Agents are using pens pointing to contracts and are being explai

La réforme du courtage entre opportunités et défis

Emanuela Popa
Consultante
Kévin Martins
Consultant

Le 8 avril 2021, la loi relative à la réforme du courtage de l’assurance et du courtage en opérations de banque et en services de paiement a été adoptée. Elle poursuit deux objectifs : structurer l’écosystème du courtage français en accompagnant les courtiers pour qu’ils se mettent en conformité au regard d’une réglementation de plus en plus exigeante et renforcer la protection des consommateurs.

Ainsi, tous les courtiers de l’assurance (IAS ou “Intermédiaires en Assurance”), les courtiers en opérations de banque et services de paiement (IOBSP ou “Intermédiaire en Opérations de Banque et en Services de Paiement”) et leurs mandataires ont l’obligation d’adhérer à une association professionnelle agréée par l’ACPR (Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution) avant de pouvoir s’inscrire ou de renouveler leur immatriculation à l’ORIAS (Organisme pour le Registre unique des Intermédiaires en Assurance, banque et finance) pour exercer leur activité. Ces associations seront chargées de missions de vérification et d’accompagnement. Elles permettront à l’ACPR de renforcer l’encadrement de l’activité de courtage grâce à une collecte de données plus importantes et plus précises.

En outre, l’autre grand axe de cette réforme est la mise en place de nouvelles règles en matière de démarchage téléphonique afin de mieux protéger le grand public.

La mise en place de cette réglementation s’est faite en deux temps :

  • Depuis le 1er avril 2022 pour les nouveaux entrants (c’est-à-dire tous les nouveaux intermédiaires qui déposent leur première demande d’immatriculation auprès de l’ORIAS)
  • A partir du 1er janvier 2023 et jusqu’au 28 février 2023 pour tous les IOBSP et IAS déjà immatriculés à l’ORIAS

Dans quel contexte s’inscrit cette réforme ?

Les courtiers n’appliquent pas toujours les nouvelles règlementations telles que le RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données) ou encore la DDA (Directive sur la Distribution en Assurance). Cette refonte approfondie des règles en matière de distribution de produit d’assurance a été lancée suite au constat du Ministère de l’Économie et des Finances sur les nouvelles obligations de formation issues qui n’ont pas été totalement respectées en 2019 et en 2020.

Par ailleurs, des dysfonctionnements ont été mis en évidence par un nombre important d’appels à visée commerciale qui n’ont pas été sollicités (notamment à propos de contrats de complémentaire santé) alors même que les règles du démarchage téléphonique ont été durcies.

De plus, une large consultation des professionnels du courtage a permis d’élaborer les textes sur lesquels s’appuie cette proposition de loi.

 Qui est concerné ?

On estime à un peu plus de 60 000 le nombre d’intermédiaires qui auront l’obligation d’adhérer à une association professionnelle, dont :

  • 24 000 courtiers en assurance
  • 30 000 intermédiaires en opérations de banque et services de paiement
  • 7 700 intermédiaires en Libre Prestation de Service (“LPS”) ou en Libre Établissement (“LE”) sur le sol français.

 Si un courtier exerce une double activité (à la fois IAS et IOBSP), il doit adhérer à une association professionnelle pour chacune d’elle. Certaines catégories d’intermédiaires immatriculés à l’ORIAS sont exclues de la réforme :

  • Les établissements de crédit et sociétés de financement
  • Les sociétés de gestion de portefeuille
  • Les entreprises d’investissement
  • Les agents généraux d’assurance
  • Les mandataires d’intermédiaire des personnes citées ci-dessus.

 Pour quels objectifs ?

Pour bénéficier d’un agrément par l’ACPR, les associations professionnelles qui le souhaitent doivent fournir un dossier de candidature qui répond aux conditions encadrées par les articles L. 513-3 du code des assurances et L. 519-11 du Code Monétaire et Financier.

L’agrément accordé par l’ACPR les investira d’une mission de délégation de service public consistant à :

  1. Proposer les services d’un médiateur à l’ensemble de leurs adhérents
  2. Labelliser des dispositifs de formation, pour répondre aux obligations en matière de formation continue (15 heures / an pour les IAS et 7 heures / an pour les IOBSP) et accompagner la montée en compétence des courtiers
  3. Vérifier les conditions d’accès à la profession des dirigeants et des salariés et le respect des exigences professionnelles, au moins tous les 5 ans
  4. Proposer un accompagnement dans l’activité du courtage en assurance et IOBSP, notamment par la collecte de données statistiques
  5. Accompagner la mise en œuvre sur le terrain des règles en matière de protection du consommateur (meilleur encadrement du démarchage téléphonique en matière de distribution des produits d’assurance, avec obligation de conserver les enregistrements des appels de vente durant deux années)
  6. Édicter des recommandations à l’égard de leurs membres dans les principaux domaines pour lesquels la directive (UE) 2016/97 interdit de leur confier des pouvoirs de contrôle
  7. Assurer le secret professionnel dans le cadre de ses missions
  8. Fournir un rapport annuel agrégé de ses activités et des activités de ses membres.

Le cinquième point de la réforme du courtage stipule que tout intermédiaire en assurances qui contacte un prospect par téléphone doit respecter les règles suivantes :

  • L’enregistrement de l’appel
  • Le recueil de l’accord préalable du prospect à la poursuite de la communication (à défaut d’accord, l’intermédiaire doit mettre fin à l’appel)
  • Si l’offre proposée par l’intermédiaire concerne un risque déjà couvert, il doit s’assurer que le souscripteur potentiel peut résilier son contrat en cours avant ou concomitamment à la prise d’effet du contrat proposé ; avant la conclusion du contrat, l’intermédiaire doit s’assurer de la bonne réception des documents et informations précontractuelles par le souscripteur
  • Enfin, la signature du contrat ne peut être que manuscrite ou électronique : elle ne peut pas intervenir lors d’un appel téléphonique.

En outre, les associations seront encadrées par des règles qui garantiront leur indépendance et leur impartialité. Elles devront atteindre un seuil de représentativité fixée à au moins 10 % du nombre total de professionnels tenus à l’obligation d’adhésion dans un délai de deux ans. A défaut, l’association perdra son agrément. Elles disposeront également d’un pouvoir disciplinaire, pourront adresser un avertissement ou un blâme, mais aussi demander la radiation d’un intermédiaire de l’association professionnelle ou refuser son adhésion. Afin de parer à tout conflit d’intérêts, la décision de radiation ou de refus d’adhésion sera rendue par une commission spécialement constituée. Elle devra être motivée et notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception à l’adhérent ainsi qu’à l’ORIAS et l’ACPR.

 Au 22 mars 2022, une association professionnelle pour IAS et 6 associations professionnelles pour IOBSP et IAS ont obtenu leur agrément de la part de l’ACPR :

  • Votrasso (IAS)
  • CNCEF Assurance et Crédit (IAS et IOBSP)
  • La Compagnie (IAS et IOBSP)
  • ANACOFI Courtage (IAS et IOBSP)
  • ENDYA (IAS et IOBSP)
  • L’Association Française des Intermédiaires en Bancassurance (IAS et IOBSP)
  • La Chambre Nationale des Conseils en Gestion de Patrimoine (IAS et IOBSP).

  Cette réforme est une véritable opportunité pour les plus petites structures (courtiers de proximité, entrepreneurs individuels et très petites entreprises) qui n’ont pas les armes pour faire face aux nombreux changements règlementaires et à l’évolution du métier de courtier qui est de plus en plus technique.

 Pour l’accompagnement et la montée en compétence des courtiers, les évolutions s’appuient sur plusieurs axes clés : collecte des données et vérifications, renforcement des règles sur le démarchage téléphonique, formation continue. Cet ensemble doit permettre d’atteindre l’objectif final annoncé : la protection du consommateur.

  Bien entendu, il sera nécessaire d’attendre quelques années afin de pouvoir faire un bilan de cette réforme et de vérifier l’impact de ces nouvelles règles sur l’activité. Le niveau d’implication des professionnels du secteur dépend en grande partie de leur enregistrement et de leur contribution dans les associations de professionnels qui vont permettre une forme d’autorégulation. D’ailleurs, au 28 février 2023 (date initiale de clôture des inscriptions au registre unique), l’Orias a constaté un retard global des renouvellements assez significatif : 75 % des inscriptions étaient renouvelées en 2023 contre 95 % lors de la clôture en 2022. Enfin, il convient de surveiller les risques de délégation de l’ACPR aux associations : en effet, la dynamique de relation entre ces dernières et le régulateur doit permettre à chacun de rester dans son rôle.

 Sources :

https://acpr.banque-france.fr/autoriser/associations-de-courtiers

https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/2021/12/21/la-reforme-du-courtage

https://cibfinance.pro/2019/04/reforme-du-courtage-association-professionnelle

https://www.senat.fr/les_actus_en_detail/article/courtage-de-lassurance.html