finance verte

Les Sustainable Finance Disclosure sont entrées en vigueur

 Florence Baldo et Rajaa Imlahi
Ingénieure conseil et Consultante

En quoi consistent les nouvelles obligations SFDR ? Quelles mesures les établissements vont-ils devoir adopter ?

Introduction

La finance ne cesse de s’inviter dans le débat écologique : dans notre dernière édition, nous vous faisions part des contraintes liées à la mise en place de la nouvelle taxonomie verte au sein de l’Union européenne. En parallèle, depuis le 10 mars 2021, certaines dispositions du règlement européen 2019/2088 dit Sustainable Finance Disclosure sont entrées en vigueur. L’AMF a apporté les précisions d’usage sur l’articulation entre le règlement SFDR et la recommandation DOC-2020-03 au sujet des informations à fournir par les gestionnaires d’actifs intégrant des approches extra-financières.

Par ailleurs, un nombre croissant de sociétés de gestion opère dans le secteur de l’investissement socialement responsable : par exemple, Sycomore Asset Management s’est spécialisé dans cette optique depuis sa création en 2001 ; Allianz Global Investors propose des fonds durables depuis 20 ans et a construit plusieurs équipes dédiées à la recherche et à la gestion dans le monde ; La Banque Postale Asset Management est devenu le premier gérant français avec 100 % de fonds labellisés ISR en 2021.

En quoi consistent les nouvelles obligations SFDR ? Quelles mesures les établissements vont-ils devoir adopter ?

Un nouveau contexte réglementaire

En novembre 2019, le règlement 2019/2088 sur « la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers » a été adopté par le Parlement Européen et le Conseil de l’Union Européenne. Ce règlement, communément appelé règlement « Disclosure » ou SFDR, a pour ambition d’encadrer la finance dans une transition environnementale et durable, en mettant en place de nouvelles règles de transparence pour les acteurs des marchés financiers et les conseillers financiers.

La version finale du cadre technique de cette réglementation, à savoir les RTS (Regulatory Technical Standards), a été publiée en février 2021 par l’EBA, l’EIOPA et l’ESMA.

Ce nouveau règlement vient donc s’ajouter aux obligations existantes en matière de reporting extra-financier dictées par l’article 173 de la loi sur la transition énergétique, qui oblige les établissements financiers à rendre compte régulièrement sur l’intégration des critères ESG dans leurs opérations d’investissement et à l’article 29 de la loi relative à l’énergie et au climat.

Des objectifs ambitieux

Le règlement « Disclosure » vise à établir des règles de transparence harmonisées pour les investisseurs institutionnels sur l’intégration des risques de durabilité et des incidences négatives en matière de durabilité, à savoir, les « PAI » (Principal Adverse Impacts ou Principales Incidences Négatives). Il s’agit en effet d’accroître la transparence des acteurs du marché financier sur la manière dont les opportunités et les risques de durabilité sont intégrés dans leurs décisions et recommandations d’investissement, dans les informations relatives aux produits financiers mais également dans leur politique de rémunération.

Les acteurs financiers sont concernés par ce règlement à plusieurs niveaux :

  • Au niveau de l’entité juridique : en tant que producteurs de produits financiers visés par ce texte de loi, les sociétés de gestion sont tenues d’intégrer les risques de durabilité ainsi que les incidences négatives en matière de durabilité dans leur politique générale.
  • Au niveau du produit financier : la prise en compte des risques précités dans les décisions d’investissement passe principalement par une définition claire des risques de durabilité pour chaque produit et par l’estimation de l’impact de l’intégration des critères ESG sur le rendement du produit.

Principales dispositions mises en œuvre le 10 mars 2021

A l’heure actuelle, l’innovation est devenue un « must-have » dans beaucoup d’organisations. Les banques et assurances n’échappent pas à cette règle, et le scepticisme autour des investissements dans l’innovation et la transformation digitale qu’avaient connu certaines entreprises va probablement s’éroder dans les prochains mois.

La mise en œuvre opérationnelle du Règlement Disclosure s’effectuera en plusieurs étapes. Les premières dispositions, qui sont entrées en vigueur le 10 mars 2021, se déclinent en 4 catégories :

    La transparence sur la prise en compte du risque de durabilité (art.3)

Selon l’article 3 du règlement SFDR : “Les acteurs des marchés financiers doivent publier des informations sur leurs politiques d’intégration des risques de durabilité dans leur processus de prise de décision en matière d’investissement…”

Il s’agit, pour la société de gestion, de décrire comment son processus de gestion des risques intègre la notion de durabilité. Elle doit ainsi décrire la démarche adoptée pour identifier et quantifier les incidences qu’un évènement environnemental, social ou lié à la gouvernance d’entreprise est susceptible d’avoir sur le rendement des produits financiers.

Pour se conformer à ces exigences, il est nécessaire pour ces entreprises d’évaluer, de façon permanente, l’ensemble des risques pertinents en termes de durabilité, pouvant avoir un impact négatif sur le rendement financier d’un investissement. Elles sont également tenues de présenter, dans leurs politiques générales, la manières dont ces risques sont intégrés et de les publier sur leurs sites internet.

    La transparence sur la prise en compte des “principales incidences négatives” ou “PAI” (art.4)

A partir du 10 mars 2021, les sociétés de gestion de portefeuilles ont commencé à décrire, sur une base volontaire, la démarche qu’elles ont adoptée pour identifier et évaluer l’impact de leurs investissements et / ou leurs conseils en investissements sur les facteurs de durabilité. Les acteurs des marchés financiers et les conseillers en investissement financier de plus de 500 salariés seront concernés par cette mesure dès le 30 juin 2021.

Par ailleurs, ces entreprises devront établir, sur une base annuelle, un rapport sur l’impact de leurs investissements et/ou leurs conseils en investissement sur un ensemble de critères définis par les RTS et rendre compte régulièrement sur son évolution.

La période d’observation, ouverte le 10 mars 2021, sera donc clôturée en fin d’année et un premier rapport qualitatif sera publié à cet effet en 2022.

    La transparence sur la politique de rémunération (art.5)

Avec ce nouveau règlement, les sociétés de gestion sont tenues de publier, sur leur site internet, des informations sur leurs politiques de rémunération, en indiquant comment ces politiques sont adaptées à l’intégration des risques de durabilité : à savoir qu’elles doivent encourager la prise en compte de ces risques dans les décisions d’investissement et /ou de conseil en investissement.

    La transparence des produits financiers sur la prise en compte des risques de durabilité (art.6)

Désormais, la prise en compte des risques de durabilité s’applique à tous les fonds et mandats de gestion ou de conseil, et il en va de même pour les PAI. Il convient dans ce cas, pour la société de gestion, de présenter la manière dont ces risques sont gérés au niveau de leurs produits et mandats, en décrivant comment sont intégrés les incidences qu’un évènement, environnemental social ou lié à la gouvernance d’entreprise, est susceptible d’avoir sur le rendement du fond, produit ou du mandat conseillé.

Les résultats de l’évaluation de ces incidences négatives sur le rendement du produit financier doivent être communiquées en toute transparence aux clients.

Ces informations doivent faire l’objet d’une publication dans le prospectus du fond ou du mandat de gestion mais aussi dans le contrat de conseil (pour les conseils en investissement ou en assurance).

Prochaines Etapes

Source des dates : Autorité des Marchés Financiers

Conséquences pour le secteur financier : impact de l’obligation de classification des produits financiers sur les sociétés de gestion

Le règlement SFDR définit deux catégories de produits :

  • Ceux qui promeuvent des caractéristiques environnementales et / ou sociales (produits dits « article 8 »)
  • Ceux qui poursuivent des objectifs d’investissement durable (produits dits « article 9 »)

Cette obligation de classification concerne plusieurs acteurs financiers, dont les gestionnaires d’actifs, qui vont devoir opérer une analyse complète de leurs fonds et mandats pour se conformer à ces nouvelles exigences. Pour ce faire, ils devront produire une revue des rapports des sociétés, conformément à la directive NFRD, et la publier en l’intégrant dans leurs informations, leurs rapports et leurs documents de gestion.

Ils auront donc pour mission d’identifier les produits, les classifier entre ces deux catégories et les transpariser au moyen de reportings réglementaires, notamment la matrice European MiFiD Template qui reflète le contenu des DICI.

Ces acteurs doivent désormais démontrer que leurs processus de prise de décision en matière d’investissement, la gestion des risques et la publication d’informations sur les produits qu’ils proposent sont parfaitement alignés.

Avec l’évolution de leurs méthodes de travail, ces entreprises doivent investir davantage dans la transformation de leurs systèmes d’information ainsi que dans la constitution d’équipes de gérants et d’analystes spécialisés en Investissement Socialement Responsable.

Conclusion

Au début de son quinquennat, le président Macron avait affirmé vouloir réorienter les flux de capitaux vers des investissements durables en matière environnementale, sociale et de gouvernance plutôt que vers l’épargne ou l’immobilier.  Le règlement SFDR devrait permettre d’intégrer la « sustainability » ou durabilité dans la gestion des risques, tout en favorisant la transparence et une vision à long terme. Même si l’exigence de reporting a été établie, il reste à mesurer l’impact concret des dispositions SFDR face à des indicateurs concrets et extrêmement suivis comme l’empreinte carbone. D’une manière générale, les établissements font face à une problématique de disponibilité et d’intégrité des données utilisables ainsi qu’à une pénurie de profils spécialistes, tant du côté Métier que du côté projet.

L’une des principales difficultés de l’application de ce règlement réside dans la notion même de “durabilité” : si l’on comprend bien qu’il s’agit d’investir sur du long terme, dans des énergies renouvelables et de favoriser l’économie circulaire, l’absence de définition scientifique et le flou relatif qui entoure cette notion font qu’elle est amenée à évoluer, déstabilisant ainsi l’adaptation des processus par les établissements concernés.