Or, selon le sondage de Data Legal Drive, seulement 38 % des répondants ont commencé le déploiement des nouvelles CCT. Les autres entreprises n’ont pas du tout lancé ce chantier, soit par manque de temps, soit par manque de connaissances. Elles expriment un réel besoin d’accompagnement sur ce sujet complexe.

Pour autant, de nombreux signaux sont encourageants quant à la prise de conscience et aux actions menées par les entreprises et les organisations françaises pour se mettre en conformité. Les DPO ont effectué un travail remarquable dans un contexte instable : la crise sanitaire, la digitalisation des méthodes de travail, le nombre accru des cyberattaques, les nouvelles recommandations de la CNIL, les nouvelles CCT… avec des budgets souvent limités au vu des travaux à accomplir. Cependant, il reste encore du chemin à parcourir sur la formation des salariés, les modalités de contrôles des outils et procédures internes, la contractualisation de la gestion des tiers et le contrôle des partenaires. Enfin, l’effacement des données excédant les durées de conservation dans les systèmes est loin d’être une réalité. De même, le chiffrement et l’encryptage des données, recommandés par la CNIL, souffrent d’un réel retard technologique en France alors même que la Direction générale des Finances publiques commence à l’imposer aux entreprises pour le dépôt de ses fichiers fiscaux. Un nouveau standard d’excellence à atteindre rapidement ?

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Loi Eckert : huit ans après, quel bilan ?

Adrien Henry
Ingénieur conseil

Eckert : Les origines

La loi n° 2014-617 du 13 juin 2014 relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d’assurance-vie en déshérence, dite « loi Eckert », est entrée en vigueur le 1er juin 2016. Elle a été baptisée d’après son rapporteur Christian Eckert, Secrétaire d’Etat chargé du Budget sous le gouvernement Hollande. Elle reposait alors sur deux objectifs principaux : liquider le stock de comptes bancaires et de contrats d’assurance-vie non réclamés afin de récupérer les sommes correspondantes et traiter le flux de nouveaux contrats inactifs arrivant à échéance au fil de l’eau.

Concrètement, la loi se concentrait sur deux axes :

  • La détection de l’inactivité d’un compte ou d’un contrat par l’absence de fonctionnement du compte et l’absence de manifestation de son titulaire ou de son représentant ;
  • Le renforcement des obligations de connaissance client pour les établissements détenteurs de comptes ou contrats inactifs : information au titulaire par courrier, clôture en cas de décès avéré, conservation et publication des données à l’État, transfert des sommes non réclamées à la Caisse des Dépôts et Consignations.

Cette loi visait avant tout à faire porter aux établissements financiers la responsabilité de la recherche et de l’information des ayants droit, protégeant ainsi les titulaires et bénéficiaires des comptes inactifs et des contrats en déshérence.

Si, pour les comptes bancaires, la notion de compte inactif est définie dans la loi Eckert comme un compte sur lequel aucune opération autre que celles à l’initiative de la banque n’est intervenue pendant 12 mois consécutifs (60 mois pour les livrets d’épargne et autres comptes à terme et comptes-titres) et dont le titulaire ne s’est pas manifesté auprès de celle-ci, le cadre juridique concernant les contrats d’assurance-vie en déshérence est plus flou. Toutefois, les acteurs du marché s’accordent sur une définition commune regroupant sous ce terme les contrats dont le bénéfice au dénouement n’a pas été versé aux bénéficiaires, même partiellement, que ce soit en cas de vie ou en cas de décès.

Un renforcement des systèmes d’information

Avant même la loi Eckert, la loi n° 2005-1564 du 15 décembre 2005 dite « AGIRA 1 » avait donné mandat à l’Association pour la Gestion des Informations sur le Risque en Assurance (AGIRA) de centraliser les demandes émanant de toute personne d’être informée de l’existence de contrats d’assurance-vie souscrits par une personne décédée dont elle serait bénéficiaire et de les transmettre à l’ensemble des assureurs, institutions de prévoyance et mutuelles.

Cette loi a été renforcée par la loi n° 2007-1775 du 17 décembre 2007 dite « AGIRA 2 » qui donne accès aux professionnels du secteur à la base de données relative au décès des personnes inscrites au Répertoire National d’Identification des Personnes Physiques (RNIPP). Si elle visait à permettre aux personnes autorisées d’accéder à des informations jusque-là confidentielles, elle ne fournissait pas de marche à suivre concernant les fonds déjà transférés à la Caisse des Dépôts et Consignations.

Par la loi Eckert, l’État a remédié à ce problème en créant CICLADE, un service en ligne à destination des particuliers permettant de rechercher les sommes en déshérence reversées à la Caisse des Dépôts et Consignations pendant les 20 ans précédant l’acquisition définitive de ces sommes par l’État, et étendu à l’ensemble des établissements financiers détenteurs de comptes et contrats les obligations réglementaires auparavant limitées aux seuls assureurs.

L’efficacité du dispositif prouvée par les chiffres…

Entre juillet 2016 et décembre 2020, ce sont 9,9 millions de comptes bancaires, contrats d’assurance-vie et plans d’épargne salariale pour un total de 6,5 milliards d’euros qui ont été transférés à la Caisse des Dépôts et Consignations. La plus grande partie (66 % des produits et 57 % du montant) provenait du stock de 2016 (1).

Il est à noter que les comptes bancaires inactifs représentent une très large partie des produits transférés, notamment en nombre (5,5 millions de comptes en 2016, soit 85 %) et dans une moindre mesure en montant (1,9 milliard d’euros en 2016, soit 51 %). Cela s’explique car, avant même les lois AGIRA 1 et 2, les assureurs étaient tenus de rechercher les bénéficiaires en cas de décès. Le cadre législatif du dispositif a durci ces obligations pour inciter les établissements à rechercher les ayants droit plus activement qu’ils ne le faisaient auparavant, notamment grâce à la surveillance de l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) et à ses sanctions potentielles.

… mais un champ d’application à étendre et à renforcer

Si la mise en place de la loi Eckert et des outils associés a permis de réduire drastiquement le nombre de comptes et contrats en déshérence, il laissait de côté le périmètre des contrats d’épargne retraite. L’ACPR notait ainsi en 2018 que ces contrats représenteraient près de 13 milliards d’euros en avoirs non liquidés à l’âge légal de départ à la retraite (actuellement 62 ans), un chiffre confirmé par la Cour des Comptes en 2019.

C’est ainsi que la loi n° 2021-219 du 26 février 2021 relative à la déshérence des contrats de retraite supplémentaire, c’est-à-dire l’ensemble des produits antérieurs au Plan d’Épargne Retraite (Article 83, Madelin, PERP, …) ainsi que le PER lui-même, entrée en vigueur le 1er juillet 2022, complète le dispositif Eckert par l’obligation faite aux gestionnaires de produits d’épargne retraite de communiquer chaque année au Groupement d’Intérêt Public (GIP) Union Retraite les données utiles à l’identification des bénéficiaires et le renforcement du devoir d’information de l’employeur auprès de ses employés.

Des obligations croissantes renforcées par des sanctions proportionnelles ?

En tant qu’organe régulateur de l’État des secteurs de l’Assurance et de la Banque, l’ACPR semble avoir fait preuve d’une certaine clémence dans les premières années ayant suivi l’entrée en application de la loi Eckert. Pour autant, depuis 2019, elle a prononcé des sanctions de plus en plus nombreuses, en particulier à l’encontre des assureurs, ces derniers étaient théoriquement mieux préparés, en raison des lois AGIRA, à remplir leurs obligations de recherche et d’information, accompagnées d’amendes de montants non négligeables. Sur le seul deuxième trimestre 2022, trois décisions ont ainsi été rendues à l’encontre d’acteurs importants du marché de l’assurance pour un montant cumulé de sanctions pécuniaires s’élevant à 12 millions d’euros.

En termes de chiffres et de systèmes d’information, la loi Eckert a donc fait la preuve de son efficacité. Entre un champ d’application qui s’élargit d’année en année et des sanctions qui tendent à se durcir, les contraintes réglementaires autant que les évolutions technologiques sont plus que jamais au cœur des préoccupations des institutions financières. Cependant, la compréhension de ces enjeux par le grand public, la connaissance approfondie des différents dispositifs d’épargne et d’investissement ainsi que la responsabilité de chacun vis-à-vis de la gestion de ses comptes révèlent une certaine insuffisance – typiquement française ? – due à une éducation financière hétérogène au sein de la population.

(1) Source : Caisse des Dépôts et Consignations