Category Archives: Banque

finance verte

Les Sustainable Finance Disclosure sont entrées en vigueur

 Florence Baldo et Rajaa Imlahi
Ingénieure conseil et Consultante

En quoi consistent les nouvelles obligations SFDR ? Quelles mesures les établissements vont-ils devoir adopter ?

Introduction

La finance ne cesse de s’inviter dans le débat écologique : dans notre dernière édition, nous vous faisions part des contraintes liées à la mise en place de la nouvelle taxonomie verte au sein de l’Union européenne. En parallèle, depuis le 10 mars 2021, certaines dispositions du règlement européen 2019/2088 dit Sustainable Finance Disclosure sont entrées en vigueur. L’AMF a apporté les précisions d’usage sur l’articulation entre le règlement SFDR et la recommandation DOC-2020-03 au sujet des informations à fournir par les gestionnaires d’actifs intégrant des approches extra-financières.

Par ailleurs, un nombre croissant de sociétés de gestion opère dans le secteur de l’investissement socialement responsable : par exemple, Sycomore Asset Management s’est spécialisé dans cette optique depuis sa création en 2001 ; Allianz Global Investors propose des fonds durables depuis 20 ans et a construit plusieurs équipes dédiées à la recherche et à la gestion dans le monde ; La Banque Postale Asset Management est devenu le premier gérant français avec 100 % de fonds labellisés ISR en 2021.

En quoi consistent les nouvelles obligations SFDR ? Quelles mesures les établissements vont-ils devoir adopter ?

Un nouveau contexte réglementaire

En novembre 2019, le règlement 2019/2088 sur « la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers » a été adopté par le Parlement Européen et le Conseil de l’Union Européenne. Ce règlement, communément appelé règlement « Disclosure » ou SFDR, a pour ambition d’encadrer la finance dans une transition environnementale et durable, en mettant en place de nouvelles règles de transparence pour les acteurs des marchés financiers et les conseillers financiers.

La version finale du cadre technique de cette réglementation, à savoir les RTS (Regulatory Technical Standards), a été publiée en février 2021 par l’EBA, l’EIOPA et l’ESMA.

Ce nouveau règlement vient donc s’ajouter aux obligations existantes en matière de reporting extra-financier dictées par l’article 173 de la loi sur la transition énergétique, qui oblige les établissements financiers à rendre compte régulièrement sur l’intégration des critères ESG dans leurs opérations d’investissement et à l’article 29 de la loi relative à l’énergie et au climat.

Des objectifs ambitieux

Le règlement « Disclosure » vise à établir des règles de transparence harmonisées pour les investisseurs institutionnels sur l’intégration des risques de durabilité et des incidences négatives en matière de durabilité, à savoir, les « PAI » (Principal Adverse Impacts ou Principales Incidences Négatives). Il s’agit en effet d’accroître la transparence des acteurs du marché financier sur la manière dont les opportunités et les risques de durabilité sont intégrés dans leurs décisions et recommandations d’investissement, dans les informations relatives aux produits financiers mais également dans leur politique de rémunération.

Les acteurs financiers sont concernés par ce règlement à plusieurs niveaux :

  • Au niveau de l’entité juridique : en tant que producteurs de produits financiers visés par ce texte de loi, les sociétés de gestion sont tenues d’intégrer les risques de durabilité ainsi que les incidences négatives en matière de durabilité dans leur politique générale.
  • Au niveau du produit financier : la prise en compte des risques précités dans les décisions d’investissement passe principalement par une définition claire des risques de durabilité pour chaque produit et par l’estimation de l’impact de l’intégration des critères ESG sur le rendement du produit.

Principales dispositions mises en œuvre le 10 mars 2021

A l’heure actuelle, l’innovation est devenue un « must-have » dans beaucoup d’organisations. Les banques et assurances n’échappent pas à cette règle, et le scepticisme autour des investissements dans l’innovation et la transformation digitale qu’avaient connu certaines entreprises va probablement s’éroder dans les prochains mois.

La mise en œuvre opérationnelle du Règlement Disclosure s’effectuera en plusieurs étapes. Les premières dispositions, qui sont entrées en vigueur le 10 mars 2021, se déclinent en 4 catégories :

    La transparence sur la prise en compte du risque de durabilité (art.3)

Selon l’article 3 du règlement SFDR : “Les acteurs des marchés financiers doivent publier des informations sur leurs politiques d’intégration des risques de durabilité dans leur processus de prise de décision en matière d’investissement…”

Il s’agit, pour la société de gestion, de décrire comment son processus de gestion des risques intègre la notion de durabilité. Elle doit ainsi décrire la démarche adoptée pour identifier et quantifier les incidences qu’un évènement environnemental, social ou lié à la gouvernance d’entreprise est susceptible d’avoir sur le rendement des produits financiers.

Pour se conformer à ces exigences, il est nécessaire pour ces entreprises d’évaluer, de façon permanente, l’ensemble des risques pertinents en termes de durabilité, pouvant avoir un impact négatif sur le rendement financier d’un investissement. Elles sont également tenues de présenter, dans leurs politiques générales, la manières dont ces risques sont intégrés et de les publier sur leurs sites internet.

    La transparence sur la prise en compte des “principales incidences négatives” ou “PAI” (art.4)

A partir du 10 mars 2021, les sociétés de gestion de portefeuilles ont commencé à décrire, sur une base volontaire, la démarche qu’elles ont adoptée pour identifier et évaluer l’impact de leurs investissements et / ou leurs conseils en investissements sur les facteurs de durabilité. Les acteurs des marchés financiers et les conseillers en investissement financier de plus de 500 salariés seront concernés par cette mesure dès le 30 juin 2021.

Par ailleurs, ces entreprises devront établir, sur une base annuelle, un rapport sur l’impact de leurs investissements et/ou leurs conseils en investissement sur un ensemble de critères définis par les RTS et rendre compte régulièrement sur son évolution.

La période d’observation, ouverte le 10 mars 2021, sera donc clôturée en fin d’année et un premier rapport qualitatif sera publié à cet effet en 2022.

    La transparence sur la politique de rémunération (art.5)

Avec ce nouveau règlement, les sociétés de gestion sont tenues de publier, sur leur site internet, des informations sur leurs politiques de rémunération, en indiquant comment ces politiques sont adaptées à l’intégration des risques de durabilité : à savoir qu’elles doivent encourager la prise en compte de ces risques dans les décisions d’investissement et /ou de conseil en investissement.

    La transparence des produits financiers sur la prise en compte des risques de durabilité (art.6)

Désormais, la prise en compte des risques de durabilité s’applique à tous les fonds et mandats de gestion ou de conseil, et il en va de même pour les PAI. Il convient dans ce cas, pour la société de gestion, de présenter la manière dont ces risques sont gérés au niveau de leurs produits et mandats, en décrivant comment sont intégrés les incidences qu’un évènement, environnemental social ou lié à la gouvernance d’entreprise, est susceptible d’avoir sur le rendement du fond, produit ou du mandat conseillé.

Les résultats de l’évaluation de ces incidences négatives sur le rendement du produit financier doivent être communiquées en toute transparence aux clients.

Ces informations doivent faire l’objet d’une publication dans le prospectus du fond ou du mandat de gestion mais aussi dans le contrat de conseil (pour les conseils en investissement ou en assurance).

Prochaines Etapes

Source des dates : Autorité des Marchés Financiers

Conséquences pour le secteur financier : impact de l’obligation de classification des produits financiers sur les sociétés de gestion

Le règlement SFDR définit deux catégories de produits :

  • Ceux qui promeuvent des caractéristiques environnementales et / ou sociales (produits dits « article 8 »)
  • Ceux qui poursuivent des objectifs d’investissement durable (produits dits « article 9 »)

Cette obligation de classification concerne plusieurs acteurs financiers, dont les gestionnaires d’actifs, qui vont devoir opérer une analyse complète de leurs fonds et mandats pour se conformer à ces nouvelles exigences. Pour ce faire, ils devront produire une revue des rapports des sociétés, conformément à la directive NFRD, et la publier en l’intégrant dans leurs informations, leurs rapports et leurs documents de gestion.

Ils auront donc pour mission d’identifier les produits, les classifier entre ces deux catégories et les transpariser au moyen de reportings réglementaires, notamment la matrice European MiFiD Template qui reflète le contenu des DICI.

Ces acteurs doivent désormais démontrer que leurs processus de prise de décision en matière d’investissement, la gestion des risques et la publication d’informations sur les produits qu’ils proposent sont parfaitement alignés.

Avec l’évolution de leurs méthodes de travail, ces entreprises doivent investir davantage dans la transformation de leurs systèmes d’information ainsi que dans la constitution d’équipes de gérants et d’analystes spécialisés en Investissement Socialement Responsable.

Conclusion

Au début de son quinquennat, le président Macron avait affirmé vouloir réorienter les flux de capitaux vers des investissements durables en matière environnementale, sociale et de gouvernance plutôt que vers l’épargne ou l’immobilier.  Le règlement SFDR devrait permettre d’intégrer la « sustainability » ou durabilité dans la gestion des risques, tout en favorisant la transparence et une vision à long terme. Même si l’exigence de reporting a été établie, il reste à mesurer l’impact concret des dispositions SFDR face à des indicateurs concrets et extrêmement suivis comme l’empreinte carbone. D’une manière générale, les établissements font face à une problématique de disponibilité et d’intégrité des données utilisables ainsi qu’à une pénurie de profils spécialistes, tant du côté Métier que du côté projet.

L’une des principales difficultés de l’application de ce règlement réside dans la notion même de “durabilité” : si l’on comprend bien qu’il s’agit d’investir sur du long terme, dans des énergies renouvelables et de favoriser l’économie circulaire, l’absence de définition scientifique et le flou relatif qui entoure cette notion font qu’elle est amenée à évoluer, déstabilisant ainsi l’adaptation des processus par les établissements concernés.

covid et solvency

Solvabilité 2 : Taux bas, crise sanitaire et enjeux d’une révision du cadre prudentiel

Georges Bilong
Consultant

Les acteurs du secteur de l’assurance expriment leurs inquiétudes suite à la révision du cadre prudentiel Solvabilité 2 dans un contexte de baisse des taux et de crise sanitaire.

Entrée en vigueur le 1er janvier 2016, Solvabilité 2 est une norme prudentielle regroupant un ensemble de règles qui fixent le régime de solvabilité s’appliquant aux sociétés du secteur de l’assurance dans l’UE. L’objectif visé est de garantir que les entreprises d’assurances seront capables de faire face aux besoins de leur clientèle quelles que soient les circonstances, y compris en cas de survenance d’un évènement extraordinaire (crise financière, catastrophe naturelle, etc.). Solvabilité 2 se veut plus solide que le précédent régime (Solvabilité I), et devrait dans le principe mieux assurer la protection des assurés, car elle se fonde sur une analyse exigeante des paramètres économiques des risques.

Selon plusieurs professionnels du secteur, bien que la nécessité d’un nouveau cadre prudentiel ne soit plus à démontrer, il semble indéniable que ce nouveau régime a eu aussi bien des effets pervers que des carences qui se sont dévoilées au fil du temps, en particulier dans ce contexte de crise économique (basculement des taux en négatif, dégradation des ratios de solvabilité, etc.) et de crise sanitaire. Ainsi, nombreux sont ceux qui ont d’une part dénoncé les contraintes drastiques de cette réglementation née dans un contexte d’après-crise financière, aussi bien en termes de reporting, de gouvernance, de gestion des risques que d’investissements, et d’autre part insisté sur la nécessité absolue d’une révision de cette norme.

Suite à plusieurs consultations (qui se sont tenues sur la période d’octobre 2019 à juillet 2020), l’EIOPA (autorité européenne des assurances) a transmis le 17 décembre 2020 ses propositions de révision du régime Solvabilité 2 à la Commission européenne.

Cette nouvelle révision qui ne semble guère rassurer les professionnels du secteur s’apparente beaucoup plus à une évolution qu’à une révolution. Ainsi, pour François Villeroy de Galhau, président de l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR), la révision devrait avoir « un impact neutre en termes d’exigences de fonds propres, hormis le choc de taux ». Cependant, l’environnement actuel des taux négatifs devrait alourdir ce choc. D’après la Fédération Européenne de l’Assurance, les ajustements sur Solvabilité 2 devraient affaiblir le secteur assurantiel et son aptitude à investir dans l’économie. Ainsi les barrières aux investissements de long terme ne semblent pas avoir été adressées dans les récentes propositions.

Faisant désormais l’objet de toutes les attentes et toutes les attentions, la Commission Européenne devra impérativement se saisir et s’approprier toutes les propositions et sujets connexes afin de publier ses conclusions dans un texte au courant de l’été 2021.

Rappel des dispositions règlementaires du texte initial Solvabilité 2

La norme Solvabilité 2 dont les dispositions ont été établies par le superviseur assurantiel européen (EIOPA : European Insurance and Occupational Pensions Authority) a pour objectif l’harmonisation et le soutien du marché de l’assurance en Europe. Cette directive garantit la solvabilité des compagnies d’assurances, en d’autres termes leur capacité à faire face à leurs engagements envers leurs clients assurés. Comparativement à Solvabilité 1, cette nouvelle directive établit une nouvelle approche notamment via l’intégration d’un système global de gestion des risques et une méthode de valorisation du bilan.

Afin de réduire le risque de faillite et d’optimiser la performance dans le secteur, Solvabilité 2 s’articule en 3 piliers :

    • Pilier 1 – Les exigences quantitatives
      En d’autres termes, d’une part les principes de valorisation des actifs et des passifs, et d’autre part les exigences de capital et leur méthodologie de calcul. Deux indicateurs ont été développés par EIOPA afin d’apprécier la solvabilité des assureurs européens, et harmoniser les données des divers acteurs :

      • SCR (Solvency Capital Requirement ou le capital de solvabilité requis en français) : il correspond au niveau requis en termes de capital pour assurer la continuité d’activité ou qu’il faudrait posséder au minimum afin de limiter chaque année la possibilité de faillite de l’assureur à un niveau inférieur à 0,5 %. A partir du moment où l’organisme ne respecterait plus son ratio SCR, le superviseur se chargerait d’établir un plan de redressement en concertation avec ce dernier ;
      • MCR (Minimum Capital Requirement ou le minimum de capital requis en français : il correspond au niveau minimum de fonds propres en deçà duquel les intérêts des parties prenantes (notamment les assurés) serraient gravement en péril si l’organisme était autorisé à poursuivre ses activités. Si le MCR d’une entreprise se retrouve supérieur aux capitaux propres, le régulateur devrait automatiquement intervenir afin d’établir un plan de redressement.

      Les provisions techniques comprennent d’une part le « Risk Margin » (marge de risque) et d’autres part le « best estimate » (meilleure estimation). La « marge de risque » correspond au coût du capital qu’il faudrait que le cessionnaire lève afin de couvrir ses contraintes de capital jusqu’à l’extinction des éléments du passif. La « meilleure estimation » correspond au montant (pour lequel la probabilité de survenue ou non a pu être calculée) des flux de trésorerie à venir rattachés au contrat (sortants ou entrants) actualisés à un taux sans risque approprié.

    • Pilier 2 – Les exigences qualitativesCes dernières comprennent :
      • Premièrement, un ensemble de règles de gestion des risques et de principes de gouvernance. La directive Solvabilité 2 astreint les compagnies d’assurance à l’établissement d’un système de gouvernance efficient dont l’objectif est d’assurer une gestion sérieuse et prudente. Afin de respecter la règle dite des « 4 yeux », ce système de gouvernance comporte au minimum 2 dirigeants effectifs. Par ailleurs, 4 responsables de fonctions clés sont prévus, parmi lesquelles les fonctions conformité, actuarielle, audit interne et gestion des risques ;
      • Deuxièmement, le « ORSA » (Own Risk and Solvency Assessment ou évaluation propre des risques de la solvabilité en français). Cette exigence renvoi à un processus interne de mesure des risques et de la solvabilité par la compagnie d’assurance. Elle permet d’illustrer la capacité du groupe d’assurance à identifier, évaluer et gérer les éléments de nature à influer sur sa solvabilité.
    • Pilier 3 – Les informations adressées au public et au superviseurCe troisième pilier présente les exigences de reporting et de communication des informations financières et prudentielles. Il a pour objectif d’harmoniser à l’échelle européenne les informations publiées par les assureurs (à l’endroit des assurés, analystes, actionnaires) ainsi que celles transmises aux autorités de supervision. Ces informations aussi bien qualitatives que quantitatives doivent être transmises pour la plupart à une fréquence annuelle et, pour quelques-unes de façon trimestrielle. Les informations quantitatives devront être converties en format XBRL avant transmission au superviseur. Le reporting solvabilité 2 se structure en 4 axes principaux :
      • Le reporting prudentiel européen : établi par EIOPA au niveau européen, il est composé de 2 rapports, le « Solvency and Financial Condition Report » (ou SFCR) à destination du public et le « Regular Supervisory Report » (ou RSR) à destination du régulateur. Ces reportings sont complétés par des états appelés « Quantitative Reporting Templates » ou QRT (il s’agit ici d’états quantitatifs) ;
      • Le reporting local, requis afin d’intégrer les particularités et les normes comptables locales propres à chaque marché. En France, ce reporting correspond aux Etats Nationaux Spécifiques (ENS), à transmettre à l’ACPR à une fréquence annuelle sans diffusion publique ;
      • Le reporting de stabilité financière, requis principalement pour les compagnies d’assurance présentant une valeur totale d’actifs supérieure à 12 milliards d’euros et fondé spécifiquement sur les QRT.
      • Le reporting BCE encore appelé « BCE add-ons » prévu par le règlement BCE/2014/50 du 20 décembre 2014.

Le reporting prudentiel comprend les états quantitatifs (QRT) ci-après :

    • Bilan prudentiel ;
    • États d’actifs et placements ;
    • États sur les provisions techniques (vie et non vie) ;
    • États sur les Fonds propres et participations ;
    • États « variation analysis » ;
    • États de solvabilité (SCR et MCR) ;
    • États de réassurance ;
    • États spécifiques groupes ;
    • États sur la stabilité financière.

Points clés de la révision Solvabilité 2

Dès sa création, la norme Solvabilité 2 a prévu une clause de révision s’articulant autour de 2 revues thématiques qui s’échelonneront sur la durée.

La première revue (datant de 2018) qui portait spécifiquement sur les méthodologies de calcul et le SCR avait trois objets principaux :

  • L’élimination des obligations de financement de l’économie non justifiées ;
  • L’allègement de la formule standard ;
  • La résolution des confusions techniques relevées depuis la mise en application de la norme prudentielle.

La révision réalisée en 2020 s’est avérée plus ambitieuse en présentant des points de refonte importants. Ces axes comprenaient prioritairement les exigences de reporting obligatoire, la règle de proportionnalité, les mesures du paquet branches longues, le SCR de taux, le « volatility adjustement ».

    1. Le principe de proportionnalité
      Le régime Solvabilité 2 prévoit l’hypothèse pour une compagnie d’assurance de faire usage de ce principe pour dimensionner la mise en conformité aux normes prudentielles à sa taille et à ses risques. La phase 2 de cette révision analyse l’éventualité d’une révision des seuils d’application de la norme et la règle de proportionnalité inhérente aux trois piliers. Diverses propositions ont été communiquées par le régulateur s’agissant des seuils d’application du régime prudentiel :

      • Permettre aux pays de l’Union Européenne de définir eux-mêmes le seuil d’application de la norme relativement aux primes perçues, ledit seuil devant se situer entre 5 et 25 millions d’euros par an ;
      • Doubler le seuil d’application de la norme pour ce qui concerne les provisions techniques (actuellement fixé à 25 millions d‘euros).

      Voici les probables évolutions des seuils d’application du régime Solvabilité 2 :

    2. Pilier 1
      La revue de la formule de calcul standard du SCR impacte plusieurs éléments, lesquels pourraient pour certains d’entre eux influer de manière significative sur un grand nombre d’acteurs. Ceux du secteur de l’assurance vie devraient donc être extrêmement attentifs aux évolutions de cet indice (SCR taux) mais aussi aux évolutions relatives au « volatility adjustment ».
      D’autres révisions attendues, à l’instar de la réduction du coût du capital pour la marge de risque ont au contraire été écartées par le régulateur européen, alors même qu’un consensus semblait envisageable. L’autorité européenne de l’assurance souhaite changer les stress tests du SCR taux afin de se conformer à un environnement de taux bas. Actuellement, ces tests reposent sur 2 postulats :

      • Si les taux sont négatifs, ils ne sont plus susceptibles de baisser ;
      • Plus les taux sont bas, moins leur évolution est envisageable.

      Les chocs évalués de façon linéaire seraient substitués par des formules affinées. Ces changements des stress vont altérer la solvabilité, spécifiquement celle des acteurs de l’assurance vie.

      Le « volatility adjustment » permet aux acteurs de réaliser une actualisation des provisions à un taux un peu plus avantageux. Si cette mesure est de droit sur le territoire français, elle nécessite la validation du superviseur dans d’autres pays. Aujourd’hui, un seul niveau de « Volatility Adjustment » est évalué pour l’ensemble de la zone euro. La Commission Européenne a ainsi émis le souhait de revoir ses critères d’application et d’accorder aux Etats en contexte de crise de prendre en considération un « volatility adjustment » particulier. Le régulateur européen envisage aussi une révision des principes de calcul aujourd’hui fondés sur un spread moyen de marché. Les entités « assurance vie » et branches longues se verraient particulièrement impactées de façon négatives. Les spreads négatifs devraient être pris en compte dans le calibrage.

      La courbe des taux est actuellement évaluée sous un postulat d’illiquidité des maturités supérieures à 20 ans, horizon appelé « Last Liquid Point » (en abrégé LLP). L’autorité européenne des assurances envisage de revoir cette méthode et étudie quatre options :

      • Conserver l’approche actuelle sur le LLP (20 ans);
      • évoluer vers un LLP à 30 ans ;
      • évoluer vers un LLP à 50 ans ;
      • Conserver le LLP à 20 ans mais en y intégrant une nouvelle approche d’extrapolation de la courbe des taux fondée sur des informations du marché (la méthode utilisée actuellement est celle de Smith-Wilson).

      En baissant les taux d’actualisation, un « Last Liquid Point » plus important devrait altérer le niveau de solvabilité, là encore pour le secteur de l’assurance vie et branches longues

      Concernant le « Best Estimate », le régulateur suggère de changer la frontière des frais en s’appuyant sur les frais attendus et non plus sur les frais passés. Présentement, l’évaluation du « Best Estimate » inclut les frais relatifs aux affaires récentes, cependant l’intégration des frais d’acquisition est du ressort des entités. La réforme est sans effet pour une institution qui intégrait déjà à 100 % les frais d’acquisition. En revanche, une baisse de 30 % est prévue dans le cas d’une institution qui écartait jusqu’à aujourd’hui les frais d’acquisition de son « Best Estimate » de primes.

      S’agissant des modules immatériels, 3 options sont mentionnées et le débat reste ouvert sur l’option idéale :

      • Option N°1 : aucune modification ;
      • Option N°2 : un ensemble de simplifications additionnelles (adopter une approche d’évaluation simplifiée qui se fonde soit sur un « regroupement » des risques auxquels l’institution est exposée, soit sur une baisse, un ajustement ou une diversification de ces risques) ;
      • Option N° 3 : nouvelles méthodologies communes pour l’ensemble des modules (adopter une « approche intégrée » d’évaluation du « SCR » pour les risques immatériels).

 

    1. Pilier 2
      FONCTIONS CLÉS :

      • Admettre l’agrégation de multiples fonctions clé ;
      • Permettre le cumul d’un poste clé et d’un statut de membre de l’Administration Management ou Supervisory Body en abrégé « AMSB » ;
      • Autoriser le cumul d’un rôle clé (hormis l’audit interne) et d’une fonction opérationnelle.

      ORSA (Own Risk and Solvency Assessment) :

      • Mesure des risques annuels en dehors du calcul de la différence entre le profil de risque de l’entité et les hypothèses qui soutiennent le SCR (chaque deux ans) ;
      • Autorisation de conduire des « stress tests » et de réaliser des études de scénarios d’avantage simplifiés.

      POLITIQUES ÉCRITES :

      • Flexibilité très importante accordée à la fréquence de revue ;
      • Intégration de la politique de rémunération.

      AMSB :

      • Examen fréquent de la structure et du fonctionnement réel de l’AMSB.

 

  1. Pilier 3
    QRT :

    • Séparation des QRT en 2 classifications : principale et non principale, avec des seuils fondés sur le risque ;
    • 8 états supprimés, 8 états remplacés, 7 états créés et modification (33 états) de divers QRT trimestriels et annuels ;
    • Harmonisation des modèles pour les données transfrontalières ;
    • Refonte de QRT.

    Une communication de l’intégralité du RSR au minimum une fois tous les 3 ans est recommandée par le régulateur avec la capacité d’instaurer une valorisation annuelle par les instances de contrôles. En ce qui concerne le contenu, certains segments seront identifiés comme « dynamiques », en dautres termes soumis à évolution constante, tandis que d’autres seront dites « statiques » et ne seront donc pas susceptibles de varier d’une année sur l’autre. Des changements sont envisagés sur les volets suivants du RSR :

    • Activités et résultats ;
    • Système de gouvernance ;
    • Profil de risque ;
    • Valorisation à des fins de solvabilité ;
    • Gestion du capital.

    SFCR :

    Le changement majeur proposé par le texte « EIOPA-BOS-19-309 » est de diviser en deux parties spécifiques le SFCR selon le public ciblé (section assurés) :

    • La première partie, considérablement allégée pour les preneurs d’assurance (considérés comme un public non averti) avec une production des données solos exclusivement ;
    • La deuxième partie plus détaillée destinée à une cible professionnelle apte à appréhender les détails techniques du SFCR (section non-assurés).

    EIOPA a défini d’autres innovations à l’instar de :

    • La proposition d’une obligation d’audit du SFCR groupe et solo avec rédaction d’un rapport d’audit publié en vue de s’assurer que le bilan prudentiel soit a minima soumis dans tous les pays membres à un audit externe par un professionnel qualifié ;
    • La capacité pour EIOPA d’imposer des audits supplémentaires relativement au SCR et aux fonds propres éligibles ;
    • L’ajout de 2 semaines sur l’échéance de remise obligatoire.

Impacts de la crise sanitaire et des taux bas sur l’activité et la solvabilité des assureurs

Selon l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution, l’environnement actuel de taux bas a eu un coût plus important en 2020 que la crise sanitaire Covid 19 en elle-même dans le secteur de l’assurance. En effet, le contexte sanitaire a eu un effet globalement modéré sur les revenus des assureurs et relativement limité à court terme sur la solvabilité de ces derniers. L’assurance vie a certes connu une baisse de sa collecte brute (cotisations versées), mais pas de quoi conclure à une véritable crise de confiance chez les clients épargnants. En assurance non-vie, les conséquences, bien que « restreintes », doivent être analysées en fonction des lignes d’activités. Ainsi, au deuxième trimestre 2020, le chiffre d’affaires a chuté de 3,2 % pour les activités d’assurance incendie et dommages aux biens, de 8 % pour l’activité d’assurance responsabilité civile et de 51 % pour les activités d’assurance transport, aérienne, maritime. Les tableaux ci-dessous permettent d’avoir une autre grille d’analyse des impacts dans le secteur au premier semestre 2020.

Les impacts que nous observons sur la solvabilité sont liés en bonne partie au retour des taux d’intérêts négatifs (Eurozone) et à l’effet des mesures de politique monétaire de crise sur l’élargissement des spreads.


impact covid solvency

Rétrospective 2020 : quels impacts sur le secteur banque et assurance ?

Kévin Martins
Consultant

Rétrospective 2020 : quels impacts de la pandémie de Covid-19 sur le secteur banque et assurance ?

Crise inédite et planétaire : la pandémie de la Covid-19 apporte son lot de conséquences économiques, sociales et bien évidemment sanitaires. Il est encore difficile de toutes les évaluer ainsi que de se projeter dans un avenir proche. Quels sont les impacts mesurables constatés jusqu’à présent sur le territoire national ?

La bourse en hausse, l’économie en berne

Après plusieurs cas de Covid-19 détectés en France, Emmanuel Macron décide d’un confinement national le 17 mars 2020 pour enrayer la progression du virus : une mesure que l’on peut qualifier d’exceptionnelle en temps de paix. En effet, tous les magasins, entreprises, lieux de sociabilité et de loisirs dits « non essentiels pour la vie de la nation » doivent temporairement fermer. Seuls les magasins d’alimentation et pharmacies restent ouverts.

L’activité économique du pays s’en trouve considérablement affectée, avec une chute du PIB de 8,3 % en 2020 à 2 130 milliards d’euros ; soit une baisse historique jamais enregistrée en deux siècles en-dehors des périodes de guerre.

Pour faire face à ces conséquences économiques, de nombreuses aides ont été mises en place. Citons le PGE (Prêt Garanti par l’Etat) qui permet aux entreprises dont la trésorerie est menacée par la crise de bénéficier de la garantie d’un prêt consenti par la banque pour lequel aucun remboursement n’est exigé la première année. Dans certaines conditions, le report des cotisations sociales, du paiement des loyers, des factures (eau, gaz et électricité) et des impôts desquels les entreprises doivent s’acquitter est également possible.

Une autre mesure très forte de soutien est la prise en charge de l’activité partielle : les salariés au chômage partiel reçoivent une indemnité versée par l’employeur et en contrepartie, l’employeur reçoit une allocation d’activité partielle cofinancée par l’État et l’Unédic. Ce dispositif fait donc coup double : il soutient à la fois les entreprises et les salariés. C’est aussi le plus généreux d’Europe : en 2020, son coût est de 27 milliards d’euros. Au plus haut, en avril 2020, il a permis d’aider 8,8 millions de Français.

La prime exceptionnelle pour les salariés exposés au Covid-19 dans le cadre de leur travail, la possibilité d’abaisser le taux de prélèvement des impôts à la source pour les personnes ayant subi une baisse des revenus tout comme l’aide aux étudiants ayant perdu leur travail ou stage sont autant de mesures d’accompagnement des français.

Ces mesures ont donc pour effet de soutenir à la fois l’offre et la demande, alors même que les Français, souvent privés de possibilités de consommer, ont thésaurisés près de 130 milliards d’euros en 2020.

Quelle relance pour l’après Covid-19 ?

À côté de ces dispositifs de soutien, il faut aussi penser à l’avenir, et cela passe par la reprise économique. En septembre 2020, un plan de relance nommé « France Relance » est créé. Il est doté d’une enveloppe de 100 milliards d’euros et vise à soutenir l’économie fortement dégradée par la pandémie. Le gouvernement espère ainsi atténuer les effets de la récession et restaurer la confiance des acteurs privés, des ménages et des entreprises.

Ce plan se compose de 3 axes :

  • Transition écologique (30 milliards d’euros) : les fonds sont consacrés à la rénovation énergétique des bâtiments, à la décarbonation de l’industrie et à la transition agroécologique. Il s’agit d’une relance dite « verte » ;
  • Compétitivité et innovation (34 milliards d’euros) : l’objectif est de baisser les impôts de production pour améliorer la compétitivité des entreprises et de financer les nouvelles technologies et les projets de recherche pour soutenir l’innovation et la création d’emplois nouveaux ;
  • Cohésion sociale (36 milliards d’euros) : les mesures concernent principalement la sauvegarde de l’emploi, l’investissement dans le domaine de la santé et l’emploi des jeunes.

Tous ces dispositifs d’aide à l’économie ont creusé la dette publique qui s’affiche à 115,7 % du PIB en 2020 (contre 97,6% en 2019), son niveau le plus élevé depuis 1949. Le fameux « quoi qu’il en coûte » a donc pesé sur les comptes de l’État.

Pour le moment, les économistes sont unanimes : la dette reste encore soutenable car son coût est actuellement très faible. En effet, les intérêts de la dette représentaient 2,6 % du PIB en 2011 contre 0,8 % en 2020 grâce au niveau historiquement bas des taux : la charge d’intérêt de la dette COVID est donc au final très faible. Des propositions d’annulation de cette dette ont été évoquées. Cela nous semble peu réaliste, car la confiance des prêteurs envers la capacité de la France à rembourser baisserait, et cela augmenterait mécaniquement la prime de risque et donc les taux des futurs emprunts. Rappelons que la France emprunte pour ses dépenses de fonctionnement.

Les marchés financiers épargnés par la crise ?

L’année 2020 s’est montrée très volatile : le confinement de mars a mis à l’arrêt une bonne partie de l’activité économique et renforcé l’incertitude quant aux conséquences de la crise sanitaire. Les indices boursiers ont donc fortement chuté. Le CAC 40 a ainsi perdu 38 % en seulement 1 mois, du 18 février 2020 au 18 mars 2020, sachant que le 18 mars a été le point le plus bas de l’année. Le S&P 500 a perdu 33 % et le Nasdaq 29 % sur cette même période.

Les indices ont ensuite rebondi grâce aux politiques accommodantes des banques centrales qui ont permis de financer les « nouvelles dettes liées au COVID », avec le rachat massif de dette publique. La BCE détient ainsi 20 % de la dette publique française. À cela s’ajoute un taux de refinancement de la BCE laissé à 0 % : tout est fait pour que l’activité économique continue et ne soit pas complètement stoppée par les effets de la crise sanitaire.

Les grands gagnants de l’année 2020 sont les valeurs technologiques comme les GAFA : le Nasdaq a terminé en hausse de 43 % en enchaînant les records historiques. Ce phénomène s’explique par la hausse des commandes en lignes, de l’équipement informatique avec l’essor du télétravail, du streaming, du nombre de produits Apple utilisés, des services fournis aux entreprises avec le Cloud, etc. Le S&P finit plus modestement avec une hausse de 15 %.

L’Europe est à la traîne : l’indice Euro Stoxx 50 a chuté de 4 %. Quant au CAC 40, il a baissé de 6 % car la prépondérance des valeurs technologiques y est plus faible. L’année 2020 a tout de même clôturé à 5551 points. On note pour autant un retour en grâce du marché action français sur le premier semestre de 2021 avec une progression record de 17,23% hors dividendes.

Les banques : une situation paradoxale

La forte baisse des indices en mars 2020 a donné des idées aux Français. En effet, on dénombre pas moins de 150 000 nouveaux investisseurs en bourse sur cette période avec un profil différent des « habitués » : ils sont plus jeunes et investissent des sommes plus modestes.

À la fin du 3ème trimestre, plus de 5 millions de PEA avaient été ouverts : il s’agit d’une appétence sans précédent de la part des particuliers pour les actions. Par exemple, chez Boursorama, 150 000 comptes titres et PEA ont été ouverts : c’est 4 fois plus qu’en 2019. Idem chez ING : le nombre de comptes-titres et PEA a connu une hausse de 60 %.

En outre, le confinement a apporté une augmentation de la collecte sur les comptes courants, les livrets réglementés et l’assurance-vie. Le niveau d’épargne/liquidités est estimé à près de 130 milliards d’euros en 2020. La grande question est la suivante : cette épargne gigantesque sera-t-elle réinjectée dans le circuit économique réel pour dynamiser la reprise ?

Le gouvernement qui souhaite inciter les Français à recourir à cette épargne propose des solutions comme la création du fonds « BPI France Entreprises1 » , qui permet d’investir dans les entreprises françaises, ou encore la possibilité jusqu’au 30 juin 2021 pour un parent ou grand-parent de donner jusqu’à 100 000 euros à ses enfants ou petits-enfants sans payer d’impôt si cette donation répond à un projet précis : construction d’une maison, travaux de rénovation ou création d’entreprise.

Il faut aussi noter que cette épargne forcée coûte aux banques : le taux de facilité des dépôts de la BCE pour les réserves excédentaires reste en effet négatif à -0,5 %, et l’environnement actuel de taux bas rogne leur marge d’intermédiation.

Ainsi, certaines banques (principalement hors France) ont commencé à taxer les dépôts de leurs clients. C’est une mesure encore loin d’être généralisée qui concerne uniquement les dépôts conséquents ou une clientèle aisée affiliée aux banques privées. Le levier d’action se situe beaucoup plus sur l’augmentation des frais bancaires et concerne principalement la tenue de compte et les virements occasionnels en agence. Cette stratégie permet également de propulser le « self-care » pour facturer tous les services annexes.

L’assurance-vie à la recherche d’un nouveau souffle

Les assureurs ont été à la peine en 2020 : l’assurance-vie a connu une décollecte de 6,5 milliards d’euros. Plusieurs facteurs d’explications sont possibles : en temps de crise, on privilégie l’épargne disponible rapidement sur les livrets réglementés. La forte baisse des marchés en mars et l’incertitude quant aux conséquences de ce nouveau virus a pu générer une crainte chez les épargnants, et, surtout, la baisse des rendements des fonds euros – le support d’investissement favori des Français – a suscité moins d’intérêt et n’offre pas de perspective intéressantes.

Le maintien de la politique de taux bas par la BCE, nécessaire dans ce contexte de crise sanitaire pour soutenir et favoriser la relance de l’économie, ne bénéficie pas aux performances des fonds en euros. Les émissions obligataires européennes se font à des taux très faibles (voire négatifs) et le stock d’obligations anciennes à taux attractifs diminue d’année en année, ce qui explique la baisse des taux des fonds en euros. En 2020, le rendement moyen réel net autour de 1,13 % contre 1,46 % en 2019, soit une baisse d’environ 33 points de base.

D’ailleurs, les assureurs incitent de plus en plus leurs clients à investir sur des unités de comptes (UC) en boostant le taux des fonds en euros si une certaine proportion est investie en UC, ou en affichant des limites de montant d’investissement sur ces fonds. Ainsi, en 2020, la part des versements sur les UC s’est développée de manière significative : collecte brute est passée de 28% en 2019 à 34% en 2020, soit 18,3 milliards d’euros.

2020 a contraint à une réaction forte des politiques de la BCE et du gouvernement pour limiter l’ampleur de cette crise sanitaire sur le front économique. Un fort rebond est attendu en 2021 : la Banque de France estime en effet que la croissance sera de 5,75 %, une des plus fortes d’Europe. L’épargne accumulée par les Français en deux ans atteindrait 200 milliards d’euros, soit 2 fois le plan de relance, « une réserve de croissance significative » selon le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau.

SURFI

Le SURFI 2.0 est arrivé

Stéphane Césaire-Gédéon
Consultant

Les nouvelles dispositions réglementaires permettent le passage de SURFI à RUBA.

Le contexte du changement

SURFI (Système Unifié de Reporting Financier) qui avait remplacé BAFI (Base des Agents Financiers) en 2010 est un reporting français qui fournit au régulateur des informations utilisées pour le contrôle prudentiel et des statistiques monétaires destinées à la Banque Centrale Européenne (BCE). Ce reporting va évoluer pour répondre aux nouveaux besoins formulés par le régulateur au travers des textes intitulés « Orientations de la BCE concernant les statistiques monétaires et financières ». Étant donné que cette réforme est accompagnée d’une nouvelle taxonomie, ce reporting SURFI change de nom et devient RUBA (Reporting Unifié Banques et Assimilés).

Initialement prévue en 2021, la réforme BCE des statistiques monétaires a été reportée en janvier 2022 en lien avec la crise du COVID-19. À cette même date, la taxonomie RUBA remplacera la taxonomie SURFI pour les remises mensuelles et en mars 2022 pour les remises trimestrielles.

La nouvelle architecture

Il s’agit de la première version de la taxonomie utilisant l’architecture dite Eurofiling qui est déjà utilisée pour les taxonomies CRR / CRD IV de l’EBA ou Solvabilité II de l’EIOPA.

En effet, les concepts de dimensions, d’arborescence d’état ou d’arborescence globale utilisés dans l’architecture de données SURFI sont désormais gérés via le modèle dit « Data Point Model » (DPM) qui a vocation à hiérarchiser et/ou regrouper les éléments intitulés métriques et dimensions (catégorie principale). RUBA n’utilise que ses propres métriques et les dimensions sont regroupées par la notion de domaine.
Par exemple, les codes dimensions MON (Monnaie de l’opération) et DEV (code devise) font partie du code domaine CU (Devise).

Cependant, la structure décrite par le DPM est techniquement matérialisée au format XBRL comme aujourd’hui.

Quels sont les principaux impacts sur le contenu des états ?

Les impacts sur les états sont conséquents puisque la Banque de France estime à 1 800 le nombre de nouvelles cellules à renseigner. Ces évolutions concernent 12 états existants dont 5 états monétaires, sur lesquels s’ajoutent de nouvelles lignes/colonnes et de nouvelles données à communiquer (cellules grisées auparavant). En outre, un nouvel état monétaire a été créé et est entièrement consacré à l’activité de cash pooling.
Ci-dessous, les 13 états concernés :

À noter : certains états ne sont pas repris, comme CREDITHAB qui a été inclus dans la taxonomie CREDITHAB depuis octobre 2020.

Cash pooling

Pour rappel, le cash pooling est un service fourni par une banque de mise en commun de la trésorerie d’un groupe d’entités. Cet état M_CASHPLG nouvellement créé consiste à communiquer le notionnel lié à cette activité avec une ventilation Euro/Devises, et par type de clientèle financière ou non financière.

Comme les autres états monétaires, il sera remis mensuellement. Une discussion est en cours concernant l’assujettissement en fonction de seuils à définir qui seront réexaminés annuellement.

Informations complémentaires sur les titres

Une des modifications a vocation à compléter la ventilation des actions par type de participation. « Autres participations » vient s’ajouter aux catégories « actions cotées » et « actions non cotées » déjà disponibles sous SURFI dans l’état TITRE_PTF, au niveau des rubriques « titres à revenu variable » et « parts dans les entreprises liées » à la fois dans le tableau « actifs résidents » et « actifs non-résidents ».

Par ailleurs, il sera nécessaire de communiquer sur les titres émis et conservés par l’émetteur ou rachetés par ce dernier sur le marché secondaire. Cette modification concerne les états SITUATION France et M_SITMENS dans lesquels une ligne « Auto détention de titres à revenu fixe émis » sera ajouté à l’actif et ainsi qu’une ligne « Auto détention de titres à revenu variable émis » uniquement dans le dernier état cité, toujours à l’actif.

Dépôts et crédits des établissements de crédit vis-à-vis des banques centrales

L’état M_SITMENS est modifié pour ajouter une ligne « crédits aux banques centrales nationales » en données complémentaires à l’actif et une ligne « dépôts des banques centrales nationales » en données complémentaires au passif.

Intérêts courus non échus (ICNE)

De nouvelles lignes ont été créées pour identifier les ICNE sur les dépôts et crédit. Elles concernent à nouveau l’état M_SITMENS et la section « Données complémentaires » des tableaux actif et passif. Une ligne « créances rattachés sur les crédits » s’ajoute à l’actif et « dettes rattachées sur les dépôts » au passif.

Titrisation

Quelques changements indiquent une volonté d’assurer un suivi plus détaillé sur l’activité titrisation.
En effet, les états sur les opérations avec la clientèle et ceux dédiés aux pensions livrées sur titres font apparaître trois nouvelles colonnes afin de détailler les contreparties de titrisation : « Autres intermédiaires financiers », « Auxiliaires financiers » ainsi que « Institutions financières captives et prêteurs non conventionnels ». Il s’agit des états suivants : M_CLIENRE, M_CLIENR, M_PENLIVR, CLIENT_RE, CLIENT_NR, PENS_LIVR.

Dans les états M_CREANCE et CESSCRE, la ventilation des flux/encours par nature de créance et durée initiale devient systématique pour chaque sous-catégorie d’opération avec la clientèle impliquant un véhicule financier ou d’autres cessionnaires (IFM résidente, IFM zone euro hors France), y compris lorsque l’opération n’impacte pas le bilan.

En cas de sortie de bilan, cette ventilation permettra aussi de distinguer les opérations où l’établissement déclarant n’assure pas le recouvrement dans l’état M_CREANCE.

Cependant, la collecte des encours par pays des véhicules financiers dans l’état M_CESSCRE est supprimée.

Immobilier

Les actifs immobiliers (immeuble de bureau, logement, terrain…) faisant l’objet d’une détention directe doivent être comptabilisés dans une ligne « dont avoirs immobiliers ». Cela a été introduit dans la rubrique « valeurs immobilisées » à l’actif de l’état SITUATION France/ ZIEDOM/ ZIEOM. Une ventilation plus fine est en cours de discussion.

Ventilation des contreparties

La catégorie « Organisme de titrisation » remplace « FCC, FCT, SDT » (périmètre identique) et quatre nouvelles catégories sont créées.
À noter : cette ventilation est alignée avec le référentiel ANACREDIT comme le montre le mapping ci-dessous.

Conclusion

Compte tenu des nombreuses évolutions à la fois techniques (introduction du DPM, réorganisation des états, nouvelles lignes/colonnes…) et métiers (ventilation des actions, identification des avoirs immobiliers, nouvel état dédié à l’activité cash pooling…), la nouvelle taxonomie RUBA est un véritable défi pour les départements IT, les directions opérationnelles et les directions financières. Comme toujours sur ce type de chantier, la disponibilité des données et une exploitation efficace des informations constituent les clés de la réussite. Pour cela, l’étude d’impacts doit être réalisée au plus tôt afin de capitaliser au mieux sur le démarrage reporté en 2022.